BIBB, HENRY WALTON, conférencier, auteur, éditeur et journaliste, né le 10 mai 1815 dans le comté de Shelby, Kentucky, fils de James Bibb et de l’esclave Milldred Jackson ; en 1833, il épousa une prénommée Malinda, et ils eurent deux enfants dont l’un mourut en bas âge, puis en juin 1848 Mary Elizabeth Miles, quakeresse de Boston ; décédé le 1er août 1854 à Windsor, Haut-Canada.

Henry Walton Bibb, né en esclavage, travailla pour au moins trois maîtres dans le Kentucky et en Louisiane. Il tenta plusieurs fois de s’enfuir. À l’occasion d’une de ces tentatives, il passa quelques mois au Canada en 1838, mais lorsqu’il retourna dans le Kentucky avec l’espoir de libérer sa première femme et sa fille, il fut pris et vendu à un groupe de joueurs. Finalement, il se rendit seul à Detroit en décembre 1840. Dans cette ville, il se joignit au mouvement antiesclavagiste et parcourut le Michigan, l’Ohio et les États du Nord-Est en prononçant des conférences sur les maux de l’esclavage. En 1850, deux ans après son mariage avec Mary Elizabeth Miles, qui était membre de l’Anti-Slavery Society de Boston, l’adoption du Fugitive Slave Act par le Congrès américain le força à traverser la rivière de Detroit avec sa femme et à s’établir à Sandwich, dans le Haut-Canada. Il fit le récit détaillé de ses années d’esclavage et de ses tentatives d’évasion dans une autobiographie qui parut la même année à New York.

C’est à Sandwich, le 1er janvier 1851, que Bibb entreprit de faire paraître le Voice of the Fugitive, le premier journal du Haut-Canada qui soit dirigé par un Noir et destiné aux Noirs. Journal bihebdomadaire, le Voice of the Fugitive s’attaqua résolument aux préjugés raciaux et préconisa l’abolition immédiate et universelle de l’esclavage, ainsi que l’intégration complète des réfugiés noirs à la société canadienne par les moyens de la tempérance, de l’éducation et de l’agriculture. Le journal rejetait l’annexion aux États-Unis en raison de l’esclavage pratiqué dans ce pays et s’opposait absolument à la création d’écoles séparées pour les Noirs, comme le permettait l’Acte pour mieux établir et maintenir les écoles communes dans le Haut-Canada, adopté en 1850 ; Bibb estimait, en effet, que l’avenir des Noirs au Canada dépendait de leur intégration à l’ensemble de la communauté. Au contraire de son homologue le Provincial Freeman, publié par Samuel Ringgold Ward* et Mary Ann Shadd*, le Voice of the Fugitive avait une grande admiration pour Josiah Henson*, patriarche et leader quelque peu controversé d’anciens esclaves réfugiés dans le Haut-Canada.

Bibb fut également l’un des fondateurs et administrateurs de la Refugee Home Society, organisme voué à l’établissement des Noirs et mis sur pied à Detroit en mai 1851 pour aider à satisfaire les besoins des quelque 25 000 à 35 000 esclaves fugitifs vivant au Canada. Cette société, financée par des dons provenant de groupes antiesclavagistes des États-Unis et du Canada, achetait de la Canada Company des terrains faisant partie de divers lots situés à Maidstone, à Puce, à Belle River et ailleurs dans la région de Windsor. Elle les revendait aux réfugiés noirs qui n’avaient pas de biens personnels et ne disposaient pas des ressources nécessaires pour conclure eux-mêmes l’achat. Chaque colon recevait 25 acres, dont 5 devenaient gratuites si la terre était cultivée en moins de trois ans, et le reste devait être payé en neuf versements. Tous les profits réalisés sur la vente des terrains devaient être investis par la société dans l’achat de nouveaux terrains, la construction d’écoles et le salaire des enseignants. En janvier 1852, le Voice of the Fugitive devint l’organe officiel de la société afin de faire connaître sa constitution et ses règlements et de rendre compte régulièrement de ses activités.

Mais cet organisme ne recevait pas l’appui unanime du groupe des Noirs. À peine quelques mois après sa reconnaissance juridique, Mary Ann Shadd et ses partisans dénoncèrent la pratique de la société de « mendier » de l’argent et des vêtements auprès des associations philanthropiques canadiennes et américaines. Les adversaires de la société reprochaient également aux administrateurs leur incompétence en matière de gestion, l’utilisation frauduleuse des fonds à des fins personnelles et le marchandage des terrains au profit de spéculateurs fonciers de Detroit. Néanmoins, avec le concours de l’American Missionary Association, la société connut un modeste succès, puisqu’elle réussit à établir 150 réfugiés avant d’être dissoute à la fin de la guerre civile.

Bibb prit également une part active au mouvement antiesclavagiste au Canada. À Toronto, le 11 septembre 1851, il fut élu président de la North American Convention of Colored Freemen, assemblée générale de délégués venus d’Angleterre, de la Jamaïque, des États américains antiesclavagistes et du Haut-Canada. Le congrès fut tenu afin de raviver la lutte publique et constitutionnelle contre l’esclavage aux États-Unis, d’inciter les esclaves noirs à se réinstaller au Canada et de rassembler tous les Noirs d’Amérique du Nord au sein d’un syndicat agricole assez fort pour faire modifier les lois. Un an plus tard, soit le 21 octobre 1852, Bibb fut élu président de la Windsor Anti-Slavery Society, filiale de la société mère torontoise.

À partir de juin 1852, Henry Walton Bibb eut un assistant à la rédaction, James Théodore Holly, ce qui lui permit de reprendre ses activités régulières de conférencier ; il fit connaître le travail de la Refugee Home Society et sollicita des abonnements à son journal. Le Voice of the Fugitive continua de paraître jusqu’au 9 octobre 1853, date à laquelle un incendie détruisit l’imprimerie de Bibb. Par la suite, celui-ci publia un bulletin d’une page jusqu’à sa mort qui survint prématurément à Windsor, le 1er août 1854.

John K. A. O’Farrell

Henry Walton Bibb est l’auteur de deux brefs comptes rendus de soulèvements d’esclaves intitulés Slave insurrection in 1831, in Southampton County, Va., headed by Nat Turner ; also, a conspiracy of slaves, in Charleston, South Carolina, in 1822 (New York, 1849) et Slave insurrection in Southampton County, Va., headed by Nat Turner, with an interesting letter from a fugitive slave to his old master : also a collection of songs for the tunes (New York, 1850). L’autobiographie de Bibb, Narrative of the life and adventures of Henry Bibb, an American slave [...], publiée en 1850 à New York avec une introduction de Lucius D. Matlack, fait partie d’une collection intitulée Puttin’ on ole massa : the slave narratives of Henry Bibb, William Wells Brown, and Solomon Northup, Gilbert Osofsky, édit. (New York, 1969), 51–171. Bibb publia aussi une seconde anthologie de chansons antiesclavagistes, The anti-slavery harp (Windsor, Ontario, 1852), mais il n’existe plus aucun exemplaire de cet ouvrage. Une photographie de Bibb que possède l’Ontario Dept. of Travel and Publicity est reproduite à la page 201 de l’étude de D. G. Hill citée plus loin.  [j. k. a. o’f.]

Arch. privées, Alvin McCurdy (Amherstburg, Ontario), Research notes ; D. G. Simpson (London, Ontario), Research notes.— Liberator (Boston), 4 mars 1853, 11 août 1854.— Provincial Freeman (Toronto), 12 août 1854.— Voice of the Fugitive (Windsor), 1er janv. 1851–oct. 1853.— D. G. Hill, The freedom-seekers : blacks in early Canada (Agincourt [Toronto], 1981).— A. L. Murray, « Canada and the Anglo-American anti-slavery movement : a study in international philanthropy » (thèse de ph.d., Univ. of Pa., Philadelphie, 1960).— J. K. A. Farrell [O’Farrell], « The history of the negro community in Chatham, Ontario, 1787–1865 » (thèse de ph.d., Univ. of Ottawa, 1955).— W. H. Pease et J. H. Pease, Black Utopia : negro communal experiments in America (Madison, Wis., 1963).— D. G. Simpson, « Negroes in Canada from early times to 1870 » (thèse de ph.d., Univ. of Western Ontario, London, 1971).— J. W. St G. Walker, « On the other side of Jordan » : the record of Canada’s black pioneers, 1783–1865 » (communication faite devant la SHC, London, 1978).— R. W. Winks, The blacks in Canada : a history (Montréal, 1971).— Fred Landon, « Henry Bibb, a colonizer », Journal of Negro Hist. (Washington), 5 (1920) : 437–447 ; « The negro migration to Canada after the passing of the Fugitive Slave Act » : 22–36 ; « The work of the American Missionary Association among the negro refugees in Canada West, 1848–64 », OH, 21 (1924) : 198–205.— Alvin McCurdy, « Henry Walton Bibb », Negro Hist. Bull. (Washington), 22 (1958) : 19–22.

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John K. A. O’Farrell, « BIBB, HENRY WALTON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/bibb_henry_walton_8F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
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