HUOT, MARIE-FRANÇOISE, dite Sainte-Gertrude, sœur de la Congrégation de Notre-Dame, professeure et supérieure de la communauté (supérieure générale), née le 10 octobre 1795 à L’Ange-Gardien, Bas-Canada, fille de Pierre-Michel Huot et de Marie-Françoise Huot ; décédée le 8 novembre 1850 à Montréal.

Après un séjour au pensionnat des sœurs de la Congrégation de Notre-Dame à Sainte-Famille, dans l’île d’Orléans, Marie-Françoise Huot entra au noviciat à Montréal en 1815, à l’âge de 19 ans et 9 mois. À sa vêture, le 26 juin 1816, elle reçut le nom de Sainte-Gertrude, puis elle prononça ses vœux le 10 juillet 1817. Elle enseigna ensuite dans différentes missions : celles de Saint-Laurent, dans l’île de Montréal, de Saint-François (à Saint-François-Montmagny), de la basse ville de Québec, de Sainte-Marie-de-la-Nouvelle-Beauce (Sainte-Marie), de Saint-Denis, sur le Richelieu, de Terrebonne et de Berthier, ainsi qu’au pensionnat de la maison mère, à Montréal. Elle était retournée à la basse ville de Québec quand on la choisit comme assistante de la communauté en 1839. L’année suivante, on l’élut supérieure, poste qu’elle n’occupa que trois ans, après quoi elle insista pour qu’on la libère de cette charge en invoquant des raisons de santé. Elle demeura cependant assistante de la supérieure, Marie-Catherine Huot*, dite Sainte-Madeleine, jusqu’en 1848, année de son entrée à l’infirmerie où elle mourut de cancer deux ans plus tard.

Le supériorat de sœur Sainte-Gertrude coïncida avec la prise en main du diocèse de Montréal par Mgr Ignace Bourget*. Dans sa vie interne comme dans son développement extérieur, la Congrégation de Notre-Dame fut alors touchée par le zèle et le gouvernement autoritaire du nouvel évêque qui se déclarait « le premier pasteur dans la communauté ». À la suite d’une visite pastorale où il réunit toutes les sœurs de la maison mère et des missions, Mgr Bourget produisit un mandement sur les affaires de la communauté, le 30 avril 1843. Il y statuait sur un grand nombre d’articles de la règle, allant de la formation religieuse des aspirantes au port de « bonnets de coton, de flanelle, aussi bien que ceux de toile » ou à l’usage de « mouchoirs de couleur foncée si [les sœurs faisaient] usage du tabac ».

Plusieurs amendements à la règle touchaient immédiatement l’enseignement que donnaient les sœurs. Ainsi Mgr Bourget décidait que des maîtresses laïques pourraient leur être adjointes dans les écoles de faubourg, surtout pour l’enseignement de l’anglais. Il ordonnait aux religieuses de changer leur méthode d’enseignement traditionnelle pour celle des Frères de la doctrine chrétienne et d’admettre comme externes dans les missions « les petites filles dont les parents seraient trop pauvres pour payer leur pension au couvent ». C’est avec réticence que les sœurs acceptèrent de tels changements, et sœur Sainte-Gertrude leur servit d’interprète auprès de l’évêque ; ce dernier redoutait « les graves inconvénients qu’il y a[vait], dans les communautés comme ailleurs, à faire tourner les autorités comme des girouettes » et se réserva le dernier mot.

Sous le supériorat de sœur Sainte-Gertrude, la Congrégation de Notre-Dame résolut en 1841 de transporter sa mission de Québec, non loin de l’église Notre-Dame-des-Victoires, dans la paroisse Saint-Roch, selon le vœu qu’avait exprimé Mgr Joseph-Octave Plessis* avant de mourir. D’autre part, la communauté fonda un couvent dans la paroisse Saint-Joseph, aux Cèdres, qui devenait la quinzième mission de la congrégation dans les campagnes, malgré le nombre restreint de ses membres, soit environ 80.

Jusque-là, les sœurs de la Congrégation de Notre-Dame n’avaient des établissements que dans les diocèses de Québec et de Montréal, et en milieu francophone seulement même si elles tenaient une classe en anglais pour pensionnaires et demi-pensionnaires à Montréal. À la fin de 1841, elles cédèrent aux pressions de Mgr Rémi Gaulin*, évêque de Kingston, dans le Haut-Canada, et de Mgr Bourget, et fondèrent la mission de Kingston. Parmi les sœurs qui s’étaient offertes volontairement pour la mission, on en choisit trois et Mgr Bourget approuva ce choix. À Montréal, les Mélanges religieux du 3 décembre commentaient ainsi la fondation de Kingston : « Il [était] temps que les filles de l’admirable Marguerite Bourgeoys [Marguerite Bourgeoys*, dite du Saint-Sacrement] aillent porter ailleurs l’esprit et les vertus de leur Fondatrice. » Il s’agissait de la première mission, au sens moderne du terme, de la congrégation. En témoignent les sœurs qui avouèrent « qu’à la vue de leur local, [...] elles se prirent à envier l’étable de Mère Bourgeoys », et l’abbé Jean-Charles Prince* qui, le 9 janvier 1842, écrivit à la supérieure : « L’œuvre de la fondation de votre Institut à Kingston me paraît assez importante pour intéresser plus tard l’histoire ecclésiastique et religieuse du Canada. » Pendant que s’organisaient le pensionnat et l’externat de Kingston, les sœurs avaient accepté de faire une mission à la Rivière-Rouge (Manitoba) où, selon Mgr Joseph-Norbert Provencher*, la Hudson’s Bay Company préférait des religieuses et des prêtres canadiens à des missionnaires français. Mais l’évêque de Québec avait déjà pris des arrangements avec les Sœurs de la charité de l’Hôpital Général de Montréal [V. Marie-Louise Valade*, dite mère Valade], et les sœurs de la Congrégation de Notre-Dame « furent remerciées jusqu’à nouvel ordre ».

La vie de la Congrégation de Notre-Dame sous le supériorat de sœur Sainte-Gertrude met bien en évidence la dépendance de la communauté à l’égard de l’autorité ecclésiastique. Elle contredit donc une certaine historiographie qui voudrait que les religieuses aient été des femmes autonomes et « les premières féministes » de l’histoire canadienne et québécoise. Comme elles avaient renoncé par vœu à l’autonomie individuelle, ces femmes ne manifestaient aucune volonté d’autonomie collective. Elles étaient nettement soumises à l’Église hiérarchique, par conviction et par obéissance.

Andrée Désilets

ACAM, RLB, IV–VI.— ANQ-Q, CE1-3, 11 oct. 1795.— Arch. de la Congrégation de Notre-Dame (Montréal), Reg. des baptêmes et sépultures.— [D.-A. Lemire-Marsolais, dite Sainte-Henriette, et] Thérèse Lambert, dite Sainte-Marie-Médiatrice, Histoire de la Congrégation de Notre-Dame (11 vol. en 13 parus, Montréal, 1941-  ), 8 : 177 ; 9 : 234–241.— Pouliot, Mgr Bourget et son temps, 3.

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Andrée Désilets, « HUOT, MARIE-FRANÇOISE, dite Sainte-Gertrude », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/huot_marie_francoise_7F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
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