GYLES, JOHN, interprète et soldat, né vers 1680 à Pemaquid, Maine ; en 1703, il épousa en premières noces Ruth True et, en 1722, se remaria avec Hannah Heath ; on ignore le nombre d’enfants qu’il eut ; décédé à Roxbury (Boston, Mass.), en 1755.

Gyles est celui qui, dans la langue anglaise, a laissé la relation la plus authentique et la plus importante concernant les Malécites (Etchemins) de la rivière Saint-Jean. En 1689, alors qu’il était âgé de neuf ans, John vivait dans sa famille au fort Charles (Pemaquid). Le 2 août de cette année-là (ancien style), pendant qu’il travaillait avec son père Thomas, à proximité du nouveau fort, il fut fait prisonnier par les Malécites, lors d’un de ces raids sanglants qui caractérisent cette époque. Le père de John fut tué ; on captura un de ses frères qu’on tua plus tard, et un autre de ses frères réussit à s’enfuir. John fut amené en haut de la rivière Penobscot, et de là, en passant par les portages, aux lacs Chiputneticook, jusqu’au confluent des rivières Médoctec (Eel) et Saint-Jean, à dix milles de l’actuel Woodstock, au Nouveau-Brunswick.

Pendant six ans, Gyles fut esclave chez les Malécites. Dans le pittoresque récit de ses aventures, il nous décrit les mœurs des Malécites, leurs techniques de chasse, leurs structures sociales, les tortures qu’ils infligeaient à leurs prisonniers et l’impression que leur fit le groupe relativement peu nombreux de Français qui vivaient sur les bords de la rivière Saint-Jean avant 1700. En un tableau saisissant, l’auteur décrit les situations extrêmes dans lesquelles les Malécites se trouvaient pendant les bonnes et mauvaises périodes : leur fabuleux festins à la suite d’une chasse fructueuse et leur misère au cours de la saison hivernale, alors que le gibier était rare. Leur seule façon de survivre alors était de se disperser loin du fort situé à Médoctec (Méductic) ; à ce dernier endroit, ils étaient desservis par le récollet Simon Girard* de La Place. John Gyles fut forcé de servir d’homme de peine pour l’un de ces petits groupes de chasseurs, lequel l’amena au nord, jusqu’en Gaspésie. Passer sept ou huit jours de suite sans manger n’était pas alors une chose remarquable.

Son sort fut grandement amélioré pendant l’été de 1695, alors qu’il fut vendu à Louis Damours* de Chauffours qui avait une seigneurie à Jemseg. John fit de la chasse et du commerce pour Damours et travailla dans son magasin. En octobre 1696, des envahisseurs anglais remontèrent la rivière Saint-Jean pour venir attaquer le fort du gouverneur Joseph Robinau* de Villebon, situé sur la rivière Naxouat (Nashwaak). Damours était en France à ce moment-là, mais Gyles aida à sauver la propriété de son maître de la destruction. Il afficha à la porte de la propriété une déclaration écrite par la femme de Damours à disant que les prisonniers anglais avaient été traités avec bonté à cet endroit. Après le traité de Ryswick, Gyles fut remis au capitaine d’un navire anglais à l’embouchure de la rivière Saint-Jean et s’embarqua pour Boston où il arriva le 19 juin 1698. Sa description des habitants français établis le long de la rivière Saint-Jean est empreinte de sympathie.

La facilité avec laquelle Gyles maniait les dialectes indiens d’Acadie fit de lui un précieux atout pour les autorités gouvernementales de la Nouvelle-Angleterre, quand la guerre recommença en 1701. On l’utilisa comme interprète à plusieurs reprises pour parlementer avec l’ennemi ; il navigua avec le major Benjamin Church en 1704 et combattit avec le colonel John March à Port-Royal (Annapolis Royal, N.-É.) en 1707. Pendant presque tout le temps qu’il vécut encore, il fit du service dans l’armée et travailla comme agent de liaison avec les Indiens. En 1715, il aida à la construction du fort George à Pejepscot (Brunswick, Maine) ; il en fut commandant jusqu’en 1725. Il termina sa carrière militaire comme commandant de la garnison de la Nouvelle-Angleterre sur les bords de la rivière St George.

En 1736, Gyles publia le récit de ses aventures. Il déclara avoir utilisé ses « notes » rédigées quelques années auparavant, à la demande de sa seconde femme, Hannah, « à l’intention de notre famille afin d’avoir toujours en main ces mémoires susceptibles de nous inciter à la gratitude et à la reconnaissance envers Dieu ». Quand quelques-uns de ses amis eurent lu ses mémoires, Gyles fut « sollicité d’en préparer une copie pour le public ».

W. S. MacNutt

Le récit de Gyles racontant sa captivité est intitulé Memoirs of odd adventures, strange deliverances, etc. in the captivity of John Gyles, esq., commander of the garrison on Saint George River, in the district of Maine. D’abord imprimé à Boston en 1736, il fut réimprimé dans S. G. Drake, Indian captivities, or life in the wigwam (Buffalo, 1853), 73–108. Il fut publié également à Cincinnati (1869) et à Saint-Jean, N.-B. (1875). On trouve un récit « semi-romancé » dans Stuart Trueman, The ordeal of John Gyles [...] (Toronto, [1966]).

Documentary history of Maine, IX, X, XXIII–XXIV.— Indian treaties, Coll. of the Maine Hist. Soc., 1re sér., III (1853) : 362, 381, 420.— John Gyles’s statement of the number of Indians, Coll. of the Maine Hist. Soc., 1re sér., III (1853) : 356s.— Coleman, New England captives.—J. A. Vinton, Thomas Gyles and his neighbors, 1669–1689 [...] (Boston, 1867).— John McKeen, Some account of the early settlements at Sagadahock and on the Androscoggin River [...] Coll. of the Maine Hist. Soc., 1re sér., III (1853) : 314s.

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W. S. MacNutt, « GYLES, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gyles_john_3F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
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