KINGSFORD, RUPERT ETHEREGE, avocat, conférencier, auteur et magistrat de police, né le 20 octobre 1849 à Montréal, fils de William Kingsford* et de Maria Margaret Lindsay ; le 16 mars 1875, il épousa à Toronto Alice Laura Marian Kingston, fille de George Templeman Kingston*, et ils eurent au moins quatre filles et quatre fils ; décédé dans cette ville le 7 octobre 1920.

Rupert Etherege Kingsford alla à l’Upper Canada College à Toronto de 1861 à 1865, puis il entra à la University of Toronto, où il reçut plus tard des bourses en humanités et en langues modernes. À titre de membre du corps des fusiliers de l’université, il combattit les féniens à Ridgeway en 1866 [V. Alfred Booker*] ; blessé, il fut décoré par la suite. Il se remit à ses études après la bataille, et il obtint une licence ès arts en 1869 et une maîtrise ès arts deux ans plus tard. En 1873, après trois ans à la faculté de droit, il obtint une licence en droit. Comme il avait aussi fréquenté l’Osgoode Hall à titre d’étudiant en droit, il fut reçu au barreau la même année.

Kingsford pratiquerait le droit durant au moins 19 ans dans divers cabinets. Fort probablement, il travailla surtout sur des affaires civiles ou en tant qu’exécuteur testamentaire plutôt qu’en cour criminelle. Tout au long de cette période et au delà, il eut plusieurs autres activités, dont un bon nombre étaient liées à la sphère juridique. En 1874, il entra à la commission de refonte des statuts de l’Ontario. Nommé examinateur à l’Osgoode Hall en 1877, il y donna aussi des cours de 1886 à 1897. On lui attribue un rôle dans la refonte et la révision des lois sur l’éducation en 1896. De plus, il participa à la conception de la loi universitaire de 1901.

De 1896 à 1914, Kingsford composa un certain nombre d’ouvrages juridiques. Commentaries on the law of Ontario [...], paru à Toronto en 1896, était une adaptation de Commentaries on the laws of England, de William Blackstone. Selon un compte rendu publié dans un journal en 1906, il s’agissait du premier ouvrage de droit colonial analysé par le Times de Londres ; cette affirmation reste à vérifier. Ses autres livres, qui contribuèrent dans une certaine mesure à l’érudition juridique, reflètent la prédilection de l’époque pour les manuels : ce sont de lourds recueils de jurisprudence, de notes et de statuts révisés où les citations abondent. Ils visaient tous à améliorer la formation en droit plutôt qu’à présenter une analyse des lois sous une forme pratique. Comme ils figuraient parmi les premiers manuels de droit composés au Canada, les ouvrages de Kingsford attirèrent l’attention sur la pénurie d’ouvrages juridiques et répondirent aux vœux des Britanniques, qui réclamaient plus de manuels canadiens.

Kingsford manifesta aussi son fervent impérialisme dans d’autres activités. En 1886, un an avant que ne commence à paraître la monumentale histoire du Canada de son père, il publia The campaign of 1815, pièce historique sur la bataille de Waterloo dans laquelle il exprimait la conviction que le Canada et la Grande-Bretagne devaient unir leurs forces pour assurer la liberté à tous. Il fut notamment membre des Queen’s Own Rifles, appartint au comité de direction de la British Empire League et occupa en 1911–1912 la présidence de la division ontarienne de la Canadian Defence League. Selon lui, tout homme devait s’enrôler dans les troupes de réserve pour aider à préserver l’Empire britannique.

Cependant, Kingsford était connu surtout en tant que magistrat de police. Nommé sous-magistrat de police à Toronto par la province en juin 1894, il fut promu magistrat de police adjoint par la municipalité en mars 1899. Il présidait le tribunal de police en l’absence de son supérieur, George Taylor Denison*, et devint en avril 1902 le deuxième magistrat de police de Toronto. Sa principale fonction consistait à entendre des affaires relatives à l’ordre public ; son tribunal était la « cour des ivrognes ».

Kingsford avait à juger des vagabonds, des mendiants, des prostituées et des ivrognes – bref, des gens souvent récalcitrants. Le public avait rarement connaissance des dures conditions dans lesquelles il travaillait. L’Evening Telegram, le seul quotidien torontois qui rendait compte régulièrement des audiences du tribunal de police, critiquait sans cesse ses décisions et exprimait des doutes sur son sens de la justice, voire son intelligence. Par contre, Denison avait droit aux louanges du Telegram parce qu’il appliquait cette devise subjective et contradictoire : « [Ici,] c’est une cour de justice, non une cour de droit ». Denison était capable de passer rapidement à travers un rôle surchargé ; Kingsford n’acquit jamais ce rythme fabuleux. Il représentait ce que Denison, manifestement, méprisait dans sa salle d’audiences : un véritable avocat. Denison ne « permettait jamais que l’on soulève un point de droit » tandis que Kingsford adorait les argumentations et semblait avoir un « faible pour les subtilités juridiques ». « En tant que juge, dirait le Toronto Daily Star dans un éloge, non seulement mettait-il son zèle à interpréter la loi d’une façon impartiale, mais il veillait à ce que ceux qui comparaissaient devant lui aient vraiment l’occasion de présenter leur défense. » Il semble donc que Kingsford ait introduit quelque chose de nouveau au tribunal de police : des jugements qui tenaient compte du droit positif et du code de procédure. Cependant, si le Telegram représentait bien l’opinion publique, on peut dire que celle-ci n’accueillait pas bien cette innovation. En janvier 1920, Denison réorganisa le tribunal de police. Il confia la « cour des ivrognes » au magistrat subalterne Jacob Cohen, qui était fort expéditif, et relégua Kingsford aux causes excédentaires et au tribunal des femmes, qui représentait une tâche moins lourde.

Mort d’une pneumonie en octobre 1920, Rupert Etherege Kingsford demeura fidèle jusqu’à la fin à son amour du droit. Cette passion avait imprégné sa vie d’étudiant, d’avocat et d’auteur, et, finalement, même parfois à l’encontre de ses intérêts, sa vie de magistrat de police.

Tracy D. Hynes

La pièce de Rupert Etherege Kingsford intitulée « The campaign of 1815 » a paru dans les Proc., du Canadian Institute (Toronto), 3e sér., 4 (1885–1886) : 149–174, et sous forme de monographie ([Toronto, 1886 ?]). Kingsford a aussi écrit plusieurs textes juridiques, tous publiés à Toronto : Manual of evidence in civil cases (1889 ; 2e éd., 1897), qui ont fait l’objet de deux autres révisions sous le titre Evidence and practice at trials in civil cases (1908 ; [nouv. éd.], 1911) ; Manual of the law of landlord and tenant for use in the province of Ontario (1896 ; 2e éd., 1904) ; The law relating to executors and administrators in the province of Ontario (1900 ; éd. rév., 1902 ; 2e éd., 1914) ; et The law relating to wills adapted to the provinces of the Dominion of Canada : being Jarman’s treatise on wills (sixth edition) condensed with Canadian cases added (1913). Un exemplaire des épreuves d’« Endowment of Upper Canada College », article rédigé par Kingsford pour le volume souvenir de 1893 de l’établissement, est conservé dans la collection d’opuscules des AO.

ANQ-M, CE1-63, 13 nov. 1849.— AO, F 18, Kingsford à Belcher, 20 mars 1920 ; RG 80-5-0-54, no 11092 ; RG 80-8-0-59, no 7478.— Arch. du Barreau du Haut-Canada (Toronto), 1-1 (Convocation, minutes), 5 : 467 ;: 133, 169, 201, 284 ; 11 : 97, 745 ; 12 :146 ; discipline committee reports, 1 : 195, 213, 294 ;: 65 ; 1-5 (Convocation, rolls), common roll, Michaelmas term, 1869, 1873.— MTRL, BR, Biog. scrapbooks, 11 : 23s. ; 15 : 536.— UTA, P78-0158, 1866–1873.— Daily Mail and Empire, 7 avril 1902, 7 oct. 1920.— Evening Telegram (Toronto), 1898–1902, 6–8 oct. 1920.— Gazette (Montréal), 7 oct. 1920.— Globe, 7–9 oct. 1920.— Toronto Daily Star, 6–8 oct. 1920.— World (Toronto), 7 oct. 1920.— Annuaire, Toronto, 1874–1920.— Canadian annual rev. (Hopkins), 1902–1921.— Canadian Field (Welland, Ontario), 2 (1910–1911) : 21 ; publié par la suite sous le titre Canadian Defence, 3 (1911–1912) : 74, 106, 154, 198, 342.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— G. T. Denison, Recollections of a police magistrate (Toronto, 1920).— Dominion annual reg., 1887.— J. C. Hamilton, Osgoode Hall, reminiscences of the bench and bar (Toronto, 1904).— G. H. Homel, « Denison’s law : criminal justice and the police court in Toronto, 1877–1921 », OH, 73 (1981) : 171–186.— T. [D.] Hynes, « The life of Rupert Etheridge Kingsford : 1849–1920 » (exposé, Centre for Criminology, Univ. of Toronto, 1993).— Ontario Gazette (Toronto), 1894 : 671.— The roll of pupils of Upper Canada College, Toronto, January, 1830, to June, 1916, A. H. Young, édit. (Kingston, Ontario, 1917), 350.— David Sugarman, « Legal theory, the common law mind and the making of the textbook tradition », dans Legal theory and common law, William Twining, édit. (Oxford, 1986), 26–61.— Toronto, Chief Constable, Annual report, 1894 (exemplaire conservé aux City of Toronto Arch.) ; City Council, Minutes of proc., 1899, 1902, 1906.— Toronto the prosperous : special number of the « Mail and Empire » [...] showing the commercial, manufacturing, financial and professional interests ([Toronto, 1906] ; exemplaire conservé à la MTRL).— Univ. of Toronto, Reg., 1873 (exemplaire conservé aux UTA).— H. M. Wodson, The whirlpool : scenes from Toronto Police Court (Toronto, 1917), 191.

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Tracy D. Hynes, « KINGSFORD, RUPERT ETHEREGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/kingsford_rupert_etherege_14F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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