LINTON, JOHN JAMES EDMONSTOUNE, journaliste, instituteur et abolitionniste, né à Rothesay (île de Bute, Écosse) en 1804 ; il épousa Margaret Dallas en novembre 1829 ; décédé à Stratford, Ontario, le 23 janvier 1869.
John James Edmonstoune Linton était, semble-t-il, instituteur à l’United Secession Church et avocat avant son arrivée dans le Haut-Canada en 1833 ; originaire du Perthshire, il fut l’un des premiers colons de Stratford. Il y avait été dirigé par un agent de la Canada Company, pour le compte duquel il écrivit trois brochures sur l’immigration durant les années 1840. Il s’établit d’abord sur une ferme, puis il ouvrit la première école de Stratford, tandis que son épouse en fondait une autre dans le canton voisin de North Easthope ; ils s’occupèrent conjointement des cours du soir en 1834 et 1835. Par la suite, Linton se lança dans les affaires comme notaire et rédacteur d’actes translatifs de propriété, s’intéressa au mouvement de tempérance alors en pleine expansion et se fit le promoteur d’une société d’agriculture, dont il devint secrétaire en 1841.
Linton se joignit aux propagandistes de la séparation de la région de Stratford du district de Huron. Dans le conflit d’opinions qui l’opposa à John Corry Wilson Daly*, représentant local de la Canada Company, Linton se considérait comme un « chien de garde public ». Cependant, le désir commun de voir Stratford devenir capitale de district rapprocha les deux groupes en 1846, de sorte que, l’année suivante, Linton persuada John Prince de présenter à l’Assemblée un projet de loi visant à créer le district de Peel, projet qui fut toutefois retiré. Lors de la formation du gouvernement de Robert Baldwin* et de Louis-Hippolyte La Fontaine au début de 1848, Linton aida Malcolm Cameron* à rédiger un projet de loi par lequel la section est du district de Huron devenait le comté de Perth, nom que Linton avait apparemment choisi seul. On louangea à Stratford ses « infatigables efforts et son inlassable persévérance ». En 1850, il fut nommé greffier de la Cour des requêtes ainsi que greffier de la paix, poste qu’il conserva jusqu’à sa mort. Il encouragea également la construction de lignes de chemin de fer atteignant Stratford dans les années 1850.
Que Linton ait quitté l’Écosse en 1833, après l’assemblée explosive de l’Église d’Écosse de 1832 qui allait aboutir à la scission de 1843, peut être une coïncidence, mais il n’en reste pas moins qu’il fut impliqué toute sa vie dans des disputes religieuses. En 1854, il commença à accuser d’esclavagisme l’American Tract Society, qui fournissait la littérature religieuse aux Églises canadiennes par l’intermédiaire de l’Upper Canada Tract Society. Comme cet organisme refusait de distribuer des écrits sur l’esclavage, Linton en avait conclu que cette société, de même que l’American Board of Commissioners for Foreign Missions et l’American Sunday School Union, était en faveur de cette « étrange institution ». Il rédigea des lettres, publia des annonces dans les journaux locaux et dans ceux de New York et distribua des tracts à ses propres frais. Pour dénoncer la « fausse solidarité » de sa propre Église, il fit appel au Presbyterian Board of Publications of Philadelphia. De plus, il collabora à plusieurs reprises, entre 1853 et 1856, au plus important journal défenseur des esclaves fugitifs au Haut-Canada, le Provincial Freeman, avant de fonder son propre journal, la Voice of the Bondsman, à Stratford en 1856. Bien qu’il eût distribué gratuitement 5 000 copies du premier numéro en novembre et 7 000 du second en décembre, il reçut peu d’abonnements et abandonna au début de 1857. Il publia également, entre avril 1854 et 1860, une série de 24 brochures intitulée Challenge ; dans ces pages consacrées aux mouvements pour la tempérance et l’observance du dimanche, Linton insistait sur les liens existant entre l’esclavage et l’abus de la boisson. On lui doit également une brochure abolitionniste ainsi qu’un ouvrage intitulé Slavery in the churches, religious societies, &c., a review (Toronto, 1856) préparé en collaboration avec Thomas Henning, secrétaire de l’Anti-Slavery Society of Canada, et dans lequel il attaque baptistes, congrégationalistes et méthodistes wesleyens.
Cependant, en dernière analyse, on peut conclure à l’inefficacité de Linton comme abolitionniste, en raison de sa virulence, voire de sa méchanceté, et d’un souci de perfection tel que même le patient philanthrope de l’abolitionnisme de New York, Lewis Tappan, demanda de ne plus avoir à correspondre avec lui. Les efforts de Linton n’eurent pour résultats que la décision prise par l’Upper Canada Tract Society en 1856 de se procurer des tracts américains par l’intermédiaire de ses propres agents plutôt que par des agents américains ainsi que celle des presbytériens canadiens de rompre leur engagement avec le Presbyterian Board of Publications et d’obtenir leurs publications directement d’Écosse. Linton illustre malheureusement le type de l’abolitionniste canadien, incapable de se trouver des alliés permanents dans les mouvements anti-esclavagistes américains, parce qu’il ne pouvait dissocier sa haine de l’esclavage de son profond mépris pour les États-Unis. Il faut chercher ses principaux soutiens plutôt du côté de la Bristol and Clifton Ladies’ Anti-Slavery Society et de l’Edinburgh Ladies’ Emancipation Society. Lors de l’assemblée annuelle de la Canadian Anti-Slavery Society en 1857, Linton fut remercié pour ses efforts en faveur de l’abolitionnisme. Par la suite, il devint de plus en plus silencieux, peut-être pour cause de maladie, et s’occupa des miséreux de Stratford. En 1859, on l’aperçut alors qu’il portait une bouteille de vin à un mourant (malgré ses idées sur la tempérance) ; il ouvrit également une soupe populaire. Il mourut à l’âge de 64 ans, après avoir vu Stratford, qu’il aida à fonder, élevé au statut de ville, et l’esclavage, qu’il abhorrait, aboli dans la république voisine.
[Letters from settlers in Huron District, C. W., J. J. E. Linton, compil. (Londres, 1842)].— [J. J. E. Linton], The life of a backwoodsman ; or, particulars of the emigrant’s situation in settling on the wild land of Canada (Londres, 1843 ; réimpr., 1850).— J. J. E. Linton, A prohibitory liquor law for Upper Canada, being a bill for an act to prohibit the sale by retail, &c., with remarks, and other documents (Toronto, 1860).— J. J. E. Linton et Thomas Henning, Slavery in the churches, religious societies, &c., a review (Toronto, 1856).— [Statements from settlers on the Canada Company land in the Huron District, J. J. E. Linton, compil. (Londres, 1842)].
APC, RG 7, G20, 59.— Dr Williams’s Library (Londres), Estlin papers.— Library of Congress (Washington), Manuscript Division, Lewis Tappan papers.— Globe, 1856–1857.— Provincial Freeman (Windsor, Toronto et Chatham), 1853–1856.— Voice of the Bondsman (Stratford, Ont.), 1856–1857 (la seule copie qui existe est conservée à la UWO).— Windsor Herald (Windsor, Ont.), 6 juin 1856.— William Johnston, History of the county of Perth from 1825 to 1902 (Stratford, Ont., 1903).— W. S. et H. J. M. Johnston, History of Perth County to 1967 (Stratford, Ont., 1967).— A. L. Kearsley, Paths of history in Perth and Huron (Stratford, Ont., 1963).— Robina et K. M. Lizars, In the days of the Canada Company : the story of the settlement of the Huron tract and a view of the social life of the period, 1825–1850 (Toronto et Montréal, 1896).— A. L. Murray, Canada and the Anglo-American anti-slavery movement : a study in international philanthropy (thèse de ph.d., University of Pennsylvania, Philadelphie, 1960).— Winks, Blacks in Can.
Robin W. Winks, « LINTON, JOHN JAMES EDMONSTOUNE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/linton_john_james_edmonstoune_9F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
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