KELLY, ROBERT, grossiste et militant politique, né vers 1861 dans le canton de Russell, Haut-Canada, troisième fils de James Kelly et de Sarah Ann Mills ; en 1892, il épousa Lillian Catherine Craig (décédée en 1952), et ils eurent un fils et une fille ; décédé le 22 juin 1922 à Point Grey (Vancouver).

Fils d’un tailleur irlandais, Robert Kelly étudia dans les écoles publiques du canton de Russell. À l’âge de 16 ans, il devint garçon livreur au magasin général de William Petrie à Russell. Quelques années plus tard, il était promu commis et travaillait en plus comme télégraphiste. En 1884, après sept ans de service, il fut placé à la tête d’une succursale du magasin et d’un bureau de télégraphie dans le canton de Finch.

Kelly se rendit à Vancouver en 1886 mais, faute d’avoir trouvé un emploi à son goût, il descendit en Californie. À McPherson, juste au sud de Los Angeles, il prit la direction d’un magasin général et d’un bureau de télégraphie. De retour à Vancouver en 1887, il ouvrit un commerce de fruits et d’approvisionnement en gros avec William James McMillan dans la rue Water, au cœur du nouveau quartier des grossistes et des entrepôts. Il rompit avec son associé en 1889 et devint voyageur de commerce pour la Oppenheimer Brothers, l’épicerie de gros d’Isaac et de David* Oppenheimer. Ce travail lui permit de se faire beaucoup de relations et d’être au courant des occasions d’affaires de toute la portion nord de la côte du Pacifique. En 1895, Kelly quitta la Oppenheimer Brothers et fonda, avec William Goldsworth Braid, un commerce de gros spécialisé dans le thé et le café, la Braid, Kelly and Company. L’affaire prospéra mais dura moins d’un an : il y avait incompatibilité de caractères entre Kelly, impétueux et courtaud, et Braid, esprit posé et conservateur.

Au début de 1896, Frank Ross Douglas, originaire de Lachute dans la province de Québec, arriva à Vancouver, en quête d’occasions d’investir. Il était jovial, d’humeur facile et plein de tact ; quelques mois plus tard, le Vancouver Daily World écrirait à son sujet qu’il était un « homme d’affaires capable et progressiste ». Douglas fit bientôt la connaissance de Kelly et, en mars, malgré leurs différences de tempérament, ils fondèrent une entreprise d’épicerie en gros et d’importation de thé, la Kelly, Douglas and Company. Avec un capital de 14 500 $ et une marge de crédit de 8 000 $, ils louèrent un entrepôt et un bureau, rue Water. L’administrateur délégué de la compagnie était Kelly ; de son côté, Douglas sillonnait la province pour recruter des clients. Bien que la Colombie-Britannique ait été en pleine récession, l’entreprise connut le succès. En effet, elle était située au point de convergence des nouveaux réseaux de transport maritime et ferroviaire de la province, et Kelly connaissait à fond le commerce d’épicerie en gros.

L’entreprise allait d’autant mieux que Kelly était un pilier du Parti libéral. En 1896, le révérend George Ritchie Maxwell* se présenta dans la circonscription fédérale de Burrard, mais se trouva dans l’impossibilité de payer les dépenses de sa campagne. Kelly accepta de l’aider. Il lui fournit des fonds à la condition que, en cas de victoire, il veille à ce que le gouvernement favorise la Kelly, Douglas and Company. Maxwell fut élu et, dès le début de la ruée vers l’or du Klondike en 1897, le nouveau gouvernement libéral de sir Wilfrid Laurier* passa un bon nombre de grosses commandes de fournitures à la compagnie.

Dans les années suivantes, Douglas parcourut le Klondike chaque été pour rencontrer des clients et obtenir des commandes. Les affaires marchaient bien. Cependant, le 15 août 1901, il se noya lorsque l’Islander, le vapeur à bord duquel il se trouvait, heurta un iceberg et coula dans le canal de Lynn, en Alaska. Kelly exploita l’entreprise tout seul puis, en août 1904, il vendit une part de 20 % à Edward Douglas, l’un des frères aînés de son défunt associé. Sous la direction des deux hommes, la compagnie entra dans une phase d’expansion rapide.

De 1901 à 1911, la population britanno-colombienne doubla. Grâce à cette croissance, aux commandes que continuait de lui passer le gouvernement Laurier et à sa situation avantageuse à Vancouver, la Kelly, Douglas and Company vit croître son chiffre d’affaires et son bénéfice. Elle approvisionnait bon nombre de petits épiciers de toute la province ainsi que de grands magasins à rayons, des camps de mineurs et de bûcherons et diverses équipes d’ouvriers. En 1905, elle enregistra la marque Nabob, bientôt synonyme de thés et de cafés préemballés de qualité. En 1906, elle se réorganisa en société à responsabilité limitée avec un capital de 500 000 $ et fit construire, rue Water, un vaste entrepôt de neuf étages. La même année fut établie une société de confiserie, la Kelly Confection Company Limited. En 1909, la Kelly, Douglas and Company comptait 30 employés dans son entrepôt et 10 voyageurs de commerce. L’année suivante, le capital autorisé passa à un million de dollars et l’entreprise avait des succursales dans tous les grands centres urbains de la province. En 1911, son chiffre d’affaires excédait les 4 500 000 $. Elle était l’une des plus grosses sociétés du genre à l’ouest de Winnipeg.

Kelly exerçait beaucoup d’influence dans les coulisses de la scène politique en Colombie-Britannique. En 1905, les libéraux de Vancouver proposèrent sa candidature au poste de sénateur. Un journal conservateur de Victoria, le Daily Colonist, réagit à cette nouvelle en publiant un long éditorial dans lequel on disait que Kelly, « le leader vénal », était un homme « qui parv[enait] toujours à ses fins » et rêvait de devenir « le dictateur politique de son parti dans la province ». Au journaliste du Vancouver Daily Province qui lui demandait des commentaires, Kelly répondit que les propos du Daily Colonist lui faisaient de la « réclame ».

Kelly investit dans quelques autres entreprises que son commerce d’épicerie en gros et avait des intérêts importants dans les industries du bois et de la mise en conserve du saumon. Malgré la dure récession qui frappa la Colombie-Britannique de 1912 à la fin de la Première Guerre mondiale, la Kelly, Douglas and Company demeura rentable. À la fin des hostilités, la santé de Kelly se mit à décliner. Il abandonna la direction de l’entreprise pour un congé d’un an. Son état ne s’améliora pas et il succomba à une cirrhose du foie dans sa maison de Point Grey le 22 juin 1922.

Grâce à ses multiples talents pour le commerce et à ses nombreuses relations dans les milieux du pouvoir, Robert Kelly profita de l’essor économique que la Colombie-Britannique connut avant la Première Guerre mondiale et s’imposa rapidement, dans cette province, comme un leader du monde des affaires et un personnage occulte de la politique.

Brad R. Morrison et Christopher J. P. Hanna

BAC, RG 31, C1, 1861, 1871, 1881, Russell Township, Ontario ; 1901, Burrard, C. B., dist. D8.— BCA, GR-2951, nos 1922-09-300764, 1952-09-003965.— City of Vancouver Arch., Add. mss 54 (J. S. Matthews coll.), topical files, Kelly, Douglas and Co. Ltd (02437).— Daily Colonist (Victoria), 29 déc. 1905, 23 juin 1922.— Vancouver Daily News-Advertiser, 3 oct. 1897.— Vancouver Daily Province, 29 déc. 1905, 13 mars 1906, 11 déc. 1948.— Vancouver Daily World, 20 juin 1896 (numéro-souvenir).— Vancouver News-Herald, 11 déc. 1948.— Vancouver Sun, 23 juin 1921, 17 août 1953.— Victoria Daily Times, 22 juin 1922.—Annuaires, Carleton County, Ontario, 1884 ; C. B., 1889–1895 ; Ontario, 1884–1889 ; Ottawa, 1866–1867, 1870–1873 ; Vancouver, 1888, 1896.— Canadian who’s who, 1910.— Bill Davies, From sourdough to superstore : the Kelly, Douglas story (Vancouver, 1990).— R. E. Gosnell, A history o[f] British Columbia (s.l., 1906).— Newspaper reference book.— E. O. S. Scholefield et F. W. Howay, British Columbia from the earliest times to the present (4 vol., Vancouver, 1914), 3.— Who’s who in western Canada [...] (Vancouver), 1913.

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Brad R. Morrison et Christopher J. P. Hanna, « KELLY, ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/kelly_robert_15F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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