HERRING, JOHN, manufacturier et homme politique, né le 17 février 1818 dans le canton de Denmark, comté de Lewis, New York, fils de William Herring, brasseur, et de Cynthia Buck ; le 18 octobre 1842, il épousa à Brownville, New York, Pamelia Fowler, et ils eurent 11 enfants dont 5 atteignirent l’âge adulte ; décédé le 21 octobre 1896 à Napanee, Ontario.
Après avoir fréquenté l’école publique, John Herring, durant sa jeunesse, passait l’hiver à enseigner, et l’été à faire l’apprentissage du métier de constructeur. En 1841, il s’installa à Kingston, dans le Haut-Canada, où il travailla dans la construction pendant un an, avant de se fixer à Napanee. Au cours de sa longue carrière d’homme d’affaires, il participa à une multitude d’entreprises. En 1842, sans abandonner la production de potasse, de bois d’œuvre et de brique, il ouvrit une fonderie qui fabriquait des poêles et des charrues à soc d’acier. À titre d’entrepreneur, il construisit la West Ward Academy en 1863–1864. Actionnaire majoritaire de la Napanee Mills Paper Manufacturing Company en 1872, il fut le premier président de la Napanee Gas Company (formée en 1876) et le vice-président de la Compagnie de chemin de fer Napanee, Tamworth et Québec jusqu’en 1883.
Toutefois, c’est en fabriquant des instruments aratoires que Herring fit fortune. En 1852, il lança sa première moissonneuse, la Jersey Campaigner. En 1861, il fut l’un des premiers manufacturiers canadiens à obtenir de la firme Aultman, Miller and Company de l’Ohio le droit de fabriquer la Buckeye, une moissonneuse-faucheuse qui avait connu un succès immédiat aux États-Unis et qui allait dominer le marché nord-américain pendant toute la dernière partie du xixe siècle, époque de la faucheuse. La hausse remarquable du tarif douanier sur les instruments aratoires, qui passa de 17 % à 35 % entre 1874 et 1883, assura le monopole du marché aux manufacturiers canadiens et donna un bon coup de pouce à Herring et à d’autres, dont Hart Almerrin Massey. En 1881, son usine comprenait une immense fonderie et un atelier de trois étages ; elle produisait chaque année 200 moissonneuses et faucheuses ainsi qu’une gamme d’instruments aratoires. Herring avait des représentants dans tout l’est de l’Ontario et en Écosse, et il possédait aussi des entrepôts à Winnipeg. En 1882, d’après Alexander Hall Roe, un homme d’affaires de Napanee, cette entreprise et d’autres sources de revenu moins importantes lui assuraient une fortune d’au moins 200 000 $.
Herring est surtout connu pour avoir ouvert la première usine de verre à vitre en Ontario. Encouragé par l’augmentation du tarif douanier sur le verre en 1879 et sachant que le Canada ne produisait plus de verre à vitre à cette époque, il tenta cette année-là de recueillir 200 000 $ d’actions pour construire une usine à Napanee. Sa tentative échoua et, comme il ne parvenait pas non plus à obtenir une prime du conseil municipal, il décida de monter l’affaire seul. Après avoir visité plusieurs verreries américaines, il entreprit de construire, selon le Napanee Standard, une usine qui « réunissait les installations [...] de fabrication de verre les plus modernes ». Cette description était juste : l’usine comprenait un tout nouveau four à dix creusets importé de Pittsburgh en pièces détachées et, pour l’aplanissement des cylindres de verre incisés, un immense four à six dalles plus perfectionné que les fours à quatre dalles dont étaient généralement pourvues les verreries américaines. Pour la première fois au Canada, et probablement en Amérique du Nord, le recuit se faisait dans un four équipé d’un système révolutionnaire de structures en forme de tunnels par où on faisait passer les feuilles de verre pour les refroidir. Herring fit venir de Pittsburgh le maître verrier Julius Seigsworth et de Suisse l’ouvrier responsable des creusets ; en comptant les autres artisans, venus des États-Unis, de Belgique, de France et de Grande-Bretagne, l’usine comptait 75 employés durant la période où elle fonctionna à pleine capacité. Le grès, ingrédient de base dans la fabrication du verre, était acheminé à Napanee par train, à partir des carrières de la région de Lansdowne, en Ontario. Les fours consommaient 12 tonnes de charbon par jour et, en période de pointe, l’usine devait produire en moyenne de 800 à 900 boîtes de verre par semaine. Comme le Napanee Standard le nota le 12 novembre 1881, c’est le fils de Herring, James Emerson, qui dirigeait le bureau de l’entreprise.
La production commença le 14 novembre 1881 et se poursuivit durant deux saisons. La Napanee Glass Works fabriquait un verre à vitre de très bonne qualité ; pendant quelques temps, elle produisit peut-être aussi des bouteilles de médicaments. Grâce, notamment, à une bonne publicité et à des démonstrations dans des expositions importantes, le verre à vitre trouva facilement un marché. Pourtant, l’usine ferma ses portes en mai 1883. Pendant la première saison, les problèmes de production n’avaient pas cessé, si bien qu’on dut congédier Seigsworth pour incompétence et remplacer le chauffeur, venu de Pittsburgh, où l’on utilisait de l’anthracite, par un autre qui connaissait bien le charbon gras de New York employé à Napanee. De plus, les relations de travail étaient une source de problèmes constants, et Herring faisait face à un tout nouveau type d’employé : le verrier syndiqué, bien payé et itinérant. Les ouvriers de l’usine étaient sans aucun doute affiliés aux Window Glass Workers of America. Des témoignages oraux révèlent que, tout en étant un « agnostique déclaré », Herring préconisait ardemment la tempérance et se querellait avec les ouvriers qui buvaient à l’usine.
Cependant, la verrerie cessa de fonctionner en raison surtout d’une pénurie de capitaux : Herring fut incapable d’en obtenir d’investisseurs privés ou sous forme de primes municipales. En 1885, une délégation se rendit en Angleterre pour amasser des fonds mais en revint bredouille. Trois ans plus tard, Herring vendait la verrerie. Le Napanee Standard estima alors qu’il avait perdu 65 000 $ dans l’affaire.
La carrière politique de Herring jette un éclairage intéressant sur ses activités commerciales. Conseiller, président ou président adjoint du conseil municipal de Napanee pendant 24 ans, il affirmait n’avoir jamais laissé « la politique l’influencer dans les affaires municipales ». Par contre, ce sont des considérations commerciales qui le firent changer de parti politique. Réformiste militant, au moins à compter de 1860, il fut président de la Reform Association de sa circonscription en 1877–1878. En mars 1881, Roe, qui était tory, écrivait à sir John Alexander Macdonald : « Si nous pouvons faire démarrer une usine ici, les grits peuvent dire adieu à la circonscription. » Dès décembre, un mois après l’ouverture de sa verrerie, Herring était « converti » au parti conservateur. Avant le budget fédéral du 24 février 1882 qui précéda les élections, il multiplia les pressions, avec d’autres conservateurs de la région, pour faire augmenter le droit de douane sur le verre à vitre, notamment en menant des délégations à Ottawa et en faisant visiter la nouvelle usine de Napanee au ministre des Finances, sir Samuel Leonard Tilley. Le budget fit passer le taux du droit de douane à 30 % ; le lendemain, Roe écrivait à Macdonald : « Remerciements chaleureux de moi-même et de M. Herring pour le droit sur le verre – vous pouvez dormir en paix : Lennox est sûr. »
Après la fermeture de sa verrerie en 1883, John Herring continua de fabriquer des instruments aratoires. Cependant, la baisse du tarif douanier sur la machinerie agricole, en 1894, lui porta un dur coup, comme à bien d’autres manufacturiers canadiens. Il mourut en 1896, et son usine ferma huit ans plus tard. Apparemment à la demande de sa famille, qui fréquentait l’église anglicane de la ville, on l’enterra en ce lieu « sans le rituel funéraire autorisé et sans que le service ne soit tenu dans l’église ».
AN, MG 26, A.— EEC, Diocese of Ontario Arch. (Kingston), Mary Magdalene Church (Napanee), reg. of burials, 4 (1895–1928), 24 oct. 1896.— Lennox and Addington County Museum (Napanee), Lennox and Addington Hist. Soc. Coll., Napanee municipal council, minutes, 1863–1896.— Beaver (Napanee), 1895–1896, particulièrement 28 oct. 1896.— Monetary Times, 1879–1884.— Standard (Napanee), 1860–1885, particulièrement 29 oct., 12 nov. 1881.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 1 : 602–603.— Janet Holmes, « Glass and the glass industry », The book of Canadian antiques, D. B. Webster, édit. (Toronto, 1974), 268–281.— G. F. Stevens, Early Canadian glass (Toronto, [1961]), 70–79.— Antony Pacey, « A history of window glass manufacture in Canada », Assoc. pour l’avancement des méthodes de préservation, Bull. (Ottawa), 13 (1981), no 3 : 33–47.
James Albert Eadie, « HERRING, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/herring_john_12F.html.
Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique:
Permalien: | http://www.biographi.ca/fr/bio/herring_john_12F.html |
Auteur de l'article: | James Albert Eadie |
Titre de l'article: | HERRING, JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |