LAGIMONIÈRE, JEAN-BAPTISTE (il existe plusieurs variantes de ce nom de famille dont Lagimodière, Lajimorière, Lavimaudier, Lavimodière), trafiquant de fourrures et cultivateur, né le 25 décembre 1778, probablement à Saint-Antoine-sur-Richelieu, Québec, fils de Jean-Baptiste Lagimonière, cultivateur, et de Marie-Joseph (Josephte) Jarret, dit Beauregard ; décédé le 7 septembre 1855 à Saint-Boniface (Manitoba).

Jean-Baptiste Lagimonière vécut d’abord à Saint-Antoine-sur-Richelieu, puis à Maskinongé, où son père s’était installé en 1790. Vers 1800, il s’engagea comme voyageur pour le commerce des fourrures dans le Nord-Ouest. Probablement au service de la North West Company, il passa quelques années sur le territoire à l’ouest de Grand Portage (près de Grand Portage, Minnesota). Il se serait marié à la façon du pays avec une Amérindienne, et de cette union seraient nées trois filles.

En 1805, Lagimonière était de retour dans sa famille à Maskinongé, où il fit la connaissance de Marie-Anne Gaboury* qu’il épousa le 21 avril 1806. Peu de temps après, la maladie du voyage le reprit, et il repartit avec sa nouvelle femme pour le Nord-Ouest. Ils arrivèrent au fort Daer (Pembina, Dakota du Nord) vers la fin du mois d’août et y passèrent l’hiver ; le 6 janvier 1807, Marie-Anne donna naissance à une fille qu’elle prénomma Reine. Au printemps, les Lagimonière quittèrent le fort Daer en compagnie de trois Canadiens et de leurs familles pour se rendre au fort Augustus (Edmonton). Ils demeurèrent quatre ans dans cette région, où la Hudson’s Bay Company et la North West Company entretenaient chacune un poste de traite. Avec sa famille, Lagimonière participait à de nombreuses expéditions de chasse au bison et au castor, menant la vie d’un véritable « homme libre ». Il assurait, avec d’autres, l’approvisionnement en viande des trafiquants canadiens et britanniques, en plus de fournir des fourrures bien préparées grâce à une connaissance des normes du commerce que n’avaient pas les Indiens.

En 1811, la famille Lagimonière partit vers le confluent des rivières Rouge et Assiniboine, ayant appris que le lord écossais Selkirk [Douglas*], actionnaire de la Hudson’s Bay Company, devait y établir une colonie agricole. Les Lagimonière passèrent l’hiver au fort Daer et, au printemps de 1812, ils allèrent s’installer en permanence dans la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba). Lagimonière continua à mener la vie de chasseur. Entre 1812 et 1815, il fut embauché à plusieurs reprises par Miles Macdonell*, gouverneur de la colonie, pour fournir de la nourriture aux habitants. Il passait ses hivers avec sa famille sur l’Assiniboine, près de Portage-la-Prairie.

Durant ces années, la rivalité intense entre la Hudson’s Bay Company et la North West Company, qui cherchaient toutes deux à obtenir la mainmise sur le commerce des fourrures, mena à des accrochages violents à la Rivière-Rouge et à l’éviction des colons en juin 1815 [V. Archibald McDonald]. Après le retour des colons en août de la même année, le représentant de la compagnie dans la colonie, Colin Robertson*, engagea Lagimonière pour porter des dépêches à lord Selkirk, qui se trouvait alors à Montréal. Accompagné de Bénoni Marier, un employé de la compagnie, et d’un guide indien, Lagimonière quitta la colonie à pied le 17 octobre 1815. Se risquant sur une route qui passait largement sur le territoire de la North West Company au sud du lac Supérieur, via Sault-Sainte-Marie (Sault Ste Marie, Ontario) et York (Toronto), il accomplit un trajet de 1 800 milles et remit les dépêches entre les mains de Selkirk le 10 mars 1816. Il repartit avec les réponses de Selkirk à la fin de mars, empruntant la même route. Mais cette fois les dirigeants de la North West Company étaient décidés à ne pas le laisser passer et, dans la nuit du 16 juin 1816, près de Fond-du-Lac (Superior, Wisconsin), Lagimonière et ses compagnons furent arrêtés par des Indiens sur l’ordre d’Archibald Norman McLeod, bourgeois de la North West Company. Dépouillés de leurs effets personnels et des dépêches de Selkirk, ils furent escortés jusqu’au fort William (Thunder Bay, Ontario) où on les libéra. Sans provisions ni moyens de subsistance, Lagimonière et ses compagnons continuèrent leur chemin vers la Rivière-Rouge. Au début de juillet, ils furent secourus par Pierre-Paul Lacroix, qui les avait trouvés sur la grève de la rivière à la Pluie, à l’ouest du fort Frances (Fort Frances). Lagimonière se rendit ensuite à la Rivière-Rouge où il arriva probablement au cours de l’été de 1816.

Après cet exploit, Lagimonière et ses fils remplirent maintes fois encore le rôle de messagers pour la Hudson’s Bay Company. Lagimonière commença aussi à cultiver une terre qui lui aurait été concédée par Selkirk en récompense des services qu’il avait rendus. Sur cette terre, située à l’embouchure de la rivière Seine, il bâtit une demeure où il éleva huit enfants, soit quatre filles et quatre garçons. En 1844, l’une de ses filles, Julie, se maria avec un voisin de la famille, Louis Riel*. Plus tard la même année, elle donna naissance à un fils, Louis*, qui deviendra le principal dirigeant des Métis lors des événements entourant l’entrée du Manitoba dans la Confédération canadienne. Dans les années 1830 et 1840, Lagimonière et ses fils se classaient parmi les cultivateurs les plus prospères de la colonie. Lagimonière continua à participer au commerce des fourrures et, avec d’autres habitants de la Rivière-Rouge, tels Cuthbert Grant et Louis Guiboche, il fit aussi du transport de marchandises.

Devenu célèbre pour son voyage à Montréal en 1815–1816, Jean-Baptiste Lagimonière fut aussi un des premiers Canadiens français à s’établir en permanence dans l’Ouest canadien.

Lynne Champagne

ANQ-MBF, CE1-10, 21 avril 1806.— AP, Immaculée-Conception (Saint-Ours), Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 26 déc. 1778 ; Saint-Antoine (Saint-Antoine-sur-Richelieu), Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 5 févr. 1776.— APC, MG 25, 62.— Arch. de la Soc. hist. de Saint-Boniface (Saint-Boniface, Manitoba), Dossier Picton ; Fonds Champagne.— PAM, HBCA, E.5/1–6 ; E.6/10–11 ; E.8/6 ; MG 2, A1 ; MG 3, D1 ; MG 7, D8 ; MG 8, C1.— HBRS, 2 (Rich et Fleming).— New light on early hist. of greater northwest (Coues), 2.— Georges Dugas, la Première Canadienne du Nord-Ouest ou la Biographie de Marie-Anne Gaboury [...] (Montréal, 1883).— Robert Gosman, The Riel and Lagimodière families in Métis society, 1840–1860 (Canada, Direction des parcs et lieux hist. nationaux, Travail inédit, no 171, Ottawa, 1977).— A. E. S. Martin, The Hudson’s Bay Company’s land tenures and the occupation of Assiniboia by Lord Selkirk’s settlers, with a list of grantees under the earl and the company (Londres, 1898).— A.-G. Morice, Histoire de l’Église catholique dans l’Ouest canadien, du lac Supérieur au Pacifique (1659–1905) (3 vol., Winnipeg et Montréal, 1912).— Petite Histoire du voyageur, Antoine Champagne, édit. ([Saint-Boniface], 1971).

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Lynne Champagne, « LAGIMONIÈRE (Lagimodière, Lajimonière, Lavimaudier, Lavimodière), JEAN-BAPTISTE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lagimoniere_jean_baptiste_8F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
Date de consultation:    28 novembre 2024