JACQUES, JOHN, ébéniste, manufacturier de meubles et financier, né le 9 novembre 1804, probablement dans le comté de Cumberland, Angleterre, fils de Thomas Jacques ; il épousa Mary Quinton (1808–1895), et ils eurent un fils et une fille ; décédé le 14 février 1886 à Toronto.
John Jacques aurait fait l’apprentissage du métier d’ébéniste à Wigton (comté de Cumbria), et l’exerça ensuite quelques années à Londres. En 1831, il immigra à York (Toronto), où il travailla comme ébéniste, d’abord pour Elisha Benjamin Gilbert, puis pour William Maxwell. En 1835, il s’associa à Robert Hay afin d’acheter l’affaire de Maxwell. Sous la raison sociale de Jacques and Hay, l’entreprise allait donner le ton à l’industrie du meuble des deux Canadas, au cours des 50 années subséquentes.
Non seulement Jacques et Hay produisaient beaucoup plus que leurs concurrents, mais ils menaient aussi par la qualité de leurs meubles. Faisant œuvre de pionniers dans le domaine de la fabrication de meubles en série au Haut-Canada, ils répondaient à la demande sans cesse renouvelée des immigrants, offrant des meubles fonctionnels en pin et en tilleul, produits mécaniquement. Plusieurs de leurs clients provenaient de la classe moyenne et d’autres comptaient au nombre des riches amateurs qui les avaient encouragés à leurs débuts. Les meubles de Jacques et Hay eurent une part assez importante dans la formation de ce qu’on pourrait appeler le style sud-ontarien du milieu du xixe siècle. Comme les autres du même genre, leur entreprise devait, il est vrai, se conformer au goût de l’époque pour les styles étrangers, Empire, gothique, rococo et Eastlake (du nom de celui qui le mit à la mode, sir Charles Lock Eastlake), mais elle parvint à les marier harmonieusement au style régional, contribuant ainsi à la survie de celui-ci. Les principales caractéristiques de cette variante régionale d’un thème général nord-américain comprenaient la solidité, l’absence à peu près totale de placage, l’emploi très répandu du noyer noir et une ornementation qui, tout en reflétant le goût du jour pour les fioritures, n’atteignait cependant jamais la vulgarité ; un vernis brillant recouvrait le produit fini.
Dès les années 1840, Jacques et Hay, avec d’autres ébénistes de la première heure au Haut-Canada, étaient parvenus à dissuader l’élite d’importer ses meubles de l’étranger, quoique celle de Montréal se soit obstinée à les faire venir de Grande-Bretagne et des États-Unis. À Montréal, on continuait à penser que l’acajou et le bois de rose étaient des bois de grande qualité, alors qu’au Haut-Canada, le noyer, abondant dans la région et presque absent au Bas-Canada, et, dans une moindre mesure, d’autres essences locales à bois dur, tels l’érable et le chêne, acquéraient leurs lettres de noblesse. Jacques et Hay tirèrent parti de l’antipathie que beaucoup de leurs clients parmi l’élite nourrissaient envers les produits américains et du coût élevé de l’importation de pièces de grande dimension de la Grande-Bretagne.
Grâce à la très grande qualité de ses produits, la firme comptait parmi ses clients d’éminentes personnalités du monde politique et des milieux d’affaires du Haut-Canada, et elle exécuta quelques-uns des plus beaux mobiliers officiels de l’époque. Le Sword’s Hotel et Osgoode Hall, à Toronto, et Rideau Hall, à Ottawa, renfermaient des meubles comptant parmi les plus belles pièces de sa fabrication. Comme la plupart des grands ébénistes, Jacques et Hay exposaient fréquemment, et les nombreux prix qu’ils obtinrent dans différents concours municipaux, provinciaux et internationaux rehaussèrent encore leur réputation. Des descriptions de pièces exposées dénotent une grande maîtrise dans le travail du bois ainsi que beaucoup de goût ; de plus, certains de leurs meubles, qui ont été conservés, tels ceux qu’ils exécutèrent en 1867 pour la magnifique collection de James Austin*, et destinés à sa demeure, Spadina flouse, à Toronto, allient à la fois solidité et élégance. Dans les années 1860, lorsque leur nom apparaissait sur les listes au cours d’une vente aux enchères, c’était, en soi, un gage de qualité pour tout ce qu’on y offrait.
Le rôle imparti à Jacques dans l’entreprise consistait à surveiller la production courante et l’entreposage. Il savait déléguer ses responsabilités, et son départ à la retraite, le 26 décembre 1870, se fit promptement et sans heurt. Il se lança avec succès dans des opérations financières au cours des années qui suivirent, investissant dans les banques, les chemins de fer et les hypothèques. À sa mort, il laissa plus de $250 000, dont 80 p. cent en hypothèques. Au cours de sa vie, il s’était aussi intéressé activement à la chose publique et avait fait partie de la York Pioneer Society, du Toronto Mechanics’ Institute, du Canadian Institute ; il avait également été un fidèle de l’église presbytérienne St Andrew de Toronto. Partisan des réformistes, il n’occupa cependant aucune fonction politique.
De nos jours, l’ignorance de la place occupée par la production mécanisée de meubles au xixe siècle, la difficulté de pouvoir établir avec certitude l’origine des pièces et le goût actuel pour les meubles datant de la période prévictorienne ont contribué à réduire le rôle de l’entreprise Jacques and Hay dans l’industrie manufacturière ontarienne. Mais, au fur et à mesure qu’on reconnaît le métier à sa juste valeur et que l’intérêt pour les meubles victoriens renaît, son apport est apprécié comme il le mérite.
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Stanley Pollin, « JACQUES, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/jacques_john_11F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
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