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LELEAN, EDITH SARAH (Groves), éducatrice, auteure et fonctionnaire, née le 22 janvier 1870 à Cheltenham, Angleterre, fille de Nicholas Lelean et de Caroline Jane Clyma ; le 31 juillet 1907, elle épousa à Toronto William Edward Groves (né vers 1861, décédé le 25 juin 1917), veuf et père de deux fils ; décédée le 17 octobre 1931 dans cette ville et inhumée au cimetière Mount Pleasant.
Le père d’Edith Sarah Lelean appartenait à une famille de souche huguenote qui comptait de nombreux constructeurs de navires et capitaines de navires marchands en Angleterre ; la famille de sa mère faisait partie de l’élite locale de Truro, en Cornouailles. En 1882, Edith Sarah émigra avec ses parents, une sœur et deux frères à Port Hope, en Ontario. Quatre ans plus tard, la famille était installée à Toronto, où Nicholas ouvrit un magasin de porcelaine et de vaisselle, rue Queen. Edith Sarah reçut un diplôme du Jarvis Street Collegiate Institute et obtint son brevet d’enseignement à la Normal School de Toronto en 1887 ou 1888. À 19 ans, elle accepta son premier poste au Toronto Public School Board pour enseigner aux élèves de troisième année à la Clinton Street School. Le travail n’était pas toujours régulier ; aussi donna-t-elle également des leçons particulières d’élocution durant les premières années.
Entre 1895 et 1901, Mlle Lelean travailla principalement à la Morse Street School. Pendant un court laps de temps, elle enseigna cependant à la Manning Avenue School ainsi qu’à la Ryerson Public School, où elle fit probablement la connaissance de son futur époux, William Edward Groves, le directeur. De 1902 à 1907, elle enseigna à la Church Street School, où Groves, devenu veuf récemment, était alors directeur. Ils se marièrent et Edith Sarah emménagea avec Groves et ses deux fils adolescents au 36, avenue Albany, où elle vivrait jusqu’à la fin de sa vie. En tant que femme mariée, Edith Sarah, qui se faisait désormais appeler Mme W. E. Groves, fut forcée d’abandonner l’enseignement, conformément à la politique du conseil scolaire ; elle resta toutefois active en éducation. Au fil du temps, elle devint vice-présidente du Toronto Home and School Council ; à titre de bénévole, elle occupa aussi, entre autres postes, la vice-présidence du Toronto Local Council of Women au début des années 1920 et la présidence des Guides de Toronto en 1916. En 1915, elle fut secrétaire du Ladies’ Canadian Rifle Club de Toronto, où elle était réputée comme « tireuse d’élite ».
Au tournant du siècle, Mme Groves était déjà une auteure publiée. Sa pièce How the fairies chose their queen parut à Toronto en 1900 – en tout, on en imprima 5 000 exemplaires, tirage énorme pour l’époque – et fut jouée au pavillon des Horticultural Gardens (Allan Gardens). Plus tard, pendant la Première Guerre mondiale, elle mit son grand talent littéraire au service d’un programme éducatif patriotique. Ses histoires de fées, ses marches et ses exercices célèbrent Dieu, le roi et la patrie, en faisant participer les jeunes enfants au genre de chansons, de danses et de jeux que préconisaient les pédagogues éclairés comme Ann Augusta Stowe*. Ses textes sont aussi centrés sur la formation du citoyen et la construction de la nation ; par exemple, The wooing of Miss Canada, publié à Toronto en 1917, présente une allégorie de la nouvelle maturité du pays. Entre 1914 et 1918, elle écrivit 19 de ses 21 pièces, production qui la place parmi les femmes dramaturges les plus prolifiques du début du xxe siècle au Canada. Ces pièces furent mises en scène dans des districts scolaires partout au Canada.
Mme Groves connut d’extraordinaires succès à l’époque de la Grande Guerre, mais elle subit également d’immenses pertes : son mari mourut, l’un de ses beaux-fils fut tué en Belgique et l’autre grièvement blessé en France. Après le décès de William Edward, Mme Groves s’engagea en politique scolaire, en 1919, en disputant un siège au Toronto Public School Board, pour le quartier no 7 ; de 1920 à 1931, elle fut réélue 12 fois, dont 5 par acclamation. En 1929, elle fut la première femme élue au poste de présidente de ce conseil, pour un mandat d’un an. Pendant cette période, Mme Groves écrivit aussi un recueil de poèmes, The kingdom of childhood, publié à Toronto en 1925, dans lequel elle exprime sa profonde sympathie pour les enfants. Même si ses vers pédagogiques, moraux, parfois absurdes mais toujours mélodieux, s’adressaient manifestement à de jeunes lecteurs, ils contiennent également un message plus complexe destiné aux adultes, en les incitant gentiment à adopter le point de vue de l’enfant.
Pendant les années où Mme Groves avait enseigné pour le Toronto Public School Board, l’inspecteur était James Laughlin Hughes, qui occupa ce poste pendant 40 ans ; ce dernier était un ardent partisan du pédagogue allemand Friedrich Wilhelm August Froebel et de son approche axée sur l’enfant, qui domina la réforme du système scolaire torontois au tournant du siècle. Mme Groves adopta cette philosophie qui donnait la première place à l’enfant et qui attachait une valeur sociale et pédagogique au rôle maternel des enseignantes, comme le firent Hughes et les organisations féminines en général, dont beaucoup furent invitées par Mme Groves à faire des présentations devant le conseil. Ce point de vue influença également les activités professionnelles connexes dans lesquelles elle était impliquée, comme le mouvement pour la création de cercles domestiques et scolaires [V. Ada Mary Brown*], le mouvement des jardins d’enfants et l’initiative visant à fournir aux écoles du lait, des fournitures et des manuels gratuits.
Le travail de Mme Groves au conseil commença sous l’égide de l’inspecteur Robert Henry Cowley, dont l’une des « plus grandes préoccupations était le problème des enfants handicapés ». Mme Groves partageait cet intérêt, et ce fut dans le domaine de l’éducation spécialisée qu’elle apporta la contribution à sa profession la plus importante et la plus durable. Son héritage comprend la création d’écoles de formation professionnelle et de classes spéciales pour les enfants qu’on qualifiait alors d’« infirmes » et de « déficients mentaux », ainsi que pour les personnes aveugles ou sourdes. Mme Groves fut responsable de la fondation de la Bolton Avenue School for Girls, de la Jarvis Street Junior Vocational School for Adolescent Boys et de l’établissement qu’on nommerait, en son honneur, l’Edith L. Groves School for Adolescent Girls.
Le réseau scolaire torontois et ses dirigeants avaient la réputation d’être progressistes. Mme Groves contribua à rehausser davantage le profil du conseil dans le domaine de l’éducation spécialisée en prononçant des discours sur ce sujet et sur des questions connexes dans tout le Canada et les États-Unis, en Angleterre et en France. Grâce à elle, de nombreuses pratiques parmi les meilleures venues de l’étranger suscitèrent l’intérêt au Canada. En 1928, elle fut élue présidente de l’International Council for the Education of Exceptional Children. Comme son amie et collègue, la docteure Helen MacMurchy*, Mme Groves prit part à la tentative infructueuse du Canadian National Committee for Mental Hygiene de créer une « colonie » agricole pour les enfants déficients mentaux. Ses actions étaient bien plus motivées par l’idée que des facteurs sociaux bloquaient l’accès des enfants à l’éducation et qu’on pouvait corriger cette situation que par les idées eugénistes qui associaient la déficience mentale à la biologie. Elle mit en évidence les liens entre la déficience et la performance scolaire, et préconisa un certain nombre de mesures, comme un transport en autobus pour des enfants handicapés à la Wellesley Street School – où on avait mis sur pied, sur sa recommandation, une section réservée à leur instruction – et un équipement approprié pour les élèves présentant un déficit de la vue dans des classes d’amblyopes, comme on les appelait.
Au terme d’une carrière durant laquelle Edith Sarah Groves fut maintes fois louée, on dit que son meilleur soutien public venait des enfants, des mères et des enseignants. À sa mort, les nécrologies la qualifièrent de compatissante, progressiste, ouverte aux réformes et « amie des enfants ». Ses funérailles, célébrées à la Central Technical School par l’archidiacre Henry John Cody*, « rassemblèrent des représentants des multiples facettes de la vie de [Toronto] », y compris « le maire, des contrôleurs et des échevins, le président et des membres du [Toronto] Board of Education, des fonctionnaires municipaux, des directeurs, des enseignants et des élèves, des dirigeants et des membres d’associations, de sociétés et de clubs, et de très nombreux amis personnels et admirateurs […] Lorsque le cortège funèbre quitta l’école en direction du cimetière Mount Pleasant, les rues étaient remplies d’écoliers, et les petits étaient assis sur le bord du trottoir, attendant le passage, pour son dernier voyage, de leur amie, qui avait voyagé tant de fois pour eux. »
Outre les ouvrages cités dans la biographie, Edith Sarah Lelean (Groves) est l’auteure de : « Special auxiliary classes », Canadian Journal of Mental Hygiene (Toronto), 1 (avril 1919–janvier 1920) : 182–187, de « Report of the fourth annual meeting of the International Council for the Education of Exceptional Children », dans Toronto Board of Education, Minutes of the proc. (Toronto, 1926), 464–470, et de Everyday children : a book of poems (Toronto, 1932). Ce dernier livre renferme un texte que Helen MacMurchy a écrit sur elle (pp.11–29).
Le seul portrait connu de Mme Groves est accroché aux Sesquicentennial Museum and Arch. du Toronto Dist. School Board.
Toronto Dist. School Board, Sesquicentennial Museum and Arch., Vert. files, biog., Edith Lelean Groves.— « All heads bowed in sorrow at bier of loved trustee », Toronto Daily Star, 20 oct. 1931 : 3.— « Clever authoress writes of children », Toronto Daily Star, 30 nov. 1917 : 5.— « Hope to start colony care for defectives », Toronto Daily Star, 12 juin 1925 : 4.— Annuaire, Toronto, 1886–1931.— Kym Bird, « A bibliography of Canadian drama in English by women, 1880–1920 », dans son Redressing the past : the politics of early English-Canadian women’s drama, 1880–1920 (Montréal et Kingston, Ontario, 2004), 199–213 ; « “I want riches and position and standing among the other nations of the world” : the creation of national subjects in Edith Lelean Groves World War One drama for children, The wooing of Miss Canada », dans Hawaii International Conference on Education, Proc. of the 5th annual conference (Honolulu, 2007), 6943–6956.— Centennial story : the Board of Education for the city of Toronto, 1850–1950, E. A. Hardy et H. M. Cochrane, édit. (Toronto, 1950).— Toronto Board of Education, Minutes of the proc. (1920–1931 ; exemplaires aux Toronto Dist. School Board, Sesquicentennial Museum and Arch.).— Toronto Public School Board, Hand book (Toronto, 1892–1907 ; exemplaires aux Toronto Dist. School Board, Sesquicentennial Museum and Arch.).
Kym Bird, « LELEAN, EDITH SARAH (Groves) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lelean_edith_sarah_16F.html.
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Auteur de l'article: | Kym Bird |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2017 |
Année de la révision: | 2017 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |