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HARVEY, MOSES, ministre presbytérien, essayiste, historien et naturaliste, né le 21 mars 1820 à Armagh (Irlande du Nord), d’ascendance écossaise, fils du révérend James Harvey et de Jane Holmes ; le 7 juillet 1852, il épousa à Cockermouth, Angleterre, Sarah Anne (Jessie) Browne, et ils eurent trois fils ; décédé le 3 septembre 1901 à St John’s.
Moses Harvey fit ses études au Royal Academical Institute de Belfast et fut ordonné en 1841. Il desservit l’église presbytérienne John Street à Maryport, en Angleterre, où son jeune frère William lui succéda. Répondant à l’invitation d’une assemblée de fidèles terre-neuviens, lui-même et sa femme, Sarah, arrivèrent à St John’s le 4 octobre 1852. Durant 26 ans, il allait exercer son sacerdoce avec compétence à l’église libre St Andrew.
Harvey était un homme aux dons d’une exceptionnelle richesse. Bientôt, on se pressa pour entendre cet éminent prédicateur dont les sermons, « soigneusement préparés, élégants et raffinés », constituaient « une source continuelle d’attraction et d’inspiration », et la fréquentation de son église s’accrut. Depuis 1845, St John’s comptait deux congrégations presbytériennes, l’une sous l’autorité de l’Église d’Écosse et l’autre sous celle de l’Église libre. Dans les années 1870, elles prirent des mesures en vue de s’unir. Harvey était tout à fait d’accord avec le projet, mais de l’avis de bien des gens, son propre succès compliquait la fusion. Celle-ci eut finalement lieu en 1877, après que des incendies eurent détruit les deux temples. Harvey démissionna la même année. Pourquoi ? Les sources ne sont pas unanimes à ce sujet. L’éminent historien Daniel Woodley Prowse* attribuait sa décision au fait que sa voix baissait ; d’autres, à des difficultés d’audition. Il accepta une rente viagère et remplit la charge de ministre émérite jusqu’à l’année suivante. Lorsque Leander George Macneill, le premier titulaire permanent des deux congrégations réunies, prit sa retraite à la fin de 1886, Harvey le remplaça pour six mois.
Moses Harvey acquit une grande renommée à titre de conférencier. En 1861, il avait fondé, avec Prowse, le St John’s Athenaeum, qui se vouait à la diffusion des connaissances scientifiques et littéraires. Du haut de la chaire ou de la tribune, il prononça des conférences sur les sujets les plus divers. Le plus souvent, ses choix attestaient son attachement à son pays d’adoption, et il se montrait si renseigné qu’on le considère comme l’un des plus grands publicistes de Terre-Neuve. Il était aussi un auteur prolifique. Ses essais et ses chroniques régulières, parfois signées du pseudonyme Delta, dont pas moins de 900 parurent dans la Gazette de Montréal, rempliraient de nombreux volumes.
L’histoire naturelle de Terre-Neuve était l’un des sujets de prédilection de Harvey. Lorsqu’on tira la tentacule d’un calmar géant des eaux de la baie Conception, en octobre 1873, c’est lui qui en hérita, car on savait qu’il s’y intéresserait. Le pasteur de Portugal Cove incita le jeune Tom Piccott à la lui apporter. Harvey dit-il, était « fou de toutes sortes de bêtes et poissons étranges ». Grâce à ce spécimen, et à un calmar trouvé intact dans la baie Logy le mois suivant, Harvey put présenter aux zoologues britanniques et américains la preuve que ces céphalopodes géants existaient bel et bien. Quelques années plus tard, il rappelait : « J’étais désormais le possesseur de l’une des curiosités les plus rares de tout le règne animal – la véritable tentacule de la mante jusqu’à présent mythique dont l’existence était depuis des siècles un objet de disputes entre naturalistes. Je savais que je tenais dans ma main la clef du grand mystère et que l’Histoire naturelle allait s’enrichir d’un nouveau chapitre. » Au moins un dixième de ses essais traitent de ce calmar, qui porta en son honneur le nom d’Architeuthis Harveyi jusqu’à ce que le taxon soit modifié conformément aux règles internationales de nomenclature zoologique, dans les années 1960.
Par ailleurs, Harvey se plaignait que les flottes étrangères de pêche fréquentaient trop le Grand Banc : « [Cet endroit] est très prisé pour sa morue, disait-il, et par conséquent, toutes les nations européennes viennent y pêcher. » En 1887, le gouverneur en conseil forma une commission des pêches dont Harvey était secrétaire, fonction qu’il remplit aussi à la commission permanente créée deux ans plus tard [V. Augustus William Harvey ; Adolph Nielsen]. Dans son long rapport qui parut à Londres en 1895 dans A history of Newfoundland [...] de Prowse, il déplorait le déclin « alarmant » que cette pêche avait connu avant que la commission n’entreprenne ses travaux, faisait état des progrès accomplis et prônait la culture d’espèces comestibles. Extrêmement sévère à l’endroit de la méthode employée pour la chasse au phoque, il déplorait que les « cristallins remparts » de glace qui furent, naguère, d’heureuses nurseries pour les femelles qui mettaient bas, soient devenus des abattoirs. Il était cependant en faveur de la chasse elle-même qui, concluait-il, « resterait l’une des sources de [la] richesse nationale ».
Dans sa première communication à la Société royale du Canada, Harvey avait prôné l’établissement d’un laboratoire de recherche marine de classe mondiale à Terre-Neuve. En 1893, la société confia donc à un comité, présidé par George Mercer Dawson, le mandat d’étudier toute la question. Edward Ernest Prince*, commissaire des pêches du Canada, préconisait aussi la fondation d’une station de ce genre. En 1898, grâce aux efforts conjugués de la Société royale du Canada et du département de la Marine et des Pêcheries, on installa une station flottante dans le golfe du Saint-Laurent. C’était l’ancêtre du Conseil de recherche sur les pêcheries du Canada, et de toute évidence, Moses Harvey en avait été l’un des grands artisans.
Harvey reçut plusieurs distinctions pour ses travaux. La Royal Geographical Society l’accueillit parmi ses membres en 1886. La Société royale du Canada fit de même cinq ans plus tard. En cette occasion, la Gazette de Montréal nota que la qualité de membre de la Société royale du Canada étant « généralement réservée aux meilleurs, aux plus brillants hommes du dominion, [c’était] un honneur remarquable qu’elle [fût] accordée à un citoyen de Terre-Neuve ». Toujours en 1891, la McGill University lui décerna, en son absence, un doctorat en droit. De plus, il était membre honoraire de la New England Historie Genealogical Society et membre correspondant du Nova Scotian Institute of Science.
Bien qu’il ait été un ardent partisan de la cause de Terre-Neuve, Harvey était persuadé que l’avenir de la colonie résidait dans la Confédération. Dans ses nombreux livres et articles sur Terre-Neuve, il mettait l’accent sur ses richesses naturelles et sa position stratégique entre l’ancien et le nouveau monde. En 1869, il proclama : « Par bonheur pour elle, Terre-Neuve est enfin convaincue qu’il est dans son intérêt de se joindre au dominion du Canada, et selon toutes probabilités, l’union sera consommée dans quelques mois à peine. » Ironiquement, ces mots furent écrits à la veille d’un scrutin où les partis confédérateurs subirent une cuisante défaite [V. sir Frederic Bowker Terrington Carter*].
Tout au long de sa retraite, Moses Harvey habita et écrivit au 3, Devon Row, à St John’s. C’est là que sa femme mourut en 1900, apparemment de complications reliées au diabète. Problèmes familiaux, insomnie, solitude et dépression marquèrent la dernière année de Harvey. On ne sait pas exactement comment il mourut, mais on trouva son corps dans le jardin, en arrière de sa maison, le 3 septembre 1901, vers six heures du matin.
L’information concernant la mort de la femme de Harvey, survenue en 1900, a été fournie à l’auteur dans une entrevue tenue le 30 sept. 1971 avec Mme Muriel Ritcey, petite-fille de Moses et Sarah Harvey. [f. a. a.]
Il n’existe pas de bibliographie complète de la vaste production de Harvey sous forme d’essais, d’articles et d’autres écrits ; l’étude la plus approfondie effectuée jusqu’à maintenant est celle de R. P. Osmond, « Nineteenth century Newfoundland’s most important man of letters : a biographical, bibliographical and critical study of the Rev. Dr. Moses Harvey, LL.D., F.R.G.S., F.R.C.S. » (St John’s, 1974), texte dactylographié inédit conservé aux Maritime Hist. Arch., Memorial Univ. of Nfld (St John’s), 104-B-2-10. Une liste partielle figure aussi dans Biblio. of Nfld (O’Dea et Alexander), Canadiana, 1867–1900, Répertoire de l’ICMH, et Science and technology biblio. (Richardson et MacDonald). Harvey a aussi été rédacteur en chef de l’Evening Mercury de St John’s au cours de 1882 et de 1883.
Les publications de Harvey consultées en préparation de cette biographie comprennent : « A geological discovery in Newfoundland », Stewart’s Quarterly Magazine (Saint-Jean, N.-B.), 3 (1869–1870) : 51–60 ; « The artificial propagation of marine food fishes and edible crustaceans », SRC Trans., 1re sér., 10 (1892), sect. iv : 17–37 ; « The seal fishery of Newfoundland », son introduction à Report of the Newfoundland seal-fishery, from 1863, « the first year of the steamers », to 1894, L. G. Chafe, compil. (St John’s, 1894), 3–6 ; et « How I discovered the great devil-fish », World Wide Magazine (Philadelphie), 2 (1899) : 732–740.
Evening Telegram (St John’s), 3–4 sept. 1901.— F. A. Aldrich, « Moses (Harvey) and the living waters : Victorian science in Newfoundland », Early science in Newfoundland and Labrador, D. H. Steele, édit. (St John’s, 1987), 86–120.— A. T. Barr, « The ministry of the Kirk », St. Andrew’s Presbyterian Church, St. John’s, Newfoundland, 1842–1942, R. Duder, édit. (St John’s, [1942]), 14–24.— The book of Newfoundland, J. R. Smallwood et al., édit. (6 vol., St John’s, 1937–1975), 2 : 225–226, 296–298.— Kenneth Johnstone, The aquatic explorers : a history of the Fisheries Research Board of Canada (Toronto et Buffalo, N.Y., 1977).— W. M. Moncrieff, « A history of the Presbyterian Church in Newfoundland, 1622–1966 » (thèse de b.th., Knox College, Univ. of Toronto, 1966).— Patrick O’Flaherty, The Rock observed : studies in the literature of Newfoundland (Toronto, 1979), 73–76.— Louise Whiteway, « The Athenaeum movement : St. John’s Athenaeum (1861–1898) », Dalhousie Rev., 50 (1970–1971) : 534–549.
Frederick A. Aldrich, « HARVEY, MOSES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/harvey_moses_13F.html.
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Auteur de l'article: | Frederick A. Aldrich |
Titre de l'article: | HARVEY, MOSES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 2 décembre 2024 |