LEWIS, WILLIAM, imprimeur et journaliste, né dans le Kent, Angleterre ; son épouse, prénommée Elizabeth, mourut en juin 1782 ; circa 1777–1787.
Nous ne savons rien de précis sur la jeunesse de William Lewis, sauf qu’il avait déjà émigré en 1777 dans la province de New York. Il est possible qu’il ait fait son apprentissage dans la colonie sous James Robertson, éminent journaliste aux tendances royalistes. Lewis eut des démêlés avec les Américains pour ses publications probritanniques à Albany où Robertson était propriétaire de l’Albany Gazette ; en 1777, il était arrêté par le comité de sécurité publique de New York. Il fut remis en liberté surveillée à Kingston, New York, en octobre de la même année et « demeura] au service de M. [John] Holt imprimeur ». Quelque temps après, il dut sans doute se soustraire à ses surveillants et partir pour New York, car le vendredi 3 septembre 1779, il commençait, avec Samuel Horner, la publication du journal The New-York-Mercury ; or, General Advertiser, comblant ainsi le seul jour de la semaine où ne paraissait pas encore de journal britannique. En 1783, John Ryan* s’associa à Lewis et, conjointement, ils continuèrent à publier le Mercury jusqu’au 15 août, date à laquelle la Révolution américaine était déjà finie, et l’évacuation de New York sur le point de se terminer.
À son arrivée en Nouvelle-Écosse en tant que capitaine d’une compagnie loyaliste, Lewis reçut un terrain sur la rue Prince William à Parrtown (Saint-Jean, Nouveau-Brunswick). Il commença de publier presque immédiatement, ce qui ne laisse aucun doute sur le fait qu’il ait emporté avec lui la presse du Mercury. Le 12 décembre 1783, alors que Ryan était encore son associé, il lança un journal de quatre pages, The Royal St. John’s Gazette, and Nova-Scotia Intelligencer, le premier à paraître dans ce qui est maintenant le Nouveau-Brunswick. Lewis et Ryan se présentaient comme « Imprimeurs pour le compte de la loyale colonie de Sa Majesté, rivière Saint-Jean, Nouvelle-Écosse, à l’imprimerie et au bureau de poste [...] rue King, où l’on exécute toutes sortes de travaux d’imprimerie avec précision et diligence ». Les travaux officiels leur permettaient de financer au premier chef la Gazette mais ils publiaient également d’autres travaux, y compris des almanachs et des livres.
Une des sections de la Gazette contenait des nouvelles internationales, régionales et locales ; on trouvait parfois quelques tentatives littéraires ou humoristiques. Les vers de mirliton de Charles Loosley amusaient ou bien agaçaient les lecteurs de Saint-Jean car ils démasquaient « La faction vociférante et les guerres de parti, / La taverne bruyante et les scènes d’émeute ». Pendant les premières années, le chaos régna dans la colonie, et Lewis, que la rhétorique incendiaire de la Révolution américaine stimulait, ne manquait aucune occasion de révéler les malheurs et les souffrances des Loyalistes entre 1783 et 1785. Il fulminait contre l’incompétence et l’injustice des fonctionnaires, et exigea une « seconde Inquisition espagnole » à l’égard des agents des terres, qui « Ont réservé les étendues de choix pour certains, / Alors que ceux qui leur sont supérieurs doivent mourir de faim ». La création, en 1784, de la colonie séparée du Nouveau-Brunswick laissa de nombreux problèmes en suspens ; en juillet, la Gazette offrit par souscription un livre intitulé « An accurate history of the seulement of His Majesty’s exiled loyalists », que sans aucun doute Lewis devait écrire, et qui promettait de dévoiler « la négligence sans précédent, ou la tromperie intentionnelle » perpétrée contre « des soldats en détresse et de pauvres réfugiés ». « Le rang ou la dignité » ne protégeront personne contre les attaques. Le livre en question ne devait jamais paraître.
Même si le gouvernement était mécontent de Lewis et de Ryan, il se voyait contraint de faire appel à leurs services puisque ces deux imprimeurs étaient les seuls de la province. C’est ainsi que la Gazette obtint le contrat d’impression de la charte de la ville de Saint-Jean en 1785. Cependant, les autorités se lassèrent. Christopher Sower, ancien concurrent de Lewis à New York, fut nommé imprimeur du roi le 8 avril 1785, et il arriva de Londres avec sa presse à temps pour les premières élections du Nouveau-Brunswick en novembre. Lewis et Ryan, forcés d’appeler leur journal Saint John Gazette and Weekly Advertiser puisque Sower revendiquait le titre The Royal Gazette and the New Brunswick Advertiser, éreintèrent les fonctionnaires qui avaient accordé un traitement de faveur à quelqu’un n’ayant pas vécu les deux premières années douloureuses de la colonie. Les élections donnèrent l’occasion d’attaquer l’establishment ; ainsi, Lewis et Ryan, jouissant des pleins droits de citoyens de la nouvelle ville, se démenèrent pour assurer la défaite des candidats gouvernementaux. Le gouverneur Thomas Carleton* qui n’allait pas tolérer ce genre d’opposition, prit comme prétexte une émeute causée par les élections pour arrêter plusieurs critiques importants du gouvernement, y compris Lewis et Ryan. Il fit également annuler les élections de candidats inacceptables.
Contraints de se tenir à la disposition de la Cour suprême en mai 1786, et accusés d’ « écrit diffamatoire criminel », Lewis et Ryan plaidèrent coupables, s’en remettant à la bienveillance de la cour. Chacun fut condamné à une amende de £20 et obligé de déposer un cautionnement de £50 en garantie de bonne conduite pendant six mois. L’autoritarisme, et non la liberté de presse, exerçait son empire alors – et cela pour le demi-siècle à venir.
Le 21 mars 1786, Lewis avait mis fin à son association avec Ryan ; ce dernier conserva l’entreprise et finit par devenir imprimeur du roi en remplacement de Sower. Lewis n’avait pu accepter les conventions d’une société non révolutionnaire. Il semble qu’il ait quitté Saint-Jean en 1786 ou en 1787 sans laisser de traces.
N.B. Museum (Saint-Jean), W. F. Ganong coll., papers relating to the Saint John election, 1785–1786.— N.Y. Hist. Soc., Minutes of the committee and of the first commission for detecting and defeating conspiracies in the state of New York, December 11, 1776-September 23, 1778 [...] (2 vol., New York, 1924–1925).— Royal Gazette and the New Brunswick Advertiser, 21 mars 1786, 2 mai 1787.— Royal St. John’s Gazette, and Nova-Scotia Intelligencer (Saint-Jean), 29 janv., 9 sept. 1784.— J. R. Harper, Historical directory of New Brunswick newspapers (Fredericton, 1961).— W. H. Kesterton, A history of journalism in Canada (Toronto, 1967).— Sidney Kobre, The development of the colonial newspaper (Pittsburgh, Pa., 1944 ; réimpr., Gloucester, Mass., 1960).-J. W. Lawrence, The judges of New Brunswick and their times, A. A. Stockton et W. O. Raymond, édit. ([Saint-Jean, 1907]).— MacNutt, New Brunswick.— E. C. Wright, The loyalists of New Brunswick (Fredericton, 1955).— J. R. Harper, Christopher Sower, king’s printer and loyalist, N.B. Hist. Soc., Coll., no 14 (1955) : 67–109.— D. R. Jack, Early journalism in New Brunswick, Acadiensis (Saint-Jean), VIII (1908) : 250–265.-W. O. Raymond, Elias Hardy, councillor-at-law, N.B. Hist. Soc., Coll., IV (1919–1928), no 10 : 57–66.
C. M. Wallace, « LEWIS, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lewis_william_4F.html.
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Auteur de l'article: | C. M. Wallace |
Titre de l'article: | LEWIS, WILLIAM |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |