LAVELL, MICHAEL, médecin, éducateur et fonctionnaire, né en décembre 1825 à Québec ; décédé le 18 février 1901 à Kingston, Ontario.
On sait peu de chose sur les premières années de Michael Lavell. Son père, semble-t-il, était officier dans l’armée britannique et d’ascendance nord-irlandaise. Michael fréquenta la Bath Academy dans le Haut-Canada et, en 1839, à Weston (Toronto), il adhéra à l’Église méthodiste wesleyenne en Canada. Il travailla aussi au bureau d’une publication méthodiste de Toronto, le Christian Guardian. En 1846, il commença à fréquenter l’église Adelaide Street, dans la même ville, et y fut surintendant de l’école du dimanche et class leader. Il étudia à la Toronto School of Medicine puis, pendant un an, au Jefferson Medical College de Philadelphie, où il obtint un diplôme en 1853. La même année, il reçut une autorisation d’exercice du Medical Board of Upper Canada et ouvrit un cabinet à Peterborough. En outre, le 13 octobre, il épousa à Toronto Betsy Bielby Reeve, sœur de William Albert Reeve* ; le couple aurait neuf garçons, dont sept fréquenteraient le Queen’s College de Kingston, et trois filles.
Lavell s’installa à Kingston en 1858 et commença à exercer surtout dans les domaines de l’obstétrique et des maladies féminines et infantiles. Dès leur installation, lui-même et sa femme fréquentèrent l’église Sydenham Street, où Lavell allait devenir surintendant de l’école du dimanche en 1866. Ils comptèrent parmi les fidèles de l’église Queen Street peu après son établissement en 1864 ; Michael s’occupa des registres pendant longtemps. Durant, plus de 30 ans, il assista aux conférences annuelles des méthodistes et, après la fusion de 1884, participa à toutes les conférences générales. Durant de nombreuses années, il fut membre du conseil d’administration du Victoria College de Cobourg, qui lui décerna un doctorat en droit en 1892. De plus, il soutint financièrement l’Église méthodiste et, selon une notice nécrologique, « fit beaucoup pour qu’elle soit [une œuvre] progressiste et salutaire ».
En 1860, Lavell remplaça John Palmer Litchfield* à la chaire d’obstétrique de la faculté de médecine du Queen’s College. L’année suivante, il devint chirurgien au Kingston General Hospital. En 1863, le Queen’s College lui décerna un doctorat en médecine et une maîtrise en chirurgie. Lavell s’occupait aussi de politique : en 1861, il appuya la candidature de John Alexander Macdonald* à une élection qui allait opposer celui-ci à Oliver Mowat. Lavell demeura probablement un fervent partisan de Macdonald durant une trentaine d’années. Sa nomination au poste de chirurgien du pénitencier de Kingston, en 1872, était sûrement une récompense.
Des différends entre les membres du personnel avaient marqué les débuts de la faculté de médecine de Queen’s, fondée en 1854 [V. John Stewart*]. Dans les années 1860, le conseil d’administration de l’université exigea que les membres de la faculté signent la Confession de Westminster, ce qui provoqua un nouveau conflit. Pour résoudre ces problèmes, certains décidèrent de fonder une école qui serait séparée de l’université, mais lui serait affiliée pour l’enseignement des sciences et l’attribution des diplômes [V. John Robinson Dickson*]. Lavell composa le projet de loi qui devait constituer juridiquement le Royal College of Physicians and Surgeons of Kingston (Macdonald le fit adopter par l’Assemblée provinciale en 1866), rédigea les règlements du collège et fut nommé professeur d’obstétrique et de maladies féminines et infantiles. Bien que, par la suite, George Monro Grant ait dit que le Royal College et le Queen’s College entretenaient de bonnes relations, il s’employa à les réunir officiellement : en 1892, les professeurs du Royal College deviendraient membres de la faculté de médecine de Queen’s. De 1866 à 1885, Lavell représenta le Royal College au conseil médical de l’Ontario, dont il fut président en 1874.
Lavell joua un rôle plus marquant dans les affaires médicales à l’occasion d’une controverse sur l’enseignement de la médecine aux femmes. Le Royal College avait ouvert des classes mixtes en 1881, mais dès la session de 1882–1883, les relations entre étudiants et étudiantes s’envenimèrent. À un moment donné, les étudiantes quittèrent un cours de Kenneth Neander Fenwick parce qu’elles estimaient avoir été insultées. Puis elles s’absentèrent de certains cours. Les étudiants se plaignirent que leurs maîtres de conférences ne pouvaient pas s’exprimer librement et menacèrent de provoquer la fermeture de l’école en passant tous à la Trinity Medical School de Toronto. La faculté capitula : elle accepta qu’étudiants et étudiantes aient leurs cours dans des classes différentes et qu’aucune autre femme ne soit admise. Selon l’étudiante Elizabeth Smith*, Lavell fut « le seul [membre] de toute la faculté » à se conduire « honorablement » dans cette affaire. En 1883, à la suite de ce conflit, des professeurs du Royal College, des membres haut placés de Queen’s et des citoyens de Kingston fondèrent le Women’s Medical College, affilié à Queen’s. Tout en continuant d’enseigner au Royal College, Lavell, qui appuyait depuis longtemps le droit pour les femmes d’étudier la médecine, devint directeur et doyen du Women’s Medical College (son salaire annuel était de 300 $) ainsi que professeur d’obstétrique et de maladies féminines et infantiles. Le Women’s Medical College ne survivrait pas à la concurrence des écoles de Toronto et de Montréal : il fermerait ses portes en 1893.
Lavell demeura directeur et doyen du Women’s Medical College jusqu’en 1890, mais il quitta la chaire d’obstétrique en 1885 pour prendre la succession de John Creighton* à la direction du pénitencier de Kingston. Depuis 1872, en tant que chirurgien du pénitencier, il avait pour fonction de veiller à la santé des prisonniers et du personnel (par exemple, en faisant défiler quotidiennement les malades), de prévenir et d’enrayer les épidémies, de conseiller les autorités de la prison sur le régime alimentaire des détenus et de les aviser sur la capacité de résistance de certains individus aux châtiments corporels. Il était assisté d’un surveillant d’hôpital et de préposés choisis parmi les détenus, dont il vantait le travail.
James George Moylan, inspecteur fédéral des pénitenciers, tenait Lavell en haute estime. Il signala en 1882 « la précision » avec laquelle ce dernier s’acquittait de ses fonctions de même que « l’attention et les soins que re[cevaient] tous ceux qui av[aient] besoin de son assistance professionnelle ». Moylan notait aussi que « les précautions [... de Lavell avaient] empêché les maladies dangereuses ou infectieuses de s’installer » à la prison de Kingston. Lavell attribuait l’absence d’épidémies à un programme de vaccination et à la vidange des égouts par les détenus. À l’époque, beaucoup de gens mouraient de tuberculose, et pourtant, dans l’ensemble, la mortalité était exceptionnellement faible au pénitencier. Dans son rapport de 1881, Moylan avait signalé seulement deux décès, un par suicide et un par noyade. Selon lui, il était remarquable qu’il n’y ait eu aucune mort naturelle. La chose était en effet remarquable, vu le piètre état de santé de bien des détenus à leur admission et les conditions d’incarcération, que Lavell trouvait épouvantables. Les cellules étaient minuscules et ressemblaient à des cages ; le réseau d’égouts était déficient. Pour promouvoir la santé des prisonniers, Lavell mettait de l’avant un programme de vigilance constante, de soins médicaux, d’alimentation et d’habillement d’assez bonne qualité et de travail régulier. Le nombre grandissant de faibles d’esprit et d’« imbéciles » incarcérés au pénitencier le préoccupait de plus en plus.
En 1877, le gouvernement fédéral avait confié à la province l’administration du Rockwood Asylum de Kingston. Bon nombre des pensionnaires de cet asile étaient des « fous criminels » et ils furent transférés au pénitencier, qui accueillit aussi des détenus atteints d’aliénation mentale venant du pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul, dans la province de Québec. En 1881, la province ouvrit un nouvel asile de trois étages pour accueillir 28 « aliénés ». Il y avait des ateliers aux deux premiers étages et une salle commune au troisième. Tout comme les surintendants du Rockwood Asylum, Lavell estimait que les fous criminels différaient peu des autres fous et que le traitement moral – douceur, bonne alimentation, travail régulier – était ce qui leur convenait le mieux.
Lavell prétendait être devenu directeur du pénitencier « de façon inattendue », mais nombreux étaient ceux qui pensaient que Macdonald l’avait nommé pour le récompenser de ses longues années de fidélité. Jamais il ne parvint à sortir tout à fait de l’ombre de son illustre prédécesseur, Creighton. Premièrement, le ministre de la Justice et Moylan avaient de plus en plus de pouvoirs, ce qui restreignait l’autorité des directeurs de prison. En 1891 par exemple, Lavell se sentit obligé de présenter une demande officielle simplement pour le remplacement d’un drapeau. Deuxièmement, le pénitencier avait déjà sa routine au moment où Lavell assuma sa fonction, de sorte qu’il est difficile de discerner en quoi il y fit sa marque. Dans l’ensemble, il suivit les traces de ses devanciers : par exemple, il approuvait la règle du silence et appliquait une discipline sévère, mais s’efforçait, tout en restant dans des limites clairement définies, de traiter tous les détenus avec justice et humanité. La principale réforme humanitaire qui survint sous sa direction – et qui fut résolument mise de l’avant par Moylan et le ministre de la Justice, sir John Sparrow David Thompson* – fut l’agrandissement des cellules notoirement petites de Kingston.
Néanmoins, on aurait tort de croire que Lavell ne se distingua en rien à la direction du pénitencier. Creighton avait eu l’habitude de confier des postes importants à des détenus. Peu après être entré en fonction, Lavell limita cette pratique parce qu’il y voyait une source d’« abus » et d’« irrégularités », mais il finit par y revenir. Le principal problème qu’il eut à affronter fut l’utilisation de la main-d’œuvre carcérale. En 1883, une loi avait aboli le programme, honni par Moylan, en vertu duquel les détenus fabriquaient des produits pour des entrepreneurs de l’extérieur qui les vendaient à la population. Lavell était tenu de faire travailler les prisonniers pour le secteur public, c’est-à-dire de leur faire produire des marchandises qui étaient vendues principalement à des organismes gouvernementaux. Cependant, comme ce programme était difficile à réaliser, le pénitencier obligea de plus en plus les prisonniers à casser des pierres, activité que nombre d’entre eux trouvaient avilissante, ou à travailler à la ferme de la prison, ce qui n’était pas un grand succès. Par ailleurs, au fil des ans, la récidive préoccupa de plus en plus Lavell, comme d’autres autorités carcérales [V. Moylan]. En 1894, on ouvrit enfin une section d’isolement dans l’espoir de résoudre ce problème, mais elle servit surtout à punir les détenus qui se conduisaient mal dans l’établissement.
Michael Lavell prit sa retraite en 1895. Il vécut un moment à Toronto, puis retourna à Kingston, où il passa ses dernières années. Il avait été un directeur de prison compétent, mais n’avait pas marqué profondément son pénitencier ni le système carcéral. Si son nom est passé à l’histoire, c’est surtout pour une autre raison. En octobre 1885, Macdonald l’avait chargé, avec Augustus Jukes et François-Xavier Valade, d’aller déterminer l’état mental de Louis Riel*, condamné à mort. Dans son rapport officiel, Lavell avait déclaré que Riel était une personne lucide et, dans une lettre au premier ministre, il avait ajouté que, selon lui, le chef métis était un « homme vaniteux, ambitieux, rusé et fourbe qui, grâce à ses grands pouvoirs, [était] capable d’inciter des faibles à [commettre] des actes désespérés ».
AN, MG 26, A, 106 (mfm aux AO).— Christian Guardian, 19 oct. 1853, 27 févr. 1901.— Daily British Whig, 18 févr. 1901.— W. A. Calder, « The federal penitentiary system in Canada, 1867–1899 : a social and institutional history » (thèse de ph.d., Univ. of Toronto, 1979).— Canada, Parl., Doc. de la session, 1873–1897, rapports annuels des administrateurs des pénitenciers, 1872–1874, et de l’inspecteur des pénitenciers dans les rapports du ministre de la Justice, 1875–1896.— Canadian album (Cochrane et Hopkins), 4 : 373.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 1.— P. E. P. Dembski, « Jenny Kidd Trout and the founding of the women’s medical colleges at Kingston and Toronto », OH, 77 (1985) : 183–206.— Kyle Joliffe, Penitentiary medical services, 1835–1983 (Canada, ministère du Solliciteur général, Direction des programmes, User report, no 1984–19, [Ottawa, 1984]).— J. D. Livermore, « The Orange order and the election of 1861 in Kingston », To preserve & defend : essays on Kingston in the nineteenth century, G. [J. J.] Tulchinsky. édit. (Montréal et Londres, 1976), 255.— H. [M.] Neatby et F. W. Gibson, Queen’s University, F. W. Gibson et Roger Graham, édit. (2 vol., Kingston, Ontario, et Montréal, 1978–1983), 1.— A. A. Travill, Medicine at Queen’s, 1854–1920 : a peculiarly happy relationship ([Kingston, 1988]) ; « Sir John A. Macdonald and his doctors », Historic Kingston (Kingston), no 29 (1981) : 85–108.— D. G. Wetherell, « Rehabilitation programmes in Canadian penitentiaries, 1867–1914 : a study of official opinion » (thèse de
Peter Oliver, « LAVELL, MICHAEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lavell_michael_13F.html.
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Auteur de l'article: | Peter Oliver |
Titre de l'article: | LAVELL, MICHAEL |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |