LE ROY, HENRI, prêtre, récollet, commissaire provincial, né en 1639, décédé à Paris le 28 avril 1708.

En 1670, le père Henri Le Roy et 19 autres récollets sont chargés de l’aumônerie du camp militaire de Saint-Sébastien ; deux ans plus tard, il prend part à la campagne de Hollande en qualité d’aumônier des troupes. On le retrouve à Nantes en 1677, à titre de confesseur des religieuses clarisses de cette ville.

En 1681, Le Roy est élu commissaire provincial de la mission des Récollets en Nouvelle-France à la suite du refus du père Pacôme Perrault, nommé à cette charge. Le Roy allait succéder au père Valentin Leroux ; mais son départ, pour des motifs qui nous échappent, fut retardé jusqu’en 1683. Il arrive à Québec le 25 août et ne demeure que deux mois et demi au Canada : l’intransigeance de Mgr de Laval dans la fameuse « affaire du clocheton » le dégoûta à un point tel qu’il rentra en France pour ne plus revenir.

Il n’est pas facile de tirer au clair cette « affaire du clocheton », moins encore de trancher entre la bonne et la mauvaise foi des parties en cause. Il faut noter que les difficultés que connurent les Récollets ne portèrent jamais sur les permissions de construire le fameux hospice ; ils les tenaient du roi et de l’évêque. Elles portèrent essentiellement sur les trois points suivants : les raisons véritables qui motivaient les Récollets de demander la construction d’un hospice ; le placet restrictif de l’évêque ; l’emploi prétendu de l’hospice par les Récollets.

Un mémoire, non signé, que l’historien Jouve attribue au père Exupère Dethunes*, énumère neuf raisons justifiant la construction de l’hospice. L’argument de base se résume ainsi : le couvent de Notre-Dame-des-Anges est trop isolé du centre de Québec ; le ministère devient très difficile, car il faut rentrer chaque soir au couvent ; les religieux malades sont trop loin des médecins ; la population se plaint de la « gêne des consciences » et, à cause des exigences tatillonnes de l’évêque, les pénitents sont réduits à rencontrer les Récollets à la cachette ; les aumônes rentrent mal et, enfin, les aumôniers du fort de la haute ville sont trop loin de leur habitation.

Dans l’acte de concession du terrain de la sénéchaussée aux Récollets, en date du 28 mai 1681, Louis XIV précisait que « leur maison estant esloignée d’une demie lieu de la ville de Québec, ils auroient besoin d’y avoir un hospice pour s’y retirer lorsque la nuit & le mauvais temps les surprend dans les fonctions de leur institut au lieu qu’ils pourroient les continuer plus facilement s’il nous plaisoit leur accorder une place inutile à notre service [...] ». Le roi ne parle pas d’une infirmerie destinée aux seuls malades, mais bien d’une sorte de relais qui rendrait plus facile le ministère des religieux à la haute ville.

Mgr de Laval peut difficilement refuser ce que le roi a concédé, mais il va restreindre au maximum la portée de la concession royale. Dans sa permission écrite, donnée à Québec le 27 octobre 1681, il déclare que « pour vostre soulagement & consolation, nous vous permettons, lorsque vous aurez une maison bastie sur la ditte place & que quelqu’un de vos religieux y sera retenu par maladie, d’y faire célébrer la sainte messe par un de vos religieux en particulier, & lorsque les infirmiers seront en convalescence de la célébrer eux-mêsmes jusqu’à ce qu’ils soient en estat de pouvoir retourner audit couvent ». Les Récollets ne sont pas dupes de l’astuce épiscopale. Usant d’expressions comme « mauvaise volonté » et « jalousie » à l’endroit du prélat, l’auteur du mémoire déjà cité prévoyait deux ans à l’avance les tracasseries multiples dont les Récollets seraient l’objet. « Il [l’évêque] se réserve par la de nous inquieter & de nous chicaner dans cette figure d’hospice que nous aurions à Québek selon la restriction pour nous faire naître tous les jours des incidents & des sujets de reproche lorsque nos religieux s’y arresteroient estant une maison non régulière ».

Avec l’aide financière de Frontenac [Buade*], syndic des Récollets, la construction de l’hospice se poursuit durant deux ans, sous l’œil agacé de l’évêque qui n’attend qu’un prétexte pour intervenir. Il lui tombe du ciel lorsque, à la fin de mars 1683, les Récollets veulent ajouter un clocheton, « qui n’estoit alors et n’est encore aujourdhuy que quatre bastons entourés de planches, sans croix et sans coq, sans cloche ny clochette, et sans aucun ouvrage préparé pour la pendre, n’estant en un mot qu’une simple lanterne destinée à soustenir une clochette telle que les religieux en ont à toutes les infirmeries ».

Les Récollets ont beau protester qu’ils n’ont jamais eu l’intention et qu’ils ne l’auront jamais de dire autrement la messe qu’en particulier, januis clausis, ni d’exercer publiquement leurs fonctions sans la permission de l’évêque ; ils ont beau prétendre que la clochette, si jamais elle est suspendue au clocheton, ne servira pas à appeler le peuple aux offices, ils ont beau se dire prêts à abattre le minuscule clocheton, rien n’y fait. L’évêque suspend tous les religieux, sauf le supérieur, et jette l’interdit sur l’hospice.

La construction de l’hospice s’était faite sous le provincialat du père Valentin Leroux. Lorsque son successeur, le père Le Roy, arrive à Québec le 25 août 1683, on est en pleine impasse et on compte sur lui pour la dénouer. Du mois d’août au mois d’octobre, le nouveau commissaire provincial a au moins quatre entretiens soit avec l’évêque, soit avec les vicaires généraux ; les ordonnances qui s’ensuivent font dire à Le Roy des absurdités manifestes, entre autres qu’il ignorait que des récollets habitaient l’hospice alors qu’il était le supérieur de ces religieux.

L’ordonnance du 24 octobre 1683 porte une accusation plus précise, accusation à laquelle nombre d’historiens, notamment Bertrand de Latour*, ajouteront aveuglément foi. Les Récollets sont accusés « d’avoir administré les sacrements de Pénitence et de Communion à des personnes séculières ». On cite même des noms précis. Mgr de Laval, dans un mémoire présenté à la cour, écrit : « Il passait pour constant que la Demoiselle d’ Aillebout y aurait reçu la communion pour s’acquitter d’un vœu fait par elle à St Antoine de Pade ». Consciente des accusations fausses qu’on portait contre les Récollets, cette dame de haut rang, épouse de Charles-Joseph d’Ailleboust* Des Muceaux, tint à déclarer devant le notaire Maugue*, en présence de témoins, que le 20 octobre elle s’était rendue à l’hospice des Récollets, où « les Pères Luc et Joseph » lui dirent « qu’ils ne confessaient ni communiaient personne ». Marie Pournin, femme du sieur de La Marque, qui l’accompagnait lors de l’accomplissement de ce vœu, confirma devant le même notaire les déclarations de Mme d’Ailleboust.

L’évêque entend recourir au roi ; les Récollets font de même. Ils préparent un dossier de l’affaire, authentifié et corroboré par l’intendant de Meulles. Le père Le Roy s’embarque le 11 novembre 1683, convaincu que toute cette affaire ne procédait « que de l’antipathie qu’a toujours mon dit seigneur évêque pour eux ». Encore sous le coup de la suspension, les pères Valentin Leroux, Luc Buisset, Maxime Le Clercq, et probablement Adrien Ladan et Luc Filiastre, quittent avec lui la Nouvelle-France.

Dans une lettre du 10 avril 1684 au gouverneur et à l’intendant, le roi précise les points suivants : il ne veut pas que les Récollets établissent un couvent régulier sous le couvert de leur hospice, mais il trouve juste qu’ils aient un lieu pour se retirer dans la ville puisque leur couvent est éloigné. À l’égard du clocher, ils ne doivent pas en bâtir un contre le consentement de l’évêque mais, selon lui, la permission de célébrer la messe en particulier devrait leur être accordée. Enfin il se dit fort surpris que l’évêque refuse aux Récollets les permissions nécessaires d’aller en mission et d’exercer leur ministère hors de leur couvent puisque, par cette conduite, il prive les habitants d’un secours auquel il ne peut suppléer par d’autres ecclésiastiques. Durant cette année 1684, plusieurs mémoires sont rédigés par les Récollets et destinés soit à l’intendant, soit à l’évêque. Ils se disent notamment prêts à abattre le clocher pour la paix et le bien de la population. On ignore si effectivement le fameux clocheton fut jamais abattu, mais l’évêque, à la veille de se rendre à la cour, rendit aux Récollets les pouvoirs de prêcher et de confesser en son diocèse, l’hospice restant étroitement surveillé par les autorités ecclésiastiques afin qu’aucun religieux n’y réside régulièrement.

En France, on retrace le père Henri Le Roy parmi les aumôniers des armées royales qui assiègent et prennent la ville de Luxembourg au printemps de 1684. En cette même année, il est nommé supérieur du couvent de Clamecy, dans le Nivernais. Il est deux fois gardien du couvent de Versailles, soit en 1703 jusqu’au chapitre provincial tenu à Paris le 18 avril 1704, et de nouveau le 3 juillet 1707 jusqu’à sa mort qui survient en ce couvent le 28 avril 1708.

Jacques Valois

AAQ, Registres d’insinuations A, 203, 204, 206, 211, 223, 299.— AN, Col., B, 11, ff.2v., 4v. ; 21 ; 71, f.34 ; Col., C11A, 6, ff.240, 399 ; Col., F3 3, 6, f.37 ; 142A, ff.109s.— Caron, Inventaire de documents, RAPQ, 1939–40 : 249–254.— Découvertes et établissements des Français (Margry), I : 3–33.— Hyacinthe Lefebvre, Histoire chronologique de la province des Récollets de Paris, sous le titre de Saint-Denys, en France, depuis 1612, quelle fut érigée jusquen lannée 1676 (Paris, 1677), 139–142, XX.— Le Tac, Histoire chronologique de la N.-F. (Réveillaud), 199–208, 222.

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Jacques Valois, « LE ROY, HENRI », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/le_roy_henri_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    28 novembre 2024