HAMILTON, JOHN, entrepreneur forestier, homme politique et financier, né le 16 décembre 1827 à Hawkesbury, Haut-Canada, fils de George Hamilton* et de Lucy Susannah Christina Craigie, décédé le 3 avril 1888 à Montréal.

Le père de John Hamilton, un des premiers entrepreneurs forestiers parmi les plus prospères des deux Canadas, légua à ses fils à sa mort en 1839 une exploitation de bois complète et considérable, comprenant de nombreuses « limites » à bois, des scieries à Hawkesbury et sa propre « anse à bois » à New Liverpool, Bas-Canada. En 1843, après avoir terminé ses études à Montréal, John Hamilton entra dans le commerce du bois avec ses deux frères aînés, Robert et George.

À cette époque, une nouvelle société appelée Hamilton and Thomson, regroupant John Thomson, l’ancien directeur de l’Etchemin Mills Company de John Caldwell*, et ses fils Andrew* et John, vit le jour. Robert Hamilton devint le premier représentant permanent de la firme à Québec et dirigea l’anse à bois de New Liverpool pendant que John Hamilton s’initiait à l’exploitation des scieries à Hawkesbury. La nouvelle compagnie produisait du pin et du chêne équarris ainsi que des madriers de pin pour le marché britannique. Le bois provenait des limites situées le long du cours inférieur de la rivière des Outaouais, comme des rivières Gatineau, Rideau, Rouge et South Nation, et cet approvisionnement était complété par des achats à de plus petits entrepreneurs aux scieries de Hawkesbury. La Hamilton and Thomson augmenta rapidement sa production en achetant la scierie de L. G. Bigelow, sur la rivière du Lièvre ; cette acquisition permit à la compagnie d’occuper une place prépondérante dans le commerce du bois.

Vers 1849, les Hamilton rachetèrent les intérêts de Thomson dans l’entreprise, et Robert, George, fils, et John fondèrent une nouvelle société appelée la Hamilton Brothers. À cette époque, John Hamilton prit l’entière responsabilité de la direction de la coupe à l’intérieur du pays et de l’exploitation des scieries à Hawkesbury et sur la Lièvre. Ainsi établi, il épousa Rebecca Lewis en 1852. À la fin des années 1850, la compagnie continua de faire l’acquisition de limites à Rapides-des-Joachims, sur le cours supérieur de la rivière des Outaouais, dans le Bas-Canada, et le long des rivières Dumoine et Noire. En 1860, la R. G. Dun and Company, de New York (maison déterminant la cote de crédit des compagnies), estimait la valeur de la firme entre $320 000 et $400 000, et en 1871 son rendement atteignait 40 millions de pieds de bois de pin par année et le chiffre d’affaires annuel s’élevait à près de $550 000. Après la mort de Robert Hamilton en 1872, John poursuivit seul l’exploitation de la compagnie qui demeura la source principale de la richesse de la famille Hamilton jusqu’à ce que celle-ci la vendît en 1888.

Le père de John Hamilton ne lui avait pas légué qu’une entreprise. Il avait inculqué à son fils ses opinions arrêtées ultra-conservatrices et son intérêt vif et partisan pour la chose publique. Ainsi, en 1858, John fut élu premier président du conseil municipal de Hawkesbury et demeura en fonction jusqu’en 1864. Il occupa à trois reprises le poste de préfet des comtés unis de Prescott et de Russell. En 1860, il fut élu dans la division d’Inkerman (comtés d’Argenteuil, d’Ottawa et de Pontiac, Bas-Canada) au Conseil législatif favorable au gouvernement conservateur de George-Étienne Cartier* et de John Alexander Macdonald*. Hamilton essaya d’établir son influence politique dans « la région d’Ottawa » mais ses tentatives ne furent pas particulièrement fructueuses. L’ascendant de Richard William Scott*, député de la ville d’Ottawa à l’Assemblée législative, sur le gouvernement et particulièrement sur le département des Terres de la couronne, dans les questions de politique et de favoritisme, l’irritait souverainement. Après la défaite du gouvernement en 1862, Macdonald mit Hamilton à contribution pour rallier la communauté des exploitants de bois dans la vallée de l’Outaouais afin d’obtenir qu’ils appuient les conservateurs contre John Sandfield Macdonald*. En guise de récompense pour les services rendus à cette époque, Hamilton fut nommé membre du nouveau sénat canadien le 28 octobre 1867.

Le prestige politique de Hamilton commença de décroître considérablement après la Confédération. Le parti conservateur dans le comté de Prescott était divisé en deux factions : l’une regroupait des anglophones avec qui Hamilton avait des liens étroits et l’autre, des Canadiens français. L’accroissement rapide de la population canadienne-française dans Prescott força Hamilton à faire une entente avec le curé Antoine Brunet en 1867. Cette entente stipulait que l’organisation conservatrice tenterait de faire élire un Canadien français à la chambre des Communes et un anglophone à l’Assemblée législative de l’Ontario. Mais, dans l’intérêt du parti, Hamilton dut appuyer Thomas D’Arcy McGee* comme candidat dans Prescott à la première Assemblée législative ontarienne. Les protestants, que l’entente conclue entre Hamilton et Brunet avait ennuyés, acceptèrent encore moins cette aide fournie à un catholique irlandais ; Hamilton jugea finalement nécessaire d’appuyer le groupe minoritaire conservateur anglophone plutôt que le groupe majoritaire francophone. Bien que l’entente entre Hamilton et Brunet ait été respectée au niveau provincial, un Canadien anglais représenta le comté de Prescott à la chambre des Communes de 1867 à 1878. L’élection de Félix Routhier, un conservateur canadien-français, au fédéral en 1878, en dépit de l’opposition déclarée de Hamilton, détruisit l’influence de celui-ci sur les conservateurs canadiens-anglais.

Constatant que son pouvoir politique était miné à la base et qu’il était lui-même quelque peu « écarté de la voie politique », Hamilton s’était tourné vers d’autres champs d’activité après la Confédération. Nommé colonel du 18e bataillon d’infanterie à Prescott en 1869, il s’intéressa vivement aux affaires de la milice locale et nationale. Ce fut cependant sa participation à un nombre sans cesse croissant de compagnies et d’entreprises financières qui détourna l’attention de Hamilton des affaires politiques du moment. Il avait acquis une réputation d’homme d’affaires sérieux dans la direction de la Hamilton Brothers pendant les années 1860 et au début des années 1870 et à titre d’administrateur de plusieurs compagnies de transport étroitement reliées à l’industrie du bois, notamment l’Union Forwarding and Railway Company, la Compagnie du chemin de fer du Canada central, la Compagnie du chemin de fer de la rive nord et celle du chemin de fer de la rive nord, et de la navigation et des terres du Saint-Maurice. Son prestige de sénateur s’ajoutait à sa réputation d’homme d’affaires ; il participa à diverses autres entreprises constituées juridiquement et il fit des efforts soutenus pour se faire une place dans la communauté financière de Montréal en acceptant, en 1872, le poste d’administrateur de la Reliance Mutual Life Assurance Society of London, de la Compagnie de placement et d’agence du Canada et de la Coldbrooke Rolling Mills Company, de la Nouvelle-Écosse.

La clé du succès de Hamilton dans ces nouveaux domaines du monde des affaires réside dans son association avec la Banque des marchands. Établie en 1861, celle-ci comptait notamment parmi ses fondateurs Hugh Allan (président dès son ouverture en 1864), Andrew Allan*, Edwin Atwater* et Louis Renaud*. John et son frère Robert avaient tous deux acheté des actions de la Banque des marchands et profité de son crédit pour financer leur propre activité dans les affaires. En 1874, Hamilton fut élu au conseil d’administration et, l’année suivante, on lui fit l’honneur de le nommer vice-président de la banque. Il n’était cependant pas entièrement satisfait de sa nouvelle situation. La dépression qui avait suivi la débâcle économique de 1873 pesait lourdement sur les affaires au Canada, et la position de la Banque des marchands était particulièrement précaire. Celle-ci avait augmenté son capital rapidement et pris très tôt de l’ampleur, d’où certains problèmes : elle avait accumulé des obligations, dont la valeur était incertaine, du Detroit and Milwaukee Railway, acquises au moment de l’absorption de la Commercial Bank of Canada en 1868, des pertes lors de l’émission d’un emprunt du gouvernement du Québec à Londres, d’autres sur le marché de l’or de New York, et des créances mauvaises ou douteuses au pays. Dès la réunion annuelle de 1874, certains s’inquiétèrent de ce que la circulation de l’argent et les dépôts ne se faisaient pas au même rythme que l’augmentation du capital de la banque. Hamilton lui-même soupçonnait les Allan de se servir de la banque pour leurs propres spéculations et non pour le bien de l’entreprise. Au début de 1877, la situation en vint à un point tel qu’en raison du peu de progrès des conditions dans lesquelles se traitaient les affaires, une assemblée extraordinaire des actionnaires fut convoquée. Il en résulta que Jackson Rae, le directeur général, démissionna le 21 février et que, le lendemain, Hugh Allan quittait son poste de président.

À ce moment critique, Hamilton, en tant que vice-président, prit en main la direction des affaires de la Banque des marchands, la deuxième en importance au Canada. On persuada George Hague, le directeur général à la retraite de la Banque de Toronto, d’accepter la direction de l’entreprise en difficulté, et Hamilton en fut nommé président ; Hague entreprit une enquête approfondie qui révéla que la banque faisait face à des pertes de près de $3 000 000 (un comité formé de Hamilton, du vice-président et de Hugh Allan, demeuré un des administrateurs, confirma ces chiffres). Hague imposa une sévère réduction des dépenses, par exemple l’abandon des opérations déficitaires à New York et à Londres ainsi que la fermeture, au Canada, des succursales non rentables, et modifia le fonctionnement interne de la banque. Les administrateurs se portèrent garants d’un prêt de $1 500 000 consenti par la Banque de Montréal et la Banque de l’Amérique septentrionale britannique ; Hamilton se présenta devant le comité des banques du gouvernement fédéral et proposa de dévaluer chaque action de la banque de 25 p. cent. La loi, qui réduisit le capital-actions de $9 000 000 à un peu plus de $6 000 000, fut votée au début de 1878. Grâce à cette mesure et à la direction experte de Hague, la banque était de nouveau en excellente situation en 1882. Le 21 juin, à la réunion annuelle, Hamilton dut accepter, non sans amertume, l’élection de Hugh Allan à la présidence ; ce dernier, une fois de plus, avait rallié la majorité des administrateurs et des actionnaires.

La façon dont Hamilton avait pris en main la situation de la Banque des marchands le fit tenir en haute estime par toute la communauté des affaires canadienne. En 1884, on l’invita à faire partie du conseil d’administration de la Banque de Montréal qui regroupait des hommes puissants et bien connus. Hamilton accepta cette position avec plaisir ; le pouvoir et le prestige que cette situation conférait lui permirent de se débarrasser de toutes ses autres obligations d’affaires, sauf de sa participation à la direction de la Hamilton Brothers. Il démissionna même de la présidence de la Canada Timber and Lumber Association, poste qu’il occupait depuis 1876. Il était encore arrivé à un tournant de sa vie. Il s’éloigna de l’animation du monde financier de Montréal et consacra beaucoup plus de temps aux scieries de Hawkesbury et à sa famille. De fait, sa vie privée avait été extrêmement mouvementée. Rebecca Hamilton était morte au début des années 1860 et John s’était remarié avec Ellen Marion Wood. À la suite du décès de celle-ci en janvier 1872, il avait épousé, le 3 juin de cette même année, Jean Major, qui était veuve. Des enfants nés de ses deux premiers mariages, il ne survivait que trois fils et cinq filles ; les activités de la famille se concentraient tant à Evandale, la propriété de Hamilton située sur une île et longtemps sa résidence principale, près des scieries de Hawkesbury, qu’à Tyrella House, sa maison à Montréal.

Hamilton prit honorablement sa retraite du sénat au début de 1887 lorsqu’on eut besoin de son siège pour son vieil ami John Joseph Caldwell Abbott*, car sir John A. Macdonald désirait que celui-ci devienne leader du gouvernement à la chambre haute et membre du Conseil privé. Hamilton ne répugnait pas à se retirer puisqu’il n’avait jamais connu en politique la satisfaction escomptée et qu’il commençait à désespérer de voir les hommes politiques jamais trouver une solution aux graves problèmes économiques du Canada. Malheureusement, il ne vécut pas assez longtemps pour profiter du rythme plus détendu de son existence ; il mourut chez lui, à Montréal, le 3 avril 1888, à l’âge de 60 ans.

Robert Peter Gillis

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Robert Peter Gillis, « HAMILTON, JOHN (1827-1888) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/hamilton_john_1827_1888_11F.html.

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Auteur de l'article:    Robert Peter Gillis
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
Date de consultation:    28 novembre 2024