LETT, BENJAMIN, patriote, né le 14 novembre 1813 dans le comté de Kilkenny (république d’Irlande), fils de Samuel Lett et d’Elizabeth Warren ; décédé le 9 décembre 1858 à Milwaukee, Wisconsin, et inhumé à Northville, Illinois.

Benjamin Lett immigra avec ses parents et sa famille dans le Bas-Canada en 1819, et ils s’établirent dans le canton de Chatham, sur la rivière des Outaouais. En 1833, neuf ans après la mort accidentelle de Samuel Lett, la famille alla se fixer dans le canton de Darlington, sur le lac Ontario, et se consacra à l’agriculture. Bien que Benjamin Lett n’ait pas participé à la révolte de William Lyon Mackenzie* à Toronto en 1837, les Lett furent contraints par la suite à s’enfuir de la colonie, après qu’une bande d’orangistes armés de la région eurent cherché à faire arrêter Benjamin parce qu’il avait refusé de s’unir à eux pour terroriser les sympathisants réformistes. Il se joignit ensuite aux forces des patriotes sur la frontière du Niagara, tandis que sa famille immigrait au Texas. Plus tard, sa réputation d’ennemi intrépide et vindicatif ayant atteint des proportions romanesques, on répandit partout des histoires sur sa haine des Britanniques, laquelle aurait été provoquée par un incident antérieur impliquant des orangistes et au cours duquel un de ses frères fut atteint d’un coup de feu et une de ses sœurs violée.

Les incursions des patriotes le long de la frontière du Haut-Canada, en 1838, reflètent un manque de direction, des divisions internes et l’absence presque totale de logistique et de stratégie ; il en résulta une série ininterrompue de fiascos [V. Thomas Jefferson Sutherland]. Agissant généralement seul, comme à la guérilla, Lett incendia, tua et sema la ruine pendant presque quatre ans, sans faire avancer d’un pas la cause des patriotes. En novembre 1838, le capitaine Edgeworth Ussher, qui avait piloté les bateaux d’Allan Napier MacNab* de l’autre côté de la rivière Niagara pour aller brûler le Caroline, fut assassiné dans sa maison. Un sentiment de colère et d’indignation balaya toute la province, discréditant la cause des patriotes. On doutait de l’identité du meurtrier, mais les tories de la province, convaincus que c’était l’œuvre de Lett, offrirent une récompense pour sa capture. En janvier 1839, Lett tenta en vain d’incendier les navires britanniques ancrés à Kingston. Six mois plus tard, il se joignit à Samuel Peters Hart et à Henry J. Moon pour lancer un raid sur Cobourg, dans l’intention de piller et d’assassiner Robert Henry, et d’enlever certains habitants de la région, tel Sheppard McCormick qui avait participé à l’attaque contre le Caroline. Les autorités furent averties, l’entreprise échoua et Lett réussit de justesse à s’enfuir du côté américain du lac Ontario. À la suite de la « conspiration de Cobourg », le lieutenant-gouverneur sir George Arthur offrit une récompense de £500 pour la capture de Lett.

Après le raid, dès qu’un acte de terrorisme était commis dans le Haut-Canada, Lett, habituellement armé de quatre pistolets et d’un long couteau, passait pour en être l’auteur. Le Cobourg Star le décrivit ainsi : « mesurant 5 pieds 11 pouces, plutôt mince, des cheveux et des favoris blond roux, une face rubiconde et pleine de taches de rousseur, la peau claire, de grandes mains musclées et des doigts ronds, longs et très blancs. Des yeux bleu clair et remarquablement pénétrants. » Le 17 avril 1840, le monument Brock à Queenston Heights, élevé pour commémorer la défaite des Américains lors de la guerre de 1812 et symbole de la puissance et de la domination britanniques, fut sérieusement endommagé par une explosion de poudre à canon. Bien que d’autres personnes aient pu être mêlées à l’affaire, Arthur tint Lett principalement responsable de cet acte de vandalisme. « Il a été clairement établi, fit-il savoir au gouverneur Charles Edward Poulett Thomson*, que cette vile tentative de destruction du monument fut perpétrée par Benjamin Lett – le Rob Roy du Haut-Canada – qui rôde toujours près de notre frontière, ourdissant et commettant toutes sortes de mauvais coups. » Après avoir tenté en juin de brûler le vapeur Great Britain à Oswego, dans l’état de New York, Lett fut arrêté par les autorités américaines. Reconnu coupable le même mois de tentative d’incendie criminel et condamné à sept ans de travaux forcés, il s’évada du train qui le conduisait à la prison d’Auburn.

Pendant l’année qui suivit, Lett devint hors-la-loi des deux côtés de la frontière. Capturé finalement à Buffalo en septembre 1841, il fut conduit à la prison d’Auburn et mis au secret. Selon son frère Thomas, les gardiens l’« attachaient fréquemment au pilori (la tête rejetée en arrière) et versaient de l’eau sur son visage », risquant de le tuer « presque sur le coup [...] par étranglement ». En 1845, la santé de Lett s’étant détériorée, le gouverneur de l’état de New York, Silas Wright, le gracia. Après une période de convalescence auprès du docteur Edward Alexander Theller, à Buffalo, il alla rejoindre ses frères et sœurs dans une ferme située près de Northville, dans l’Illinois, où ils s’étaient établis cinq ans auparavant. La cause des patriotes avait été abandonnée depuis longtemps, et les incursions frontalières de Lett étaient maintenant choses du passé.

En 1858, pendant qu’il était en route pour se lancer dans une expédition de traite sur le lac Michigan, Benjamin Lett mourut mystérieusement d’un empoisonnement à la strychnine, à Milwaukee. Thomas Lett prétendit plus tard qu’il s’agissait de l’œuvre d’agents tories. Benjamin fut enterré dans le cimetière Lett, à Northville, et son épitaphe rappelle le chagrin amer de Thomas après le traitement que les autorités américaines avaient infligé à son frère : « Le dossier de la participation des Américains dans l’affaire de Benjamin Lett – il ressemble à un enfer chrétien sans Jésus-Christ : AUCUNE ISSUE. »

Allan J. MacDonald

AO, MS 516, Benjamin Lett à W. L. Mackenzie, 10 mars 1839, 26 août 1840 ; Thomas Lett à Mackenzie, 28 déc. 1840, 16 nov. 1845 ; MU 1881, no 4675.— APC, RG 5, A1 : 121712–121713, 121868–121916, 123661–123693, 123699–123725, 123838–123840, 124045–124047, 124290–124298, 125483–125490, 125670–125673, 126804–126807, 127937–127954, 132472–132473, 132484, 134543–134547, 142129–142130.Arthur papers (Sanderson), 2 : 207 ; 3 : 46.— Cobourg Star, 31 juill. 1839.— A. B. Corey, The crisis of 1830–1842 in Canadian-American relations (New Haven, Conn., et Toronto, 1941).— Guillet, Lives and times of Patriots.— Thomas Lett, The life, trial and death of Benjamin Lett, the Canadian Patriot of 1837-’38 ; together with the inscription on his monument (Sandwich, Ill., 1876).— R. B. Ross, « The Patriot war », Mich. Pioneer Coll. (Lansing), 21 (1892) : 532, 541, 607–608.

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Allan J. MacDonald, « LETT, BENJAMIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lett_benjamin_8F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
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