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LETENDRE, dit Batoche, FRANÇOIS-XAVIER, homme d’affaires et éleveur, né vers 1841 à Saint-Boniface (Manitoba), fils de Louis (Louison) Letendre, dit Batoche, et de Marie Hallet ; le 19 mai 1863, il épousa à Saint-Norbert (Manitoba) Marguerite Parenteau, et ils eurent 13 enfants ; décédé le 25 avril 1901 à Batoche (Saskatchewan).
Petit-fils du voyageur canadien Jean-Baptiste Letendre*, dit Batoche, et de Josephte, de la nation des Cris, François-Xavier Letendre (connu aussi sous le nom de Monsieur Batoche) et sa famille passent l’hiver dans la région de la fourche des Gros-Ventres (rivière Saskatchewan-du-Sud) dès les années 1860. En 1872, à la suite de la débâcle politique au Manitoba [V. sir Adams George Archibald*], il décide de s’établir définitivement dans le Nord-Ouest. William Francis Butler, qui le rencontre au cours de l’hiver de 1872–1873, le décrit comme « un bel homme, jovial, plein de bonne humeur ». Letendre fonde un village auquel il donne le nom de Batoche, y bâtit un magasin et établit un service de bac, appelé traverse à Batoche. Il réclame plusieurs lots de rivière afin d’y installer ses sœurs, ses frères et sa parenté. En 1882, désireux d’attirer des colons, il dicte au missionnaire Valentin Végréville un compte rendu vantant les attraits du village. Il fait valoir « les avantages de la place et de son avenir [...] au centre des grandes voies de communication [...] où le colon y trouvera de bonnes terres, du foin, de l’eau et du bois ». En 1883, la population de Batoche et des environs s’élève à plus de 800 personnes.
Le réseau commercial de Letendre s’étend au nord-est vers Fort-à-la-Corne et au nord-ouest jusqu’au lac La Grenouille (lac Frog, Alberta), où il a des postes de traite. Les Cris y échangent leurs fourrures pour des articles manufacturés transportés par les « fréteurs », ou charretiers, de Letendre qui font la navette entre Winnipeg, Batoche et les postes du Nord. En 1878, Letendre est un homme riche. Il se fait construire une somptueuse maison, « la plus belle à l’ouest de Winnipeg » comme il le dira, évaluée en 1886 à 5 500 $. Il offre l’hospitalité à de nombreux visiteurs, entre autres au marquis de Lorne [Campbell*], gouverneur général, et à Joseph Royal, lieutenant-gouverneur.
Letendre est actif dans tous les domaines de la vie communautaire. Il dirige les négociations visant à obtenir un prêtre résidant, et la construction de l’église et du presbytère de la paroisse Saint-Antoine-de-Padoue. Généreux bienfaiteur, il est avant tout un homme d’affaires habile. Ainsi, il promet de donner 100 $ pour chaque 500 $ que Mgr Vital-Justin Grandin, évêque de Saint-Albert, fournira au fonds de construction. En reconnaissance de son aide financière, Letendre est choisi comme parrain de la cloche de l’église qu’on baptise Marie-Antoinette.
Letendre est particulièrement présent dans les débats politiques et sociaux qui secouent la communauté métisse en 1884–1885. Il fait partie des comités qui se réunissent pour revendiquer les droits fonciers et politiques des Métis auprès d’un gouvernement insensible à Ottawa. Mais, lorsque la résistance devient militante au printemps de 1885, Letendre et la bourgeoisie se distancient des « révolutionnaires ». Il ne critique pas ouvertement les leaders Louis Riel* et Gabriel Dumont, mais il envisage la question sous un angle plus pragmatique. Pourtant, ses frères sont engagés dans la « guerre nationale » et plusieurs membres de sa famille prennent les armes. Sa maison est réquisitionnée par les insurgés, et sa vieille mère et ses filles y soignent les blessés des batailles. Toujours discret et diplomate habile, Letendre, qui est alors à Fort-à-la-Corne, avise les émissaires de Riel qu’il ne peut laisser son gros stock de provisions. Toutefois, il leur donne des fusils et des munitions.
La bataille de Batoche, du 9 au 12 mai, contre les troupes commandées par Frederick Dobson Middleton* est dévastatrice. Dans sa réclamation à la commission chargée d’enquêter sur les pertes subies pendant la rébellion en 1886, Letendre rapporte que sa maison a été saccagée par les miliciens canadiens, ses magasins vidés, son troupeau anéanti et sa famille obligée de se nourrir de viande de chien pour subsister. Il reçoit une compensation de 19 000 $ pour ses pertes évaluées à près de 40 000 $. Sa situation est bien meilleure que celle des combattants métis pauvres et sans influence, qui ont été exclus sous prétexte « qu’ils avaient contribué à leurs propres pertes ». Letendre a des amis influents parmi le clergé et dans le parti conservateur. Mgr Alexandre-Antonin Taché*, archevêque de Saint-Boniface, Mgr Grandin et Joseph Royal ont témoigné en sa faveur.
Après 1885, vient une période de reconstruction et de « nouvelles directions » pour Letendre. Il répare ses bâtiments et rétablit son commerce. En 1888, il obtient les lettres patentes pour les 686 acres dont il revendiquait la propriété. En 1891, il établit un ranch près d’Alvena, au sud-est de Batoche, où il élève plus de 200 bovins et 30 chevaux. L’année suivante, il s’y installe avec sa famille. En 1895, il vend sa maison et un terrain à Batoche à la Police à cheval du Nord-Ouest, qui y établit des casernes.
Letendre continue de jouer un rôle sur la scène politique et culturelle pendant ces années. Entre 1886 et 1900, il appose sa marque (en écriture syllabique crie) sur de nombreuses pétitions adressées aux gouvernements fédéral et territorial réclamant des terres gratuites pour les Métis en vertu de leurs droits de premiers occupants, de l’aide économique pour faciliter la transition à l’agriculture et une représentation politique plus équitable. En décembre 1888, Letendre se rend à Ottawa pour livrer la pétition des conservateurs de la région au premier ministre sir John Alexander Macdonald*. Son importance sur le plan politique est renforcée par l’élection de son gendre, Charles-Eugène Boucher, à l’Assemblée territoriale en 1891. Letendre est aussi commissaire d’école et, pendant plusieurs années, il dirige le comité organisateur de la « fête des Métifs » annuelle, ou fête nationale du 24 juillet qui se tient à Batoche. En 1900, il fait partie d’un comité chargé d’élever un monument aux victimes des batailles de 1885. Ce monument, portant les noms des Métis et des Amérindiens morts durant les combats, est érigé l’année suivante au cimetière local.
« Monsieur Batoche » demeure un personnage prestigieux dans la région à la fin du siècle, même s’il est évident que sa situation économique se détériore vers 1895. Sa vie personnelle et familiale est aussi marquée d’épreuves et de tensions. Ses fils subissent les préjugés grandissants envers « les sauvages » et ont de la difficulté à s’établir. La grippe et la tuberculose font des ravages chez la population métisse, et Letendre et trois de ses filles succombent à la maladie.
François-Xavier Letendre fait partie de la dernière génération de Métis, dits « gens libres » dans l’Ouest canadien. La colonisation euro-canadienne isole et dépossède les Métis, qui persistent pourtant dans le maintien de leurs traditions économiques et sociales. Letendre adopte certaines valeurs et institutions euro-canadiennes tout en respectant son héritage autochtone et « métchif ». La génération subséquente ne sera pas en mesure de maintenir cette identité.
AN, RG 15, 589, dossier 198086 ; 914, dossier 829789 ; 931.— Arch. de l’évêché de Prince Albert, Saskatchewan, Saint-Antoine de Padoue (Batoche, Saskatchewan), RBMS.— Arch. Deschâtelets, Oblats de Marie-Immaculée (Ottawa), Compte-rendu de Xavier Letendre, dit Batoche, au père Végréville, 1882.— PAM, MG 7, D8 ; D12 ; MG 10, F1.— Saskatchewan Arch. Board (Saskatoon), Homestead files, 81184, 391562, 4049585.— W. F. Butler, The wild north land [...] (Londres, 1873 ; réimpr., Edmonton, 1968).— D. [P.] Payment, Batoche (1870–1910) (Saint-Boniface, Manitoba, 1983) ; « Monsieur Batoche », Sask. Hist., 32 (1979) : 81–103.
Diane Paulette Payment, « LETENDRE, dit Batoche, FRANÇOIS-XAVIER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/letendre_francois_xavier_13F.html.
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Auteur de l'article: | Diane Paulette Payment |
Titre de l'article: | LETENDRE, dit Batoche, FRANÇOIS-XAVIER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 2 décembre 2024 |