HUNTER, sir MARTIN, officier et administrateur colonial, né le 7 septembre 1757 à Medomsley, Angleterre, fils de Cuthbert Hunter et d’Anne Nixon ; le 13 septembre 1797, il épousa Jean Dickson, et ils eurent sept fils et quatre filles ; décédé le 9 décembre 1846 à Antons Hill, domaine écossais dont sa femme avait hérité.

Martin Hunter fit ses études élémentaires à Allendale, dans le domaine paternel, et à Newcastle upon Tyne. En 1771, on le nomma enseigne dans le 52nd Foot ; on l’envoya ensuite dans le Hampshire, chez le lieutenant général John Clavering, et il fréquenta l’école à Bishop’s Waltham. Deux ans plus tard, ce garçon de 16 ans, petit pour son âge, rejoignit son régiment à Québec, puis le suivit à Boston en 1774.

Hunter se trouvait à Lexington lorsque, le 19 avril 1775, eut lieu la fusillade qui déclencha la guerre entre Britanniques et Américains. Pendant les trois années qui suivirent, peu de soldats sans doute se trouvèrent aussi souvent que lui sur le théâtre des opérations. Présent à Bunker Hill le 17 juin, il devint lieutenant le lendemain, et pourtant il n’avait pas encore 18 ans. Après l’évacuation de Boston en mars 1776, il passa quelque temps à Halifax puis alla à New York. Par la suite, il servit surtout dans l’infanterie légère. Il assista à la débandade des Américains à Brooklyn le 27 août 1776 puis participa à l’assaut du fort Washington (New York) et à la poursuite jusqu’au Delaware. Le 11 septembre de l’année suivante, il prit part à la bataille de Brandywine, en Pennsylvanie ; dix jours plus tard, à Paoli, il fut blessé au côté au cours d’une attaque surprise à la baïonnette contre les Américains. Au début d’octobre, à Germantown, l’infanterie légère subit des pertes si lourdes que peu de temps après, à l’âge précoce de 20 ans, Hunter devint capitaine. À l’automne de 1778, après que les Britanniques eurent quitté Philadelphie pour battre en retraite jusqu’à New York, il rentra en Angleterre. Le 52nd Foot avait passé 16 ans en Amérique du Nord et le nombre de ses officiers et hommes tués ou blessés au cours de la guerre d’Indépendance américaine dépassait celui de tout autre régiment.

En 1783, Hunter quitta la Grande-Bretagne pour entreprendre dix années de service en Inde. Il participa à plusieurs engagements au cours de la guerre du Mysore : ainsi il commandait le 52nd Foot au moment de l’attaque de nuit décisive lancée en février 1792 contre le camp retranché du sultan Tippoo Sahib, sous les murs de Seringapatam ; on lui attribua alors le mérite d’avoir empêché la capture du commandant en chef, lord Cornwallis. En outre, il fut grièvement blessé au cours d’une des charges de son régiment.

Hunter avait déjà reçu le grade de major du 91st Foot avant cette bataille ; le 19 juillet 1794, une fois de retour en Angleterre, on le promut lieutenant-colonel. Par la suite, son ascension fut constante. Au début de 1797, muté au 60th Foot, il commanda une brigade à la prise de Trinidad et au siège de Porto Rico. Peu après son mariage en 1797, il joignit les rangs du 48th Foot et l’accompagna à Gibraltar. En 1800, il commanda ce régiment au siège de Malte. Il séjourna de nouveau aux Antilles en 1801 mais rentra en Angleterre tôt l’année suivante, car le traité d’Amiens avait rendu la Martinique à la France.

En juin 1803, en récompense de ses remarquables états de service, on choisit Hunter pour devenir colonel du New Brunswick Fencibles, l’un des quatre régiments d’infanterie qu’on allait lever pour servir exclusivement en Amérique du Nord. En fait de solde, d’habillement, d’armes et d’équipement, ces unités allaient être sur le même pied que les régiments de ligne ; le colonel qui compléterait l’effectif de son régiment pouvait s’attendre à toucher des émoluments aussi intéressants que ceux des commandants de ces régiments. Arrivé au Nouveau-Brunswick à l’automne, Hunter organisa sans délai une vigoureuse campagne de recrutement afin d’attirer d’éventuelles recrues, cependant peu nombreuses en Amérique du Nord. Il obtint surtout du succès dans le Bas-Canada, qui lui fournit un plus fort contingent que les Maritimes. En Écosse, bon nombre d’hommes s’enrôlèrent aussi. Passé en revue en octobre 1805, le régiment, fort de près de 600 hommes, était porté à l’effectif depuis le 25 juin précédent. Cinq ans plus tard, il se vit octroyer le statut de régiment de ligne et devint le 104th Foot. Sous ce nom, il allait se distinguer dans le Haut-Canada en 1813 et 1814, après avoir effectué une marche dans la neige qui le conduisit jusqu’à Québec et qui est demeurée célèbre. Homme équanime, Hunter était plein d’initiative lorsqu’il s’agissait d’attirer des officiers compétents ou d’obtenir des hommes ; il manifestait beaucoup de dévouement et de sens pratique dans le règlement des affaires courantes. Il demeura colonel du 104th Foot jusqu’au licenciement de celui-ci, en mai 1817, et contribua largement à en faire une unité efficace.

Du point de vue militaire, le Nouveau-Brunswick était un district du commandement de la Nouvelle-Écosse, lui-même un district du commandement nord-américain. À titre d’officier le plus haut gradé de l’armée active dans la province, Hunter prit le commandement des troupes du Nouveau-Brunswick au départ du lieutenant-gouverneur Thomas Carleton*, en octobre 1803, et devint en même temps commandant en second du district de la Nouvelle-Écosse. Promu major général en 1805, il assuma le commandement à Halifax, à la mort du lieutenant général William Gardiner en 1806, et l’exerça jusqu’à l’arrivée de sir George Prevost* deux ans plus tard. De nouveau commandant à Halifax en 1808, pendant le séjour de Prevost aux Antilles, il rentra au Nouveau-Brunswick en avril 1809. Hunter retourna à Halifax en août 1811, après qu’on eut muté Prevost à Québec à titre de commandant des troupes d’Amérique du Nord. Il y demeura jusqu’au 16 octobre, date où sir John Coape Sherbrooke* vint assumer les fonctions de lieutenant-gouverneur et de commandant en chef du district de la Nouvelle-Écosse.

Quand, dans les derniers mois de 1807, l’attitude du gouvernement américain convainquit les Britanniques de l’imminence d’une déclaration de guerre, Hunter mobilisa une bonne partie de la milice du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. À la fin de mars 1808, il rapportait au ministère de la Guerre que, selon les renseignements les plus sûrs obtenus, « la guerre contre la Grande-Bretagne [était] décidée par [Thomas] Jefferson et son parti, qui [étaient] obnubilés par les Français et n’attend[aient] qu’un moment favorable pour déclencher les hostilités ». Il se sentit donc tenu de garder la milice sous les drapeaux jusqu’à ce que, en avril, l’arrivée de renforts commandés par Prevost mette fin à l’urgence de la situation. Dans le courant de l’été, Prevost lui remit des instructions qui « visaient à empêcher tout acte qu’on pourrait considérer comme hostile ». Il fallait en particulier prendre garde de ne pas disputer aux Américains la propriété de l’île Moose, dans la baie Passamaquoddy, car c’était un endroit utile pour les marchands de la Nouvelle-Angleterre qui étaient prêts à défier l’interdiction de leur gouvernement en commerçant avec les possessions britanniques. À cause du blocus napoléonien, la Grande-Bretagne avait un urgent besoin des produits américains qui pouvaient transiter par ses colonies.

À compter de 1803, une série de fonctionnaires temporaires avait assuré l’administration civile du Nouveau-Brunswick. On avait séparé les pouvoirs civil et militaire au départ du lieutenant-gouverneur Carleton, mais des instructions datées du 28 janvier 1808 les avaient réunis de nouveau. En tête de la liste des conseillers, on plaça Hunter, ou en son absence le commandant suppléant des troupes. Il succédait à Edward Winslow* et fut assermenté à titre de président du Conseil de la province le 24 mai 1808 ; sauf pendant ses deux séjours à Halifax, Hunter fit office de lieutenant-gouverneur jusqu’en juin 1812, mais sans toutefois en porter le titre. En 1811, le conseil pria le secrétaire d’État aux Colonies de le faire officiellement lieutenant-gouverneur, mais on lui refusa la sécurité et la dignité attachées à cette distinction parce que le gouvernement britannique ne pouvait ou ne voulait pas octroyer de pension à Carleton. Ce dernier conserva en effet le poste jusqu’à sa mort en 1817.

La tâche politique de Hunter fut aisée. En 1808, l’Assemblée était peu divisée par des débats partisans et les sessions législatives portaient uniquement sur les affaires courantes ou sur des questions de défense. La seule exception fut une loi qui, en 1810, accorda le droit de vote aux catholiques en remplaçant par une déclaration de loyauté le serment rigoureusement protestant imposé en 1791. Hunter ne fut probablement pas l’un des grands initiateurs de ce changement, mais il l’appuya presque certainement avec vigueur car, pour autant qu’il ait manifesté des préférences politiques, il penchait du côté des whigs.

Si l’économie connaissait un sérieux marasme à l’arrivée de Hunter au Nouveau-Brunswick en 1803, à son départ en 1812 elle était florissante. Entre-temps, une série de mesures adoptées par le gouvernement britannique avaient fait grimper la rentabilité des pêches et relancé la construction de navires marchands au long cours. Toutefois, l’économie avait bénéficié avant tout des efforts de la Grande-Bretagne pour s’assurer le bois nécessaire à sa flotte et à son marché intérieur. Une crise avait éclaté en 1807 par suite de l’embargo américain et du traité franco-russe qui empêchait presque tout à fait les Britanniques d’acheter du bois de la Baltique. Afin d’encourager les exportations coloniales, on soumit le bois des pays baltes à des droits qu’on n’élimina que deux ans après la fin des hostilités contre la France. Les marchands de bois de l’Amérique du Nord britannique furent prompts à profiter de cette occasion remarquable. Irrigué de nombreux cours d’eau et doté de havres suffisamment profonds, le Nouveau-Brunswick put accroître rapidement sa production : de 1807 à 1810, ses exportations triplèrent. En 1810, Hunter jugea nécessaire de faire pression auprès du ministère des Colonies en faveur d’un resserrement de la surveillance exercée sur l’abattage, mais aucune mesure ne fut prise avant plusieurs années.

Au cours de la session de 1812, l’Assemblée mit à la disposition du gouvernement £10 000 pour la défense de la province. Comme le revenu de l’année 1811 avait été environ deux fois moins élevé, ce geste semble indiquer combien Hunter était populaire, mais il n’eut pas le temps de dépenser la somme puisque le 15 juin George Stracey Smyth* le remplaça. Hunter avait été promu lieutenant général le 1er janvier et avait désormais un grade trop élevé pour son commandement mais aucun ami dans les hautes sphères du pouvoir pour lui en trouver un autre. Même s’il vécut encore 34 ans, il ne détint plus que des charges honorifiques. Devenu général en 1825, il reçut la grand-croix de l’ordre des Guelfes en 1832 et celle de l’ordre de Saint-Michel et de Saint-Georges en 1837.

En 1804, Mme Hunter avait rejoint son mari à Fredericton, qui n’était encore qu’un village d’environ 120 habitations. Jeune, vive, intelligente et enjouée, elle adorait la danse et les réceptions mais ne manquait ni de la grâce ni de la dignité qu’appréciaient ceux qui tenaient à un certain décorum de la part de l’épouse du président, première dame de la société provinciale. Siège du gouvernement et quartier général du régiment, Fredericton prit à l’époque des Hunter l’allure du chef-lieu d’un comté d’Angleterre, et les membres des grandes familles loyalistes, mêlés aux officiers britanniques, retrouvèrent avec enthousiasme les usages de la bonne société. Sir Martin Hunter était lui-même un bel homme à la carrure d’athlète qui aimait à se dépenser physiquement. Pendant son séjour dans les Maritimes, il fit quelques voyages étonnants pour un homme de son âge ; il lui arriva même de se rendre de Halifax à Saint-Jean par voie de terre pour s’assurer que les troupes pourraient emprunter ce trajet au besoin. Apparemment, il gagna l’estime tant de ses supérieurs que de ses subordonnés, même si Winslow doutait de sa connaissance des affaires civiles et croyait qu’il était « remarquablement hors de son élément dans une cour de la chancellerie ou dans un bureau des terres ». Dix-sept ans après sa mort, une vieille amie écrivit que jamais elle n’avait connu personne d’« aussi peu égoïste » tout en évoquant « son grand sens de l’honneur, sa scrupuleuse intégrité [...], sa modestie discrète, son habituelle délicatesse de manières [ainsi que] sa gentillesse et sa considération sincères pour tout son entourage ».

D. Murray Young

APC, MG 30, D1, 16 : 237–254.— APNB, RG 1, RS330, A6a ; RS333, A3–A5, RG 2, RS6, A.— PRO, CO 188/15- 18 ; 189/11 ; 324/67.— UNBL, MG H11.— The journal of Gen. Sir Martin Hunter, G.C.M.G., C.H., and some letters of his wife, Lady Hunter [...], Anne Hunter et Elizabeth Bell, édit. (Édimbourg, 1894 ; copie dactylographiée à la Saint John Regional Library, Saint-Jean, N.-B.).— N.-B., House of Assembly, Journal, 1808–1812 ; Legislative Council, Journal. [1786–1830], vol. 1, 1808–1812.—Winslow papers (Raymond).— Royal Gazette (Saint-Jean), 1808–1812.— APNB, « A new calendar of the papers of the House of Assembly of New Brunswick », R. P. Nason et al., compil. (3 vol., copie dactylographiée, Fredericton, 1975–1977), 1.— DNB.— G.-B., WO, Army list, 1771–1837.— D. R. Facey-Crowther, « The New Brunswick militia : 1784–1871 » (thèse de m.a., Univ. of N.B., Fredericton, 1965).— Hannay, Hist. of N.B.— Lawrence, Judges of N.B. (Stockton et Raymond).— MacNutt, New Brunswick.— W. A. Squires, The 104th Regiment of Foot (the New Brunswick Regiment), 1803–1817 (Fredericton, 1962).

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D. Murray Young, « HUNTER, sir MARTIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/hunter_martin_7F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
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