GRAY, ROBERT, manufacturier, né le 3 février 1862 à Chatham, Haut-Canada, fils de William Gray et d’une prénommée Ellen ; le 28 décembre 1887, il épousa à Chatham, Ontario, Margaret Haldane McLaren, et ils eurent un fils et une fille ; décédé le 31 mars 1929 au même endroit.

Robert Gray était l’aîné des quatre enfants d’un forgeron arrivé en 1853 du Roxburghshire, en Écosse, avec sa femme. Ils s’installèrent à Chatham, où William Gray ouvrit une fabrique de voitures à chevaux. En 1883, Robert et son frère, James Scott, s’associèrent à l’entreprise, qui prit le nom de William Gray and Sons. L’année suivante, William Gray mourut après avoir glissé en descendant d’un train à Kingston, et Robert, âgé de 22 ans, prit la direction de la compagnie. Son ascension dans le milieu des affaires de Chatham fut constante ; il devint le premier président du Bureau de commerce. Le 5 janvier 1899, la William Gray and Sons Company Limited fut constituée juridiquement.

À l’instar de bon nombre de fabricants de voitures à chevaux, Robert Gray croyait que l’avènement de l’automobile ferait disparaître son métier. Il voyait cependant la construction de carrosseries d’automobile comme un prolongement de la production artisanale qui caractérisait l’industrie des voitures hippomobiles. Prudent, il intégra peu à peu cette activité à son entreprise. Celle-ci bâtit des carrosseries pour la Still Motor Car Company de Toronto en 1899, puis pour la Chatham Motor Car Company à compter de 1906. À son tour, le fils de Gray, William Murray, se passionnerait pour l’automobile et l’industrie naissante ; au cours de son adolescence, il motorisa un boghei. Robert Gray, qui possédait des Ford fabriquées à Detroit, fut l’un des premiers à investir dans la Ford Motor Company of Canada Limited en 1904. Il avait offert une Ford usagée en guise de paiement partiel, mais le directeur de la compagnie au Canada, Gordon Morton McGregor, l’avait poliment refusée, car il avait davantage besoin d’argent comptant. De 1906 à 1912, Gray fabriquerait aussi des carrosseries pour les Ford assemblées à Walkerville (Windsor). Désireux de voir Chatham se développer, il avait essayé d’obtenir de Ford du travail pour d’autres compagnies locales, notamment la fonderie de la McKeough and Trotter. Il fut l’un de ceux grâce à qui la Chaplin Wheel, Dowsley Spring and Axle et la société International Harvester s’établirent dans sa ville natale. Homme d’affaires perspicace, il diversifierait ses investissements. En 1912, il dissuada son fils de placer ses 6 250 $ d’économies dans des actions de Ford, même si la valeur de ses propres actions avait beaucoup augmenté.

Jusqu’en 1916, Gray s’employa à donner de l’expansion à son entreprise de voitures, dont la fabrication de pièces d’automobile n’était qu’une composante. En 1907, il mit son service des ventes en commun avec celui de la compagnie de machinerie agricole d’un associé de la William Gray and Sons, Manson Campbell, de Chatham, qui avait un solide réseau de distribution dans l’Ouest canadien. Une fusion complète, réalisée le 24 février 1911, donna naissance à la William Gray-Sons-Campbell Limited, qui produirait des voitures à chevaux, des traîneaux, des tarares, des armoires et des pièces d’automobile. La William Gray and Sons resterait en exploitation, mais sans le frère de Robert, qui était comptable et qui mourut en 1911. La production de Gray atteignait les 15 000 voitures dès 1912. Quand ses principaux concurrents dans la fabrication de voitures à chevaux, Robert McLaughlin, d’Oshawa, et James Brockett Tudhope, d’Orillia, se mirent à fabriquer aussi des automobiles, Gray suivit leur exemple. Afin de contourner le tarif sur l’importation d’automobiles tout assemblées, il trouva un associé américain qui lui fournirait des châssis. En octobre 1915, Gray fonda la Gray-Dort Motors Limited avec Josiah Dallas Dort, fabricant de voitures à chevaux du Michigan devenu fabricant d’automobiles qui était aussi président d’une compagnie canadienne de fabrication de voitures hippomobiles. La première année, Gray importa des Dort entièrement assemblées, mais dès 1916 il fabriquait des Gray-Dort à Chatham. Bien qu’il ait cessé de produire des voitures hyppomobiles cette année-là, il continua d’utiliser le réseau de distribution de la William Gray-Sons-Campbell Limited, de sorte que son automobile était particulièrement populaire en Saskatchewan. Comme McLaughlin, Gray était une figure de transition : il restait en partie enraciné dans la vieille culture des voitures à chevaux et des transactions personnalisées. Il était réputé pour sa souplesse avec ses clients. Une fois, il accepta de reprendre une jument d’une valeur de 150 $ comme paiement partiel d’une Gray-Dort.

Mise en marché avec un slogan sans prétention (« Ayez une Gray-Dort – Elle vous plaira »), l’automobile de Gray devint plus populaire au Canada que la Dort l’était aux États-Unis. Elle fut produite en divers modèles au fil des ans et suscitait l’admiration parce qu’elle était puissante, fiable et facile à réparer. Après avoir commencé avec une automobile techniquement avancée, Gray y ajouta diverses caractéristiques : des sièges en cuir, un volant inclinable, des roues à rayons métalliques facultatives et même un allume-cigares. D’un prix qui se situait dans la moyenne – la voiture de tourisme de 1919 coûtait 1 275 $, la berline 3 000 $ –, la Gray-Dort se classait après les Buick et les Chevrolet faites par la McLaughlin dans la liste des principales concurrentes des Ford sur le marché canadien. Dès 1921, Gray fabriquait 8 000 automobiles par année et le nombre de ses employés pouvait atteindre 825. Selon William Murray Gray, alors vice-président de la Gray-Dort, 60 % de chaque voiture était fabriqué au Canada. La compagnie avait trois usines à Chatham, d’autres usines réparties dans tout le Canada et quelque 400 vendeurs. Dans la période de 1916 à 1923, la production d’automobiles Gray-Dort totalisa 23 000 véhicules. Bien que l’on sache peu de chose sur la participation de Gray aux affaires courantes de l’entreprise, des indices suggèrent que cette dernière résistait à l’activité syndicale et qu’il avait des liens avec d’autres sociétés. En 1920, Gray entra au conseil d’administration de la Standard Bank of Canada.

En 1922, Josiah Dallas Dort décida de quitter l’entreprise. Ses frais d’exploitation dépassaient ceux de ses concurrents aux États-Unis, les ventes étaient faibles et les producteurs sentaient le ralentissement économique. En 1924, Dort liquida ses avoirs, ce qui porta un coup fatal à la compagnie de Gray. La technique et la conception étaient en effet du ressort de Dort, même si une grande partie de la fabrication se faisait au Canada. Comme beaucoup d’autres fabricants canadiens d’automobiles, Gray n’était pas maître de sa destinée. En outre, la pression de Ford et de General Motors empêchait de petites compagnies comme la Gray-Dort de continuer. En 1924, handicapée par une dette de 1,2 million de dollars, cette dernière cessa de fabriquer des automobiles. En avril de la même année, Robert Gray quittait l’entreprise, que certains de ses membres tentaient sans succès de continuer à exploiter. En l’espace de quelques mois, William Murray Gray avait formé la Colonial Traders Limited en vue de faire le commerce d’équipement et d’accessoires d’automobile.

Robert Gray appartenait à l’Église presbytérienne et au Chatham Curling Club. Sa famille avait un chalet d’été à Erieau sur le lac Érié. Gray mourut en 1929 à l’âge de 67 ans, au terme de six mois de maladie. Ses actions de la Gray-Dort et de la William Gray and Sons furent alors jugées sans valeur, mais ces entreprises avaient connu une période de rentabilité. Il put donc laisser une succession évaluée à près de 595 000 $. Elle était constituée en bonne partie d’emprunts de guerre et d’actions de Chrysler et de General Motors.

Corey Larocque

Le Chatham-Kent Museum, de Chatham, en Ontario, possède une automobile Gray-Dort et une importante collection archivistique de dossiers sur les Gray-Dort.

AO, F 149 ; RG 22-397, nº 136-1929 ; RG 80-5-0-159, nº 205469.— Ontario, Ministry of Consumer and Business Services, Companies and personal property security registration branch (Toronto), Dormant corporation files, TC 31828 (Gray–Dort Motors Limited).— Globe, 1er avril 1929.— Automotive Industries (Philadelphie), 4 sept. 1924 : 464.— Canada Gazette, 7 janv. 1899 : 1287 ; 25 févr. 1911 : 2798s.— Canadian annual rev., 1920 : 64.— R. A. Collins, A great way to go : the automobile in Canada (Toronto, 1969).— D. F. Davis, « Dependent motorization : Canada and the automobile to the 1930s », dans The development of Canadian capitalism : essays in business history, Douglas McCalla, édit. (Toronto, 1990), 191–218.— Hugh Durnford et Glenn Baechler, Cars of Canada (Toronto, 1973).— Industrial Canada (Toronto), 1911–1924 ; mai 1929 : 150, 152.— James Naylor, The new democracy : challenging the social order in industrial Ontario, 1914–1925 (Toronto, 1991).

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Corey Larocque, « GRAY, ROBERT (1862-1929) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gray_robert_15F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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