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HATHEWAY, WARREN FRANKLIN, commis, teneur de livres, homme d’affaires, auteur, réformateur social et homme politique, né le 16 septembre 1850 à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, fils de Thomas Gilbert Hatheway et de Harriet E. Bates ; le 28 février 1880, il épousa à Dedham, Massachusetts, Elizabeth Elsom Green, puis le 19 février 1883, à Saint-Jean, Ella Bertha Marven, et ils eurent deux filles ; décédé dans cette ville le 29 octobre 1923.
Warren Franklin Hatheway appartenait à une famille bien ancrée dans les cercles sociaux, commerciaux et politiques du Nouveau-Brunswick. Son arrière-grand-père paternel avait commandé des troupes loyalistes pendant la Révolution américaine. Son grand-père Calvin Luther Hatheway* était l’auteur d’une histoire de la province parue en 1846. Son cousin George Luther Hatheway* exerça la fonction de premier ministre provincial en 1871–1872. Toutefois, la mort de son père en 1855 et celle de son frère Charles E. en 1863 privèrent la famille de cette belle situation. « Soudain, rappellerait-il, nous nous rendîmes compte que nous étions assez pauvres […] et sans tarder [je] décidai d’aller travailler. » À l’âge de 13 ans, il quitta l’école et trouva une place de commis au bureau de la compagnie de vapeurs Union Line, dont son frère Thomas était l’un des directeurs. En 1868, il fut engagé par un grossiste en alimentation dont il était parent par alliance, William Wallace Turnbull*, chez qui il devint teneur de livres. Ces expériences de jeunesse lui permirent de connaître le lot des classes laborieuses et le préparèrent à ouvrir sa propre épicerie.
Pendant qu’il travaillait chez Turnbull, Hatheway se consacra à l’amélioration de sa culture personnelle. Il étudia les classiques latins afin d’acquérir de l’éloquence et apprit le français, l’espagnol et l’allemand. En outre, il commença à publier dans la presse de Saint-Jean : des traductions de Chateaubriand dans le Stewart’s Literary Quarterly Magazine [V. George Stewart*], des vers sous les pseudonymes de Carey et Philip de même que des articles signés O. M. dans le Globe. Avec une poignée de jeunes gens, il fonda un cercle de débats littéraires, le Round Table Club, un des ancêtres du Fortnightly Club. Il s’initia à la guitare et, même s’il fréquenta toute sa vie l’église anglicane St John (Stone), fut chantre à l’église baptiste Germain Street. En plus, il appartint au 62nd (Saint John) Battalion of Infantry, où il obtint le grade de capitaine en 1872.
L’incendie qui ravagea Saint-Jean en juin 1877 amena Hatheway à réorienter sa carrière. Il démissionna de chez Turnbull avant la fin de l’année et, le 1er janvier 1878, fonda une entreprise d’alimentation avec James Spurr Harding. Spécialisée dans le commerce du sucre, de la farine, du poisson et du thé (elle fut l’une des premières au Canada à en importer directement de Chine), l’affaire prospéra au point de valoir plus de 20 000 $ lorsque Hatheway et Harding mirent fin à leur association, en 1887. À compter de ce moment, Hatheway la dirigea seul. Dès 1895, quatre commis voyageurs parcouraient les Maritimes pour son compte. À partir de 1887, il intéressa ses employés aux bénéfices. En 1908, quand il transforma son entreprise en société à responsabilité limitée, il autorisa plusieurs d’entre eux à en détenir des actions.
L’année 1877 marqua aussi l’éveil de la conscience politique de Hatheway. « Le nouveau Canada me séduisait », affirma-t-il dit. Peut-être tout autant par respect pour son ami Samuel Leonard Tilley* que pour des motifs patriotiques et économiques, il adhéra à la politique protectionniste du gouvernement conservateur de sir John Alexander Macdonald*, en laquelle il voyait un moyen d’améliorer le sort des travailleurs. Dès lors, il resterait foncièrement conservateur, sans pour autant sacrifier ses convictions personnelles à la discipline du parti. En 1896, parce que le gouvernement de sir Charles Tupper* avait accordé sa préférence à Halifax plutôt qu’à Saint-Jean quant à l’emplacement du terminus d’un service rapide de courrier transatlantique inauguré peu de temps auparavant, il rompit avec les conservateurs. Il rejoindrait leurs rangs en 1901, mais, entre-temps, il découvrirait la liberté de défendre ses idées socialistes.
Ainsi, en 1900, dans un opuscule intitulé Poorhouse and palace, Hatheway préconisa un impôt progressif dont seraient exemptés les citoyens ayant un revenu annuel inférieur à 800 $ (par la suite, pour gagner des adeptes, il fixa la somme à 600 $, puis à 400 $). Il manifesta aussi ses tendances socialistes en se faisant l’instigateur de la fondation de la Fabian League de Saint-Jean. Créée en avril 1901, cette ligue encourageait la discussion de problèmes économiques, en particulier des questions touchant la population ouvrière. Ce n’était pas une organisation politique, mais une carte publiée par la ligue dans le courant de la même année donne le résumé d’un programme conforme aux idées politiques de Hatheway. Les fabiens prônaient l’étatisation des services ainsi que celle des richesses naturelles qui risquaient d’être monopolisées par des intérêts privés. Ils formèrent un conseil d’arbitrage pour faciliter les négociations entre employés et employeurs. Hatheway continuerait de soutenir leurs objectifs après son élection à l’Assemblée législative en 1908.
Comme la politique l’occupait de plus en plus, Hatheway s’était porté candidat dans la circonscription de la ville de Saint-Jean aux élections provinciales de 1903 sous la bannière ouvrière. Sa défaite, selon G. H. Allaby , lui avait fait « voir l’avantage tactique de jouer le jeu de manière plus conventionnelle ». En 1908, il s’était donc présenté dans Fredericton comme candidat de l’opposition officielle (conservatrice) en s’assurant du soutien des ouvriers. À titre de député de cette circonscription, il se battrait, la plupart du temps sans succès, pour des réformes radicales. Malgré l’opposition vigoureuse de certains membres de son parti, alors au pouvoir sous la direction de John Douglas Hazen*, il parvint à faire modifier le Workmen’s Compensation for Injuries Act (loi adoptée en 1903 sous le parrainage de William Pugsley) de manière qu’y soit inscrit le principe selon lequel les employeurs étaient responsables des blessures subies par un travailleur à cause de la négligence ou de l’incompétence de ses collègues. Les concessions qu’il fit pour obtenir ce résultat lui coûtèrent l’appui d’un certain nombre de syndicalistes et de réformateurs, mais il le reconquit en 1910 en persuadant le gouvernement de se doter d’un organisme qui contrôlerait les conditions de travail dans l’ensemble de la province. Deux ans plus tard, il contribua fortement à l’adoption des modifications gouvernementales grâce auxquelles les normes pour lesquelles il avait combattu en 1908 furent intégrées à la loi sur l’indemnisation des accidentés du travail. Par contre, il échoua dans sa lutte en faveur d’autres causes tout aussi importantes, notamment le droit de vote des veuves et des femmes célibataires détenant une propriété ou ayant un revenu annuel d’au moins 400 $. Sa seconde femme, Ella Bertha Marven, militante du suffrage féminin et cofondatrice de la Women’s Enfranchisement Association à Saint-Jean [V. Emma Sophia Skinner*], le soutenait dans cette campagne. En outre, tous deux contribuèrent à l’établissement d’un premier jardin d’enfants à Saint-Jean.
Avec le temps, Warren Franklin Hatheway cessa d’être à l’avant-garde : en 1910, on pouvait constater que les éléments réformateurs de la province adhéraient à ses idées radicales. Après avoir décidé de ne pas briguer les suffrages aux élections de 1912 – peut-être parce que le gouvernement de James Kidd Flemming lui avait refusé le poste de premier commissaire du travail –, il continua d’écrire sur une variété de sujets liés à la connaissance de soi et du monde environnant. Il recherchait un ordre économique, politique et social qui rendrait le Canada fort. Rarement remarqués au Nouveau-Brunswick, ses livres reçurent quelques critiques élogieuses sur le plan national. En 1917, il donna un terrain de 83 acres aux travailleurs de Saint-Jean, preuve tangible de l’amour de la nature et de l’engagement envers les ouvriers dont témoignent ses écrits. Il mourut d’une crise d’apoplexie six ans plus tard.
Les publications de Warren Franklin Hatheway comprennent notamment les suivantes : un petit livre de poèmes paru sous le pseudonyme R. Belmont et sous le titre God and the doubter ; At Partridge Island ; Sunset on Nerepis River ; and other verses ([Saint-Jean, 1896]), ainsi que plusieurs opuscules et livres publiés sous son nom : Canadian nationality ; The cry of labor ; and other essays (Toronto, 1906) ; The reciprocity agreement : its effect on New Brunswick ([Saint-Jean], 1911) ; Injustice to New Brunswick : a few facts for thoughtful, impartial, liberal Liberals (s.l., [1908 ?] ; exemplaire au New Brunswick Museum, Saint-Jean) ; Mr. W. Frank Hatheway’s speech in support of the more complete education for the mechanic and farmer, given in the House of Assembly, Fredericton, N.-B., 19 mars, 1912 ([s.l., 1912]) ; Why France lost Canada, and other essays and poems (Toronto, 1915) ; Trade after the war : a resume of trade conditions in France, Italy and Great Britain before 1915, with suggestions as to expansion of Canada’s trade after the war ([Saint-Jean, 1917]) ; et Labor’s just and reasonable demands : [...] should not these demands be granted ? A review of what Australia and other countries have done, and what Canada must do (Saint-Jean, 1919). Une sélection de ses écrits édités par James Keith Chapman a paru sous le titre Hair from a black stallion’s tail (Fredericton, 1986) ; cette édition a été réimprimée, sans la photo de Hatheway en frontispice, sous le titre Frank Hatheway’s highways & byways : tales from 19th century wanderings in New Brunswick, the Gaspe, and Cape Breton (Fredericton, 1986). Hatheway a aussi écrit des articles pour plusieurs périodiques, dont l’Atlantic Monthly (Boston), le Canadian Magazine (Toronto), la Contemporary Rev. (Londres et New York), l’Empire Rev. (Londres), et le New England Magazine (Boston).
Les documents manuscrits et les archives concernant Hatheway comprennent une autobiographie dactylographiée conservée à l’Univ. of N.B. Library, Arch. and Special Coll. Dept., Fredericton, ainsi qu’un dossier de documents sur les activités de Hatheway dans la milice et de la documentation biographique conservés au Musée du Nouveau-Brunswick (Hatheway, W. F., cb doc). Le mariage de Hatheway avec Elizabeth Elsom Green est enregistré dans l’International geneal. index of the Church of Jesus Christ of Latter-day Saints, Geneal. Soc. (Salt Lake City, Utah), mais on n’a trouvé aucune autre référence à son sujet.
Une excellente nécrologie et un bon éditorial ont paru dans le Saint John Globe du 30 oct. 1923 : 2, 4. Les principales autres sources biographiques sont l’article sur Hatheway dans Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912) et le résumé de Chapman dans Hair from a black stallion’s tail, 41–50. On trouve une critique de l’œuvre d’Hatheway dans G. H. Allaby, « New Brunswick prophets of radicalism, 1890–1914 » (mémoire de m.a., univ. du N.-B., 1972), 86–123.
Peter J. Mitham, « HATHEWAY, WARREN FRANKLIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/hatheway_warren_franklin_15F.html.
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Auteur de l'article: | Peter J. Mitham |
Titre de l'article: | HATHEWAY, WARREN FRANKLIN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
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