KRIBS, LOUIS P., journaliste, éditeur et auteur, né le 27 février 1857 à Hespeler (Cambridge, Ontario), fils de Ludwig (Lewis) Kribs, menuisier, et d’Elizabeth Pannebecker ; en 1880, il épousa Millie Cliff, et ils adoptèrent six enfants ; décédé le 24 mars 1898 à Ottawa.

Louis P. Kribs fit ses études à Hespeler et, dans sa jeunesse, il travailla dans les « camps de bûcherons au nord de Barrie ». À la fin des années 1870, il amorça sa carrière de journaliste en entrant comme reporter au Globe de Toronto mais, peu après, il s’installa à Barrie pour diriger le Northern Advance. Ensuite, il devint rédacteur en chef et propriétaire du Bruce Herald de Walkerton. Il vendit ce journal en 1884 et retourna à Toronto pour se joindre à l’équipe du News, dirigée par l’audacieux Edmund Ernest Sheppard*, d’abord à titre de chef des nouvelles puis, sous le pseudonyme de Henry Pica, d’auteur d’une série populaire d’articles commentant les événements du jour. Selon le critique américain Walter Blackburn Harte, c’est « en luttant pour faire un succès du News que [Kribs] accomplit le meilleur travail de sa vie ». Il quitta le News et devint, à Ottawa, correspondant parlementaire du Toronto Daily Mail durant une session. Cependant, une fois que ce journal eut retiré son appui au gouvernement conservateur [V. Christopher William Bunting], il démissionna et devint rédacteur en chef du Daily Standard de Toronto, journal militant fondé par les conservateurs pendant la campagne fédérale de 1887. Il travailla ensuite pour le Toronto World, mais quand le journal conservateur Empire fut fondé, plus tard la même année, il en devint le rédacteur aux actualités, puis le correspondant à Ottawa. En 1891, on l’élut président de la tribune de la presse.

Immensément sympathique, Kribs était, selon le journaliste Hector Willoughby Charlesworth*, un « personnage massif et blond qui avait l’air d’un comédien allemand et que l’on surnommait « le Kronprinz ». Charlesworth se souvient aussi que, hautboïste talentueux, il se distrayait souvent, quand il devait rester tard à l’Empire, en jouant des « duos mélancoliques » avec le trombone James Watson Curran. Pour Sheppard, qui tentait de revitaliser le News, son goût de la plaisanterie, des canards et de la provocation avait été tantôt un atout, tantôt un poids. En 1885, il avait ébahi les lecteurs en annonçant – ce qui était faux – que sir John Alexander Macdonald quittait la politique. Plus tard la même année, il rapportait que le 65e bataillon de Montréal avait manqué à son devoir dans la rébellion du Nord-Ouest, ce qui valut à Sheppard une poursuite en diffamation. Quatre ans plus tard (il avait alors quitté le News), il faillit déclencher une bagarre en déclarant, au cours d’une assemblée tenue en vue des élections municipales de Toronto, que l’Evening Telegram de John Ross Robertson* était une « feuille de tourne-casaque ». Même si dans les années 1880 il avait partagé le socialisme radical de William Wallace* et de ses collègues Thomas Phillips Thompson* et Alexander Whyte Wright*, il demeurait, en politique, résolument conservateur. John Stephen Willison* du Globe, qui endura ses sarcasmes à Ottawa pendant l’affaire Thomas McGreevy en 1891, se rappelait charitablement de lui comme d’un homme « dévoué au « parti », belliqueux quand on diffamait ses idoles, mais si plein d’humanité que sa férocité partisane avait une saveur comique ». On dit que ce fut Kribs qui imagina le slogan conservateur de la campagne électorale fédérale de 1891, la dernière de Macdonald : Le même homme, la même politique et le même drapeau.

Comme la plupart des journalistes du centre du Canada, Kribs ne faisait pas mystère de son opposition à la cause de la tempérance. Quand on forma, en 1892, la Commission royale d’enquête sur le commerce de l’alcool au Canada, il démissionna de l’Empire pour représenter les brasseries et les distilleries. Le mémoire qu’il soumit à la commission frappait dur : rempli de faits et de chiffres provenant de tous les coins du Canada et des États-Unis, il visait à montrer que « l’ivrognerie est plus fréquente, le crime plus fréquent, les infractions à la loi plus nombreuses tandis que la prospérité générale est moindre sous une loi qui prohibe [la vente d’alcool] que sous une loi qui [la] permet ». En 1894, il rédigea un résumé du rapport de la commission pour la Canadian Brewers’ and Distillers’ Association. De même, il fut rédacteur en chef de l’Advocate de Toronto, qui représenta les intérêts de ces industries durant ses deux années d’existence, soit en 1894 et 1895.

Bien qu’il ait été orangiste, Kribs prit la plume en 1895 pour appuyer la minorité catholique du Manitoba quand l’élimination de leurs droits scolaires devint une question brûlante dans tout le pays [V. D’Alton McCarthy]. Dans un opuscule vigoureux et intelligent, il fit valoir que la constitution du Canada comprenait des accords qui garantissaient les droits des minorités. En ne maintenant pas ces accords dans le cas des catholiques du Manitoba, disait-il, le Parlement assurerait le « triomphe de l’utilité sur la justice », « abandon[nerait] de façon méprisable les faibles aux mains des forts » et bafouerait « toutes les règles du fair-play britannique ». Il se plaçait donc sur un plan constitutionnel et moral élevé. L’archevêque de Saint-Boniface, Adélard Langevin*, mentionna son opuscule quand il reprocha au chef libéral Wilfrid Laurier*, qui s’opposait à une loi réparatrice fédérale, de ne pas se prononcer clairement en faveur de la minorité.

Les dernières années de Kribs furent pénibles (de toute évidence, il souffrait des effets de la fièvre typhoïde), et il mena une existence paisible à Weston (Toronto). Cependant, il prit une part active à la campagne conservatrice de 1896. Il mourut deux ans plus tard au cours d’une visite à Ottawa et fut inhumé à Hespeler.

Journaliste renommé, particulièrement en Ontario, Louis P. Kribs était très populaire parmi ses collègues de toutes tendances ; même si ses opinions politiques étaient tranchées. À sa mort, nombreux furent les hommages qui rappelèrent combien il était à la fois compétent, bienveillant et chaleureux. Le Globe disait : « La tristesse s’envolait à la vue de sa forte carrure comme au son de sa voix amicale et de son rire franc. C’était un auteur plein de force et d’humour joyeux mais, même s’il pouvait frapper durement un adversaire et le couvrir de moqueries, jamais il n’y avait la moindre goutte de venin dans ses invectives ni dans sa gaieté. La mort de cet être généreux, viril, à l’esprit clair et vigoureux, au cœur bon, laisse – et dans son cas, ce n’est pas simple formule – un vide dans la communauté. »

Lovell C. Clark

Louis P. Kribs est l’auteur de : Report of Louis P. Kribs in connection with the investigation held by the Canadian royal commission on the liquor traffic (Toronto, 1894) ; et The Manitoba school question considered historically, legally and controversially (Toronto, 1895).

AN, MG 26, G, 9, Langevin à Laurier, 11 mai 1895 ; RG 31, C1, 1861, 1871, Hespeler.— W. B. Harte, « Canadian journalists and journalism », New England Magazine (Boston), nouv. sér., 5 (1891–1892) : 437.— Daily Mail and Empire, 25 mars 1898.— Evening News (Toronto), 25 mars 1898.— Globe, 25 mars 1898.— Montreal Daily Star, 24 mars 1898.— Toronto World, 25 mars 1898.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— E. E. Eby et J. B. Snyder, A biographical history of early settlers and their descendants in Waterloo Township, avec Supplement, E. D. Weber, édit. (Kitchener, Ontario, 1971), 254.— Christopher Armstrong et H. V. Nelles, The revenge of the Methodist bicycle company : Sunday streetcars and municipal reform in Toronto, 1888–1897 (Toronto, 1977).— H. [W.] Charlesworth, Candid chronicles : leaves from the note book of a Canadian journalist (Toronto, 1925), 76–81.— Ramsay Cook, The regenerators : social criticism in late Victorian English Canada (Toronto, 1985).— J. S. Willison, Reminiscences, political and personal (Toronto, 1919), 120.

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Lovell C. Clark, « KRIBS, LOUIS P. », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/kribs_louis_p_12F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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