Provenance : Avec la permission de Wikimedia Commons
JUKES, JOSEPH BEETE, géologue et écrivain, né le 10 octobre 1811 à Summerhill, près de Birmingham, Angleterre, aîné des enfants et seul fils de John Jukes et de Sophia Beete ; il épousa en septembre 1849 Georgina Augusta Meredith et ils n’eurent pas d’enfant ; décédé le 29 juillet 1869 à Dublin (République d’Irlande).
Joseph Beete Jukes n’avait que huit ans lorsque son père, un manufacturier, mourut, laissant derrière lui une veuve énergique, résolue à ce que son fils reçoive une éducation ecclésiastique. Aussi, en 1830, à la fin de ses études secondaires à Wolverhampton et à la King Edward’s School de Birmingham, le jeune Jukes fut-il envoyé au St John’s College à Cambridge. S’il entreprit des études classiques et de mathématiques, son intérêt pour la géologie l’amena à assister aux cours et aux « excursions » pleines de vie du révérend Adam Sedgwick. Avant même d’obtenir son baccalauréat ès arts en 1836 (il obtint sa maîtrise en 1841 à Cambridge), Jukes avait abandonné l’idée de recevoir les ordres. Indécis au sujet de sa carrière, il fit de la géologie dans les comtés du centre et du nord pendant presque deux ans, assurant sa subsistance par des cours sur la géologie et des conférences publiques. En 1842, il était devenu membre de la Geological Society de Londres.
En 1838, l’Assemblée de Terre-Neuve proposa une étude géologique de la colonie afin de trouver du minerai à exploiter. Jukes se vit offrir le poste d’arpenteur-géologue par le lieutenant-gouverneur Henry Prescott*, sur la recommandation du président de la Geological Society de Londres, William Whewell. Jukes arriva à St John’s, Terre-Neuve, le 8 mai 1839 et passa le mois à se familiariser avec la géologie locale et à identifier les gisements présumés de charbon (une découverte de minerai aux limites de St John’s se révéla être de la roche schisteuse et une autre près de Harbour Grace était constituée de fer des marais). Au cours d’une visite à l’île de Bell à la fin de mai, il ne parvint pas à identifier les importants dépôts de minerai de fer qu’il découvrit et il les enregistra sur carte comme « pierres rougeâtres ».
Avant 1839, le littoral de Terre-Neuve avait été porté avec soin sur une carte par les hydrographes de la marine royale mais on ne savait pratiquement rien de l’intérieur, exception faite du seul tracé de William Eppes Cormack entre la baie de la Trinité et la baie de Saint-Georges qui datait de 1822. L’absence de cartes ajoutée aux difficultés des parcours accidentés à l’intérieur des terres convainquit Jukes qu’il devait limiter ses efforts aux régions côtières. La législature augmenta le budget consacré au départ à la recherche afin de permettre l’affrètement du Beaufort, un ketch de 37 tonneaux qui quitta le port de St John’s le 16 juin. Au cours du voyage qui dura cinq semaines, on dressa la carte du littoral et des îles des baies de la Conception et de la Trinité et on fit de la prospection, mais les recherches de minerais s’avérèrent vaines. Lorsqu’il apprit ces nouvelles décevantes, le gouverneur Prescott conseilla à Jukes de poursuivre les recherches sur la côte ouest de Terre-Neuve où l’on connaissait l’existence de charbon. Il était politiquement opportun que les recherches aboutissent à des résultats le plus tôt possible afin d’en justifier le coût. Le 30 juillet, le Beaufort mit le cap vers la côte ouest. Au début de septembre, Jukes, guidé par un Indien micmac nommé Sulleon, découvrit du charbon dans un petit ruisseau proche de Grand Pond (Grand Lake), en amont. Neuf jours plus tard, un colon de la côte ouest conduisit Jukes jusqu’à un second gisement de charbon près du ruisseau Barachois. Jukes repartit pour St John’s à la mi-novembre et, avant la fin de l’année, il présenta au gouverneur un bref manuscrit intitulé Report on the geology of Newfoundland.
Le 3 mars 1840, Jukes et un naturaliste norvégien, le docteur Stüwitz, quittèrent St John’s et firent voile vers « les glaces » à bord du Topaz, navire armé pour la chasse aux phoques, afin de vérifier si les glaces flottantes contenaient le même type de blocs erratiques que ceux trouvés dans le diluvium (dont on sait maintenant qu’ils proviennent des glaciers). Tandis que Jukes était toujours en mer, une loi des subsides, qui touchait les crédits prévus pour les recherches, fut rejetée par le Conseil de Terre-Neuve au cours du conflit politique qui opposait ce dernier et l’Assemblée [V. Simms ; Laurence O’Brien] ais le gouverneur Prescott persuada en fin de compte la chambre d’accorder £450 pour assurer la continuité du salaire de Jukes et des subsides pour les recherches. Le programme de cartographie de 1840 débuta par le levé de la partie sud de la péninsule d’Avalon et de la baie de Plaisance, suivi de l’exploration géologique du littoral nord-est, de Brigus, dans la baie de la Conception, à la baie des Exploits. Jukes remonta la rivière des Exploits jusqu’à la grande chute (Grand Falls) en compagnie de John Peyton de Toulinguet (Twillingate). À la mi-octobre, Jukes était de retour à St John’s, d’où il repartit ensuite pour l’Angleterre.
Dans son premier rapport géologique complet, qui fut publié d’abord à Londres en 1842 comme partie de ses Excursions in and about Newfoundland, Jukes reconnaissait que « les résultats pratiques de cette recherche [étaient] peu nombreux et [...] dans l’ensemble [...] plutôt négatifs », bien qu’il fût d’avis qu’ils pourraient servir « à limiter les spéculations téméraires ». Le Conseil s’opposa à la tentative de l’Assemblée de Terre-Neuve de faire publier le rapport géologique de Jukes séparément ; il fut cependant publié en 1843 avec l’appui du lieutenant-gouverneur sir John Harvey*, successeur de Prescott, qui en assuma la responsabilité financière.
Les réalisations de Jukes à titre d’arpenteur géologue de Terre-Neuve avaient établi sa réputation professionnelle. En 1842, il fut affecté comme naturaliste à une expédition géodésique dans les eaux d’Australasie. Peu après son retour en Angleterre en 1846, il fut nommé au Geological Survey de Grande-Bretagne et, en 1850, il accepta la direction locale de la branche irlandaise du Geological Survey. Même s’il finit par détester l’administration, il dirigea pendant 19 ans la préparation de plus de 40 mémoires sur la géologie de l’Irlande. Dans une note importante publiée en 1862, Jukes prouva que l’érosion par les cours d’eau avait plus d’importance que l’érosion maritime, sur la formation des reliefs récents. Les résultats de cette recherche de même que les études de géologues américains de l’ouest des États-Unis ont jeté les bases de la géomorphologie. En 1853, Jukes était devenu fellow de la Royal Society. En 1866, on le nomma membre de la commission royale britannique sur le charbon. Une blessure à la tête subie lors d’une chute en 1864 fut à l’origine du déclin de sa santé ; Jukes mourut à Dublin le 29 juillet 1869. Son ami Thomas Huxley le décrivit comme « un homme intègre, généreux, doté de hautes qualités scientifiques ».
Le rapport géologique de Jukes sur Terre-Neuve n’eut pas d’effet apparent sur la vie de l’île ni sur les recherches géologiques ultérieures dans la colonie ; sir William Logan* fit rarement allusion à son travail et, en 1864, James Richardson* parlait de Terre-Neuve comme d’un « nouveau champ » géologique. L’œuvre de Jukes ne fut qu’une reconnaissance préliminaire et les arpenteurs, législateurs, fonctionnaires et entrepreneurs de la colonie semblent n’y avoir accordé que peu d’importance. Le principal apport de Jukes au Canada est un dossier précieux sur la société terre-neuvienne en 1839–1840. Il eut des rapports avec des Indiens micmacs, des mummers, des pêcheurs de morue, des chasseurs de phoque et vanta l’hospitalité des habitants de la colonie depuis le port de mer le plus humble jusqu’à la résidence du gouverneur. Il s’étonna des manières et des coutumes rudes et primitives, de la vie dure et simple que menaient les gens mais, contrairement à certains autres observateurs, il aboutit à la conclusion que « la masse de la population ne se compose pas d’ivrognes invétérés ». Même si Jukes fut quelque peu déçu de « l’absence d’autonomie et d’initiative » chez les couches populaires qu’il trouvait trop soumises, les Terre-Neuviens lui parurent « simples, honnêtes, travailleurs, accommodants et hospitaliers » et dotés « des qualités de toutes les races courageuses exposées aux fatigues et aux dangers de la vie aventureuse ».
J. B. Jukes fut un écrivain prolifique. On trouve la liste de ses ouvrages publiés dans Letters and extracts from the addresses and occasional writings of J. Beete Jukes, [C. A. Jukes (Browne)], édit. (Londres, 1871). Ses écrits qui concernent Terre-Neuve sont : Excursions in and about Newfoundland, during the years 1839 and 1840 (2 vol., Londres, 1842) ; General report of the Geological Survey of Newfoundland, executed under the direction of the government and legislature of the colony during the years 1839 and 1840 (Londres, 1843) ; Report of the progress of the Geological Survey, during 1840 (St John’s, 1840) ; Report on the geology of Newfoundland, December, 1839 (St John’s, 1839) ; et Report on the geology of Newfoundland, Edinburgh New Philosophical Journal, XXIX (1840) : 103–111.
DNB.— Mapoteca geologica Americana ; a catalogue of geological maps of America (North and South), 1752–1881, in geographic and chronologic order, Jules et J. B. Marcou, compil. (Washington, 1884), 36.— E. [B.] Bailey, Geological Survey of Great Britain (Londres, 1952), 35s., 41s., 50, 68–70, 73–76.— J. W. Clark et T. M. Hughes, The life and letters of the Reverend Adam Sedgwick [...] (2 vol., Cambridge, Angl., 1890), I : 521 ; II : 490.— G. L. Davies, The earth in decay ; a history of British geomorphology, 1578 1878 (Londres, 1969), 317–333.— J. S. Flett, The first hundred years of the Geological Survey of Great Britain (Londres, 1937), 55, 59, 76, 92, 116s.— Archibald Geikie, Life of Sir Roderick I. Murchison, bart. ; K.C.B., F.R.S. ; sometime director-general of the Geological Survey of the United Kingdom, based on his journals and letters [...] (2 vol., Londres, 1875), 11 326–329 ; Memoir of Sir Andrew Crombie Ramsay (Londres, 1895), 105, 176, 215–218, 294–296.— D. W. Thomson, Men and meridians ; the history of surveying and mapping in Canada (3 vol., Ottawa, 1966–1969), I : 155.— H. B. Woodward, The history of the Geological Society of London (Londres, 1907), 228–232.— [T. H.] Huxley, Joseph Beete Jukes, Geological Soc. of London, Quarterly Journal, 26 (1870), pt. ii : xxxii–xxxiv.
Richard David Hughes, « JUKES, JOSEPH BEETE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/jukes_joseph_beete_9F.html.
Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique:
Permalien: | http://www.biographi.ca/fr/bio/jukes_joseph_beete_9F.html |
Auteur de l'article: | Richard David Hughes |
Titre de l'article: | JUKES, JOSEPH BEETE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |