HENSON, JOSIAH, esclave fugitif, prédicateur méthodiste, auteur et fondateur du village de Dawn (près de Dresden, Ontario), né le 15 juin 1789 dans le comté de Charles, Maryland, de parents esclaves ; il épousa vers 1811 une esclave nommée Charlotte, qui mourut probablement en octobre 1852, et ils eurent au moins 12 enfants, puis, vers 1856, la veuve Nancy Gamble, Noire affranchie ; décédé le 5 mai 1883 à Dresden.

Josiah Henson reçut le prénom de son premier maître, le docteur Josiah McPherson, et le nom de l’oncle de celui-ci. D’après son autobiographie, seule source de renseignements que nous ayons touchant son enfance, Henson n’avait que cinq ans lorsque McPherson mourut. Il fut alors vendu à des maîtres moins cléments, d’abord à un tyran nommé Robb, puis, peu de temps après, à Isaac Riley, au service duquel il retrouva sa mère. Jeune homme, Henson fut « estropié pour la vie » par le surveillant blanc d’un voisin de son maître, qui lui cassa un bras et les deux omoplates. Serviteur loyal, il jouissait de la confiance de Riley et voyageait beaucoup pour le compte de celui-ci. En 1825, à la suite d’embarras pécuniaires, Riley décida d’envoyer ses esclaves à la ferme de son frère Amos, dans le Kentucky. Henson fut chargé de s’occuper des détails du voyage et, refusant une occasion de s’enfuir en Ohio, il mena le groupe à bon port. À l’âge de 18 ans, Henson s’était converti au christianisme après avoir entendu son premier sermon et, au cours des trois ans qu’il passa dans le Kentucky, il devint prédicateur méthodiste. En septembre 1828, sur les conseils d’un prédicateur méthodiste blanc, il profita d’une visite à son maître, dans le Maryland, pour prêcher à travers la région et gagner de l’argent afin de payer son affranchissement. Il arrangea le marché en 1829, mais fut trahi par son maître et envoyé la même année à La Nouvelle-Orléans pour y être vendu. Sauvé uniquement parce que son gardien, le fils de son maître, tomba malade au cours du voyage, ce qui les obligea à rentrer au Kentucky, Henson décida de s’enfuir, emmenant avec lui sa femme et ses quatre enfants. Après un long périple à travers l’Indiana et l’Ohio, ils prirent le bateau pour Buffalo et, de là, traversant la rivière Niagara, ils arrivèrent finalement au Haut-Canada, le 28 octobre 1830.

Henson travailla comme ouvrier agricole dans la région de Waterloo pendant environ quatre ans. Il lui arrivait de prêcher, et c’est aussi pendant cette période qu’il commença d’apprendre à lire. Puis, en 1834, ayant formé le projet de fonder une colonie entièrement composée de Noirs, il mena une douzaine de ses compagnons à Colchester, où ils louèrent des terres du gouvernement. Peu de temps après, le groupe fut exempté de redevances à cause d’une erreur dans l’attribution des lots ; Henson ne projetait pas de rester longtemps à cet endroit, mais à la suite de ce coup de chance les colons devaient y demeurer sept ans. C’est là que Henson fit la connaissance de Hiram Wilson, missionnaire envoyé par l’American Anti-Slavery Society en 1836 pour évangéliser la population noire du Canada. Aidé financièrement par l’ami de Wilson, James Cannings Fuller, quaker philanthrope de Skaneateles, dans l’état de New York, Henson décida d’établir une colonie noire plus structurée, où les esclaves fugitifs pourraient démontrer leur capacité de vivre libres. S’associant à Wilson et à un commanditaire (probablement Fuller), il acheta 200 acres de terre dans le canton de Dawn, Haut-Canada, « dans le seul but [... de servir] l’éducation mentale, morale et physique des Noirs du Canada, sans exclure les Blancs et les Indiens » ; il acheta aussi pour lui-même les 200 acres avoisinantes et y installa sa famille en 1842. Il bénéficiait de l’aide régulière de la Canada Mission, groupe composé au départ d’amis de Wilson résidant en Ohio, et, plus tard, de philanthropes du nord de l’état de New York.

Toute la vie et le travail de la communauté de Dawn tournaient autour du British-American Institute. Créé en 1842, cet institut était à l’origine une école de travaux manuels ouverte aux étudiants de tout âge. Il devait à la fois former des maîtres et assurer une éducation générale basée « sur une discipline globale et pratique, visant à développer l’être tout entier et à mettre le plus possible en valeur les qualités physiques, intellectuelles et morales des individus ». L’institut demeura le principal centre de la vie de Dawn tout au long de son existence.

Jusqu’en 1868, Henson fit régulièrement partie du comité exécutif de l’institut, qui non seulement dirigeait l’école, mais en plus gérait les fermes, le moulin, la scierie, la briqueterie et aussi la corderie que la communauté avait mis sur pied. Toutefois, il ne devint jamais officiellement le chef administratif de la colonie, fonction qui fut toujours réservée à un Blanc : d’abord Wilson (1842–1847), puis Samuel H. Davis, de l’American Baptist Free Mission Society (1850–1852) et, pour finir, John Scoble*, ancien secrétaire de la British and Foreign Anti-Slavery Society (1852–1868). Tout ce temps-là, cependant, Henson fit fonction de patriarche de Dawn et de porte-parole de la population noire du Canada, qui grossissait de plus en plus. À ces deux titres, il entreprit des tournées et récolta des fonds dans le Midwest américain, en Nouvelle-Angleterre et dans l’état de New York, entre 1843 et 1847, ainsi qu’en Angleterre, de 1849 à 1851 et en 1851–1852.

Henson se trouva aussi continuellement mêlé aux dissensions intestines qui troublèrent la vie de Dawn et aux enquêtes qui s’ensuivirent sur le fonctionnement et la gestion financière de l’institut. En 1845, William P. Newman fut nommé secrétaire du comité exécutif pour réorganiser l’administration. Il ne tarda pas à accuser le comité, y compris Henson, de mauvaise gestion. Bien que deux ans plus tard Henson fût disculpé lors d’un congrès tenu pour les Noirs à Drummondville (maintenant partie de Niagara Falls, Ontario), les administrateurs de l’institut déclarèrent, en 1848, l’ensemble du comité exécutif « inapte » à diriger les affaires de l’école. Par ailleurs, des enquêtes menées en Grande-Bretagne en 1849 et 1852 firent ressortir des faits équivoques, qui renforcèrent les doutes que l’on pouvait avoir quant à la compétence de Henson.

Une grande partie de ces tensions provenaient de conflits entre Henson, faisant fonction de chef spirituel et symbolique, et les administrateurs officiels. S’étendant à toute la communauté, ces dissensions déchirèrent la vie de Dawn et des villages noirs avoisinants. Elles expliquent la démission de Wilson en 1847, l’échec d’une tentative de direction collégiale de 1847 à 1850, de même que la courte durée du mandat de Davis. Même Scoble, qui demeura 16 ans à Dawn, s’opposa de plus en plus à Henson sur la question de la vente des biens de la communauté. Il sortit vainqueur des poursuites judiciaires qui s’ensuivirent. En 1868, après la fermeture de l’institut et le départ de Scoble de Dawn, les fonds de l’école servirent à fonder le Wilberforce Educational Institute, dans la ville voisine de Chatham. À partir de ce moment-là, la colonie se mit à décliner et, bien qu’Henson demeurât à Dresden jusqu’à sa mort, il perdit son rôle de leader de la communauté noire.

Henson avait publié en 1849 son autobiographie, qui fut rééditée et modifiée de nombreuses fois au cours de sa vie. Trois ans après la parution de la première édition, Harriet Elizabeth Beecher Stowe publia son roman en deux volumes Uncle Tom’s cabin ; or, life among the lowly (Boston et Cleveland, Ohio). Stowe reconnut avoir rencontré Henson et avoir lu son livre ; on en déduisit que ce dernier avait servi de modèle à l’auteur pour le personnage de l’oncle Tom. Pendant quelques années Henson fit des tournées de conférences, se présentant comme le « vrai oncle Tom ». En 1876, il retourna en Angleterre dans le but de trouver de l’argent pour subvenir à ses besoins, ses biens ayant été engloutis dans ses interminables démêlés avec Scoble. Il retourna aussi quelque temps au Maryland, en 1877–1878, dans son ancienne résidence d’esclave. Après cela, ses dernières années se passèrent dans la tranquillité.

Bien qu’il ait participé au mouvement antiesclavagiste des États-Unis, c’est l’œuvre qu’il accomplit à Dawn qui vaut à Josiah Henson la place qu’il occupe dans l’histoire du Canada. C’est là qu’il contribua de façon marquante au rôle joué par le Canada dans la croisade contre l’esclavage en Amérique du Nord.

William H. Pease et Jane H. Pease

L’autobiographie de Josiah Henson a paru sous le titre de : An autobiography of the Rev. Josiah Henson (« Uncle Tom » from 1789 to 1881 [...], John Lobb, édit. (éd. rév., London, Ontario, 1881 ; réimpr., introd. par R. W. Winks, Reading, Mass., 1969).

Amistad Research Center, Dillard Univ. (La Nouvelle-Orléans), American Missionary Assoc. papers.— Boston Public Library, Anti-slavery coll.— Kent County Land Registry (Chatham, Ontario), Records (mfm aux AO).— Massachusetts Hist. Soc. (Boston), G. E. Ellis papers, 1846 ; A. A. Lawrence papers, 1850–1851.— UWO, Fred Landon papers.— Canada Mission, Report (Rochester, N.Y.), 1844.— Colonial and Continental Church Soc., Mission to the Coloured Population in Canada, [Report] (Londres), 1867.— Report of the convention of the coloured population, held at Drummondville, Aug., 1847 (Toronto, 1847).— Scoble v. Henson (1861–1862), 12 U.C.C.P. : 65.— A side-light on Anglo-American relations, 1839–1858, furnished by the correspondence of Lewis Tappan and others with the British and Foreign Anti-Slavery Society, A. H. Abel et F. J. Klingberg, édit. (Lancaster, Pa., 1927).— British and Foreign Anti-Slavery Reporter (Londres), 1841, 1844, 1846, 1851–1852, 1856.— Liberator (Boston), 1842–1843, 1845, 1848, 1851–1852, 1858.— Massachusetts Abolitionist (Boston), 1841–1842.— National Anti-Slavery Standard (New York), 1841, 1851.— North Star (Rochester), 1846–1847, 1849, 1852, 1854.— Oberlin Evangelist (Oberlin, Ohio), 1845.— Planet (Chatham), 1859, 1861.— Provincial Freeman (Windsor, Toronto et Chatham), 1854–1855, 1857.— Voice of the Fugitive (Sandwich et Windsor, Ontario), 1851–1852.— DAB.— J. L. Beattie, Black Moses : the real Uncle Tom (Toronto, 1957).— J. H. Pease et W. H. Pease, Black Utopia : Negro communal experiments in America (Madison, Wis., 1963) ; Bound with them in chains : a biographical history of the antislavery movement (Westport, Conn., 1972), 115–139.— R. W. Winks, The blacks in Canada : a history (Montréal, 1971).

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William H. Pease et Jane H. Pease, « HENSON, JOSIAH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/henson_josiah_11F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
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