HUPPÉ (Hupé), dit Lagroix (La Groy, Lagroye, Lagrouais), JOSEPH, maçon, menuisier et chapelier, né le 6 novembre 1696 à Beauport (près de Québec), fils de Jacques Huppé, dit Lagroix, et de Suzanne Le Normand, décédé après le 16 février 1776.

Joseph Huppé, dit Lagroix, avait, semble-t-il, été menuisier et maçon pendant un certain temps quand il décida, en 1730, d’apprendre le métier de chapelier. Son grand-père, Michel Huppé, dit Lagroix, un Normand venu au Canada au milieu du xviie siècle, avait exercé ce métier, et il est possible que Joseph en ait reçu quelques connaissances de son père, qui sans aucun doute était fermier.

Huppé fit son apprentissage chez le chapelier Barthélemy Cotton. Le 29 janvier 1730, les deux signèrent un contrat par lequel Cotton acceptait d’enseigner son métier à Joseph Huppé, « Me maçon Et menuisier ». Leur association fut cependant de courte durée. Il y aurait eu mésentente entre eux et, violant son contrat d’une durée de trois ans, Huppé quitta Québec au cours de l’hiver de 1731–1732. Il s’installa à Montréal où, en mars 1732, il loua pour six mois une maison située rue Capitale. Cotton entreprit des procédures judiciaires contre Huppé, qui resta néanmoins à Montréal, y exerçant le métier de chapelier jusqu’en 1736.

Le seul autre chapelier de Montréal, à cette époque, était un Parisien, Jean-Baptiste Chaufour. Ni l’un ni l’autre des deux concurrents ne faisait un commerce important ; ils étaient, selon le gouverneur Beauharnois* et l’intendant Hocquart, en 1735, « de simples ouvriers ». Selon l’évaluation officielle, Cotton et eux produisaient 1 200 ou 1 500 chapeaux de castor par année. Chaufour et Huppé employaient au plus un ou deux compagnons. Sa femme, Charlotte Jérémie, dit Lamontagne et dit Douville, qu’il avait épousée à Québec le 27 novembre 1728, étant décédée en février 1733, Huppé n’avait qu’une seule personne à sa charge, une fille.

Malgré leur peu d’importance, les trois chapeliers de la Nouvelle-France retinrent l’attention du gouvernement français. En 1735, le ministre de la Marine, Maurepas, prétendait que, en envoyant des chapeaux de castor demi-foulés (non finis) en France, ils portaient atteinte au monopole de la Compagnie des Indes, seule autorisée à exporter les peaux de castor. Le gouverneur et l’intendant rejetèrent cette prétention et hésitèrent à interdire la fabrication de chapeaux dans la colonie, comme le désirait le ministre. Ils limitèrent plutôt les chapeliers au seul marché canadien et interdirent l’exportation de chapeaux demi-foulés ou incomplets. Maurepas ne se laissa pas attendrir par leur appel en faveur des chapeliers canadiens ; dans sa dépêche de mai 1736, il insista pour qu’on détruisît les établissements de ces derniers.

Le 12 septembre, on ferma l’atelier de Barthélemy Cotton à Québec et, le 24, les fonctionnaires royaux à Montréal exécutaient les ordres, à leur tour. On découvrit que Jean-Baptiste Chaufour n’avait pas travaillé comme chapelier depuis deux ans. Il accompagna les fonctionnaires, quand ils se dirigèrent vers l’atelier de Huppé Au Chapeau Royal, dans un faubourg de Montréal. Ils firent un inventaire de ce qu’ils y trouvèrent, brisèrent les bassins et les chaudières à fouler et à teindre, et portèrent le reste de l’équipement de chapellerie au magasin du roi. On établit les pertes de Huppé à 676# ; il reçut plus tard une certaine compensation de la Compagnie des Indes. On ignore son activité après la fermeture de son atelier, mais il semble avoir vécu tantôt à Montréal, tantôt à Québec, allant et venant entre les deux villes. Il signa son testament, le 16 février 1776, devant André Genest, notaire de Charlesbourg. On ne connaît pas la date de sa mort.

Des historiens ont essayé d’expliquer la suppression des chapeliers canadiens, en 1736. Joseph-Noël Fauteux et Paul-Émile Renaud ont vu dans cet événement le résultat du mercantilisme français – une politique qu’un mémoire royal de 1704 définit avec concision : « tout ce qui pourroit faire concurrence avec les manufacturiers du Royaume ne doit jamais estre fait dans les colonies ». Cependant, la politique coloniale française au Canada ne fut pas rigoureusement mercantiliste. La France tolérait habituellement et souvent encourageait les industries coloniales qui la doublaient, dans le but de permettre une certaine autosuffisance de la colonie. Lionel Groulx* suggère que la décision du ministre fut inspirée par la Compagnie des Indes qui, souffrant d’une diminution du nombre des peaux de castor, s’opposa peut-être à ce qu’au Canada des peaux fussent soustraites à l’exportation. La cour crut que, si les chapeliers français avaient le premier choix des fourrures, ils prendraient une plus grande part du marché européen des chapeaux, et elle avait intérêt, par l’intermédiaire de la Compagnie des Indes, à maintenir le volume des peaux de castor en provenance du Canada. Il se pourrait donc que la suppression de la chapellerie canadienne ait été envisagée dans l’intérêt de la France.

Peter N. Moogk

AN, Col., B, 62, f.110 ; 64/3, ff.608–612 ; C11A, 63, pp.62–65 ; 64, pp.69s. ; 65, pp.10–16 (copies aux APC).— ANQ-Q, Greffe de Claude Barolet, 8 mars 1745, 8 févr. 1755 ; Greffe d’André Genest, 16 févr. 1776 ; Greffe de J.-C. Louet, 28 déc. 1731 ; Greffe de J.-N. Pinguet de Vaucour, 27 nov. 1728 ; NF 2, 24, f.104 ; NF 25, 23, nos 876, 879, 891.— ASQ, Séminaire, 21, no 2, p.25.— ASSM, 24, Dossier 6, cahier NN, 48.— IBC, Centre de documentation, Fonds Morisset, Dossier Joseph Huppé, dit Lagroix.— P.-G. Roy, Inv. jug. et délib., 1717–1760, II : 262, 265, 276.— Tanguay, Dictionnaire. J.-N. Fauteux, Essai sur l’industrie, II : 485–490.— P.-É. Renaud. Les origines économiques du Canada ; l’œvre de la France (Mamers, France, 1928).— Sulte, Hist. des Canadiens fiançais, IV : 68 ; V : 83.— Lionel Groulx, Note sur la chapellerie au Canada sous le Régime français, RHAF, III (1949–1950) : 383–401.— É.-Z. Massicotte, L’anéantissement d’une industrie canadienne sous le Régime français, BRH, XXVII (1921) : 193–200 ;Les enseignes à Montréal, autrefois et aujourd’hui, BRH, XLVII (1941) :354.

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Peter N. Moogk, « HUPPÉ (Hupé), dit Lagroix (La Groy, Lagroye, Lagrouais), JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/huppe_joseph_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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