LESSARD, FRANÇOIS-LOUIS (baptisé Louis-François-Guillaume), officier dans la milice et l’armée, né le 9 décembre 1860 à Québec, fils de Louis-Napoléon Lessard et de Jane Felicity McCutcheon ; le 25 avril 1882, il épousa dans cette ville Marie Florence Lee, et ils eurent trois filles ; décédé le 7 août 1927 à Meadowvale (Mississauga, Ontario).

Le père de François-Louis Lessard occupait un poste de secrétaire à la Société permanente de construction de Québec ; sa mère était d’ascendance écossaise. Connu de ses amis sous le prénom de Louis, Lessard étudia au collège Saint-Thomas à Montmagny et à l’Académie commerciale de Québec. Selon une nécrologie, il « passa quelques années dans les affaires » avant de se consacrer à la carrière des armes. À l’instar de beaucoup de ses contemporains francophones qui parvinrent à de hautes fonctions politiques ou militaires, il baigna à la fois dans la culture française et la culture britannique durant sa jeunesse. En 1878, il s’enrôla comme simple milicien dans le Quebec Volunteer Militia Cavalry Squadron. Deux ans plus tard, il fut admis en tant qu’officier à la School of Gunnery (B Battery, Garrison Artillery). Muté en 1884 au 65e bataillon de carabiniers Mont-Royal, il s’intégra ensuite au Cavalry School Corps (Royal Canadian Dragoons), une des premières unités à faire partie de l’armée permanente. Lessard partit en campagne pour la première fois pendant la rébellion du Nord-Ouest en 1885 [V. sir Frederick Dobson Middleton*]. Sa tâche se limita alors à protéger les lignes d’approvisionnement, et son unité de cavalerie ne fut jamais exposée au feu. De plus en plus reconnu pour ses talents d’instructeur et d’administrateur, il fut promu capitaine en 1888, major et commandant du A Squadron du Royal Canadian Dragoons à Toronto en 1894, inspecteur de la cavalerie du Canada en 1896 et lieutenant-colonel en 1899.

Le premier ministre, sir Wilfrid Laurier*, annonça l’envoi de volontaires canadiens en Afrique du Sud en octobre 1899. Lessard fut alors parmi les premiers à faire du recrutement dans la province de Québec. Il ne put faire partie du premier contingent [V. sir William Dillon Otter], composé de fantassins, mais il se porta volontaire auprès des services spéciaux et vogua avec ceux-ci jusqu’au Cap. Affecté à l’état-major du commandant de la cavalerie impériale, John Denton Pinkstone French, il participa à la levée du siège de Kimberley. En mars 1900, en réponse à une demande des autorités britanniques, qui avaient réclamé un deuxième contingent canadien, avec des cavaliers, deux bataillons du Canadian Mounted Rifles arrivèrent. Lessard prit en main le 1er bataillon, qui fut rebaptisé Royal Canadian Dragoons en partie à la suite d’une proposition de sa part (un de ses motifs étant peut-être de mettre en évidence les liens entre cette unité et l’armée permanente), et il le dirigea au cours de 27 engagements. En octobre, il fut placé provisoirement à la tête de la cavalerie du major-général Horace Lockwood Smith-Dorrien, qui faisait évacuer l’ennemi du district de Belfast.

Une des plus fameuses batailles auxquelles participèrent des Canadiens eut lieu à Liliefontein : Smith-Dorrien mena une expédition en vue de disperser un commando boer qui avait établi un camp-périmètre dans la région de Witkloof. À cause de la puissance des Boers et de son propre manque de mobilité, Smith-Dorrien dut se replier sur Belfast le 7 novembre 1900 en laissant aux dragons de Lessard et aux canonniers du lieutenant Edward Whipple Bancroft Morrison le soin de couvrir sa retraite. D’aucuns estimèrent que Lessard avait fait piètre figure, mais Smith-Dorrien affirma qu’il était un commandant compétent, animé de « la plus grande bravoure ». Des historiens ont reconnu que sa participation avait été courageuse et déterminante et que le Royal Canadian Dragoons était l’une des meilleures unités des deux forces en présence. Apparemment, les actions de Lessard favorisèrent sa carrière. Plusieurs honneurs lui échurent, notamment le titre de compagnon de l’ordre du Bain. Après son retour au Canada en 1901 et le démantèlement du Dragoons, Lessard reprit à la fois le commandement du Royal Canadian Dragoons d’origine, à Toronto, et sa fonction d’inspecteur de la cavalerie. Son régiment servit de modèle à l’école de cavalerie de la caserne Stanley à Toronto. Les cours qu’il y donnait aux miliciens influèrent grandement sur l’évolution de la cavalerie dans l’est du Canada. En outre, nombreux furent ceux qui tirèrent profit des conférences et des cours qu’il donna sur les fonctions d’état-major, le droit militaire, la tactique et la stratégie ainsi que la topographie au Canadian Military Institute et ailleurs pendant les années où il fut en poste à Toronto. En 1907, il fut promu colonel et nommé adjudant général de la milice. Il reçut le grade de général de brigade en 1911 et celui de major-général l’année suivante.

Lorsque la guerre éclata en 1914, Lessard semblait tout désigné pour diriger la 1re division canadienne outre-mer. Toutefois, ce commandement fut confié au lieutenant-général Edwin Alfred Hervey Alderson. Déjà, avant le début du conflit, les différends de Lessard avec le ministre de la Milice et de la Défense, Samuel Hughes, faisaient sérieusement obstacle à son avancement. Hughes prônait le recours à des citoyens volontaires plutôt qu’aux soldats de l’armée permanente, qu’il voulait reléguer à des rôles d’instructeur. En avril 1912, Lessard avait contribué à l’échec de la première tentative de Hughes en vue de se donner le grade de major-général. Il avait par la suite perdu son poste d’adjudant général et avait été placé au commandement du district militaire no 2 (Toronto et le centre de l’Ontario). Telle était la fonction qu’il exerçait en août 1914. En décembre, il fut nommé inspecteur général de la milice de l’est du Canada. Malgré plusieurs autres démêlés avec Hughes, il continuait à recevoir des éloges pour ses compétences administratives. En 1916, il passa six mois outre-mer pour faire rapport sur l’instruction au sein des forces canadiennes. Ses conclusions mirent en évidence les lacunes du système de recrutement et d’instruction de Hughes [V. Onésime Readman*], et il recommanda des changements susceptibles de faciliter l’intégration des Canadiens aux unités en campagne. Il espérait en particulier une plus grande participation des sous-officiers. Hughes ne donna pas suite à ses recommandations, mais le successeur de Hughes, sir Albert Edward Kemp, en appliqua un bon nombre.

Avant l’instauration très controversée de la conscription en 1917, Lessard sillonna le Québec pour recruter des volontaires. Dans la dernière année de la guerre, tout en exerçant ses fonctions d’inspecteur général, il eut à affronter deux situations difficiles. D’abord, à titre de commandant provisoire du district militaire no 6 et de la forteresse à Halifax, il dut principalement mettre en œuvre les plans élaborés par Ottawa en vue de réduire la garnison (afin de dégager des renforts) et d’améliorer l’efficacité au combat. Puis, à la fin de mars 1918, ses supérieurs lui confièrent la mission de ramener l’ordre à Québec, où avaient lieu des émeutes contre la conscription. D’aucuns le condamnèrent pour l’intervention du 1er avril, au cours de laquelle entre 30 et 75 civils furent blessés et 4 tués, dont un garçon de 14 ans, Georges Demeule*. D’autres firent valoir que des affiches avaient prévenu la population contre les attroupements illégaux et que les soldats, bombardés de projectiles, avaient fait preuve de sang-froid jusqu’à ce que quelques émeutiers aient ouvert le feu. À ce moment-là seulement – et après que plusieurs soldats eurent été blessés –, Lessard avait ordonné à ses hommes d’utiliser fusils et mitrailleuses. Avant l’intervention, il avait publié des avis disant que les autorités « prendr[aient] tous les moyens à leur disposition pour maintenir l’ordre et la paix ».

En juin 1919, François-Louis Lessard se retira dans une petite ferme de Meadowvale, à l’ouest de Toronto. Cet ancien officier de cavalerie élevait des chevaux et participait à des jurys de concours hippiques. Tout au long de sa carrière, sa profession avait largement déterminé le choix de ses loisirs. Élu président du Canadian Military Institute en 1904, il appartint aux clubs de chasse d’Ottawa et de Toronto. À la fondation du Polo Club de Toronto en 1901, il fit venir 26 poneys de Calgary. Selon le Globe, il avait toujours eu l’impétuosité qui convenait à un membre de la cavalerie. Cependant, sa vie familiale reste obscure. Un ami expliqua en 1898 que Mme Lessard paraissait rarement en public parce qu’elle était atteinte d’une « douloureuse maladie ». Elle mourut en juin 1924, peut-être dans la province de Québec. Une de leurs filles mourut aussi, et une autre résidait dans un foyer pour enfants à Québec. Quant à Lessard, il succomba à un cancer de l’estomac en 1927. De confession catholique, il fut inhumé au cimetière Mount Hope à Toronto. Il laissait le souvenir d’un soldat extrêmement populaire, d’un homme sévère mais juste en matière de discipline et, pour reprendre les termes de Sydney Chilton Mewburn, ministre de la Milice, d’« un citoyen canadien de belle trempe ».

John MacFarlane

AN, MG 29, D61 : 4929–4930 ; MG 30, E41 ; E339, A. E. Hilder, « Comrades all », 58–73 (photocopies) ; RG 9, II, A2, 9 ; A3, 32 ; RG 24, 2323, HQS 66-10 ; RG 150, Acc. 1992–93/166.— ANQ-Q, CE301-S1, 25 avril 1882 ; CE301-S22, 9 déc. 1860 ; E17/361, 1918, nº 1661 (texte dactylographié).— AO, RG 22-359, nº 4680 ; RG 80-8-0-1072, nº 26626.— Conservator (Brampton, Ontario), 11 août 1927.— Globe, 8 août 1927.— La Patrie, 14 oct. 1899.— La Presse, 9 oct. 1899.— Toronto Daily Star, 8 août 1927.— Canada, ministère de la Défense nationale, Dir. Hist. et Patrimoine, Centre de ressources hist. (Ottawa), 71/246 (C. G. Power, Account of riots in Quebec City) ; Parl., Doc. de la session, 1901, nº 35a.— Canadian annual rev., 1904, 1917.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— J. F. C[ummins], « A distinguished Canadian cavalry officer : Major-General F. L. Lessard, c.b. », Canadian Defence Quarterly (Ottawa), 3 (1925–1926) : 128–131.— A. F. Duguid, Histoire officielle de l’armée canadienne dans la Grande Guerre, 1914–1919, J. H. Chabelle, trad. (un seul vol. en 2 part. [1914–sept. 1915] a été publié, Ottawa, 1947).— Brereton Greenhous, Dragoon : the centennial history of the Royal Canadian Dragoons, 1883–1983 (Belleville, Ontario, 1983).— R. G. Haycock, Sam Hughes : the public career of a controversial Canadian, 1885–1916 (Waterloo, Ontario, 1986).— John MacFarlane, « The right stuff ? Evaluating the performance of Lieutenant-Colonel F.-L. Lessard in South Africa and his failure to receive a senior command position with the CEF in 1914 », Canadian Military Hist. (Waterloo), 8 (1999), nº 3 : 48–58.— Carman Miller, Painting the map red : Canada and the South African War, 1899–1902 (Montréal et Kingston, Ontario, 1993).— Jean Provencher, Québec sous la loi des mesures de guerre, 1918 ([Trois-Rivières], 1971).— R. F. Sarty, « Silent sentry : a military and political history of Canadian coast defence, 1860–1945 » (thèse de ph.d., 2 vol., Univ. of Toronto, 1983), 326–335.

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John MacFarlane, « LESSARD, FRANÇOIS-LOUIS (baptisé Louis-François-Guillaume) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lessard_francois_louis_15F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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