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LEIFR heppni EIRIKSSON (Leiv Eriksson ou Leiv l’Heureux), le premier Européen qui ait mis le pied sur la partie continentale de l’Amérique du Nord, mort vers l’an 1020.
Leifr était le fils du célèbre Eirikr Thorvaldsson (Érik le Rouge), qui établit les colonies du Groenland. Les circonstances dans lesquelles Leifr débarqua sur la côte est de l’Amérique sont obscures. Selon l’une des deux principales sources de renseignements sur les voyages au Vinland (Saga d’Érik le Rouge), il passa quelque temps à la cour du roi Olav Tryggvesson de Norvège, en l’an 1000, fut baptisé et retourna au Groenland avec un prêtre pour y entreprendre la conversion des habitants au christianisme. Mais il s’écarta de sa route et, après plusieurs jours, il aperçut une côte jusque-là inconnue. Il alla à terre et trouva là du blé qui poussait tout seul, des raisins sauvages et des arbres appelés mösurr (peut-être s’agissait-il d’érables). Leifr chargea son navire de ces produits, mit le cap sur le Groenland et recueillit des naufragés en cours de route, méritant ainsi le surnom d’ « Heureux » (heppni). Il s’établit alors au Groenland, mais son frère Thorsteinn essaya en vain, l’année suivante, de visiter le pays que Leifr avait découvert. Par la suite, Thorfinnr karlsefni Thordarson tenta de coloniser la terre de Leifr.
D’après l’autre source principale de renseignements (Saga des Groenlandais) Bjarni Herjólfsson reconnut l’Amérique dès 986, mais n’y atterrit pas. Leifr n’est donc pas le premier à avoir découvert l’Amérique, et c’est d’ailleurs à cause de Bjarni qu’il s’y intéressa. Il était bien à la cour du roi Olav en l’an 1000 et il retourna au Groenland avec un prêtre, mais il ne découvrit aucune terre nouvelle au cours de ce voyage, bien qu’il ait mérité son surnom pour avoir sauvé la vie de marins naufragés. Il acheta alors le bateau de Bjarni et fit le même voyage que celui-ci, mais à rebours, atteignant d’abord des terres couvertes de glaciers puis, entre ceux-ci et le rivage, ce qui semblait être une étendue de roches hautes et plates. Leifr donna à cette région le nom de Helluland (pays des dalles). Poussant plus loin, il arriva près d’une région plate et boisée, bordée de nombreuses grèves de sable blanc ; il la baptisa du nom de Markland (pays des bois). Il continua alors en direction du Sud-Ouest pendant deux jours et arriva de nouveau en vue de la terre. Il débarqua d’abord dans une île proche de la côte où la rosée était sucrée et gagna ensuite la terre ferme où il construisit des habitations et passa l’hiver. Le saumon abondait dans ces eaux et la terre ne gelait pas, de sorte que ses bestiaux purent paître librement. « Le jour et la nuit étaient de durée plus égale qu’en Islande ; à peu près au moment du solstice d’hiver, le soleil était au eyktarstafr [le point de l’horizon où se trouve le soleil vers 3 heures ou 3 heures et demie de l’après-midi], et au dagmalastafr [l’endroit où est le soleil à 9 heures du matin]. »
Un jour, Tyrkir, qui était natif de l’Europe méridionale et depuis longtemps au service de Leifr et de son père, trouva du raisin et des vignes sauvages. Leifr fit cueillir du raisin et abattre des arbres et des vignes. Il chargea sa cale de ces produits et, après avoir baptisé le pays du nom de Vinland (pays du vin), il partit au printemps pour le Groenland, recuillant encore une fois, en cours de route, des marins naufragés.
Leifr lui-même ne fit plus de voyages au Vinland, mais son frère Thorvaldr fit une expédition au cours de laquelle il perdit la vie, puis un autre de ses frères, Thorsteinn, tenta en vain de ramener le corps de Thorvaldr. Il y eut aussi par la suite une expédition entreprise par Thorfinnr karlsefni et enfin une autre, vraiment sanglante, celle-là, qui fut dirigée par Freydis, sœur de Leifr.
Il ressort clairement de ce qui précède que des contradictions marquées existent entre les deux principales sources de renseignements sur les voyages au Vinland, et la question de savoir lequel des deux récits est le plus ancien et le plus sûr fait depuis longtemps l’objet de débats entre savants. On a préféré pendant bien des années la Saga d’Érik le Rouge, mais des recherches récentes portent de nouveau à croire que la Saga des Groenlandais est la plus ancienne, ayant probablement été écrite vers l’an 1200 de notre ère, soit de 50 à 75 ans avant celle d’Érik.
D’autre part, des savants ont passé un temps infini à essayer d’identifier l’emplacement géographique des régions désignées sous les noms de Helluland, de Markland et de Vinland. Les deux premières ne présentent guère de difficultés. On peut, sans hésitation, identifier le Helluland avec la terre de Baffin et le Markland avec le Labrador. Le cas du Vinland est plus difficile. Il faut dire que les deux sagas sont trop vagues, trop confuses, qu’elles offrent trop peu de renseignements sur la route que suivirent les Islandais dans leur voyage au Vinland, sur les accidents géographiques et topographiques, sur la flore et la faune et le reste, pour permettre d’identifier avec certitude cette région. Même le passage de la Saga des Groenlandais relatif à la longueur des jours au Vinland, lequel semble très révélateur de prime abord, est en fin de compte décevant. L’interprétation de ce passage nécessite le recours a des définitions extrêmement techniques et à des calculs astronomiques qui suscitent une telle diversité d’opinions qu’on a situé l’emplacement du Vinland à une foule d’endroits, depuis 58° 26΄ de latitude nord jusqu’à 31° de latitude nord et même jusqu’en Floride. Chaque savant a dû solliciter les textes, supposer l’existence d’erreurs matérielles, ajouter des détails manquants et ainsi de suite, afin de faire cadrer les maigres renseignements contenus dans les sagas avec le lieu de son choix. De cette façon, le Vinland a pu être situé tantôt à une latitude aussi méridionale que la Floride, tantôt à une latitude aussi septentrionale que la baie d’Hudson (où l’on suppose, sans en avoir la preuve, que le climat était beaucoup plus chaud il y a 1 000 ans qu’à présent) ou encore aussi loin, à l’intérieur du continent, que les Grands Lacs. Helge Ingstad a même prétendu qu’il existait un Vinland du Nord et un Vinland du Sud, le premier situé à Terre-Neuve et le second sur la côte de la Nouvelle-Angleterre.
Il reste, cependant, qu’on n’a trouvé en Amérique aucun vestige du passage des Nordiques qui puisse aider à situer le Vinland, à moins que les habitations mises au jour par Ingstad lors de fouilles effectués en 1961 dans la partie nord de Terre-Neuve ne se révèlent, comme il le croit, l’œuvre d’explorateurs islandais du xie siècle. Mais ces ruines ne se rattachent pas nécessairement au Vinland ou à une expédition connue, car il est indubitable qu’au cours des cinq siècles d’existence de la colonie groenlandaise, il y eut bien d’autres voyages en Amérique dont nous ne savons absolument rien. Disons enfin que, dans la mesure où il est possible de s’entendre au sujet du Vinland, l’emplacement le plus vraisemblable est peut-être la région du cap Cod, mais on n’en sera jamais certain, à moins que l’archéologie ne fournisse des preuves nouvelles et irréfutables.
Íslenzk fornrit, ed. Sigurīur Nordal (Reykjavik, 1933–54), IV, Eyrbyggja Saga [...] Eiriks saga rauīa, ed. E. O. Sveinsson og Matthias Þorīarson (1935), 118–136.— Halldór Hermannsson, The problem of Wineland (« Islandica », XXV, 1936) ; The Vinland sagas (« Islandica », XXX, 1944).— Helge Ingstad, Landet under Leidarstjernen (Oslo, 1959), 253–272.— Jón Jóhannesson, Aldur Grænlendingas sögu, Nordœla (Reykjavik, 1956), 149–158.— Rolf Müller, Altnordische Eyktmarken und die Entdeckung Amerikas, Greinar, II, no 3 (1949) : 33–82.— Oleson, Early voyages, 22s., 32.— A. M. Reeves, The finding of Wineland the Good (London, 1890).— J. R. Swanton, The Wineland voyages (« Smithsonian Misc. Col]. », CVII, no 12, 1947),
T. J. Oleson, « LEIFR heppni EIRIKSSON (Leiv Eriksson, Leiv l’Heureux) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/leifr_eiriksson_1F.html.
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Auteur de l'article: | T. J. Oleson |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1966 |
Année de la révision: | 1986 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |