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GRAVEL, LOUIS-PIERRE (baptisé Louis-Joseph-Cyriaque), prêtre séculier, missionnaire-colonisateur et fonctionnaire, né le 8 août 1868 à Stanfold (Princeville, Québec), fils du docteur Louis Gravel et de Jessie Bettez ; décédé le 10 février 1926 à Montréal et inhumé le 18 dans le cimetière de Gravelbourg, Saskatchewan, où il repose avec ses cinq frères et sa sœur qu’il avait entraînés avec lui pour l’aider dans son œuvre de colonisation.
Louis-Pierre Gravel (appelé Pietro par les intimes) grandit à Arthabaskaville (Victoriaville, Québec). Bien que son père fît partie de la petite société de notables de l’endroit, dont le plus connu est Wilfrid Laurier*, la situation financière de la famille nombreuse ne fut jamais aisée ; elle devint encore plus difficile après sa mort, survenue prématurément en 1888.
Louis-Pierre fit ses études classiques aux séminaires de Trois-Rivières et de Nicolet. À l’automne de 1888, il entra au grand séminaire de Montréal, puis poursuivit ses études théologiques à Nicolet. Il fut ordonné prêtre le 28 août 1892 par Mgr Elphège Gravel*, évêque de Nicolet et cousin germain de son père. Aussitôt après, il partait pour New York, où des émoluments plus élevés qu’au Québec lui permettaient d’aider sa mère, restée seule avec encore huit enfants à élever.
L’abbé Gravel exerça son ministère à New York de 1892 à 1901 dans la paroisse Saint-Jean-Baptiste, formée de Canadiens français, et de 1901 à 1906 dans celle de Saint-Joseph. Poète et musicien à ses heures, brillant prédicateur dévoué à ses ouailles, il composa des chants patriotiques et religieux en français, ainsi que des sermons et des opuscules en anglais, qui furent publiés. Il venait d’être nommé vicaire dans le faubourg de Yonkers quand il reçut du fameux missionnaire oblat Zacharie Lacasse une lettre datée du 28 juillet 1906 lui enjoignant, au nom de Mgr Adélard Langevin*, archevêque de Saint-Boniface au Manitoba, de venir dans l’Ouest canadien.
L’abbé Gravel, depuis son arrivée aux États-Unis, avait été à même de constater la pauvreté où se trouvaient bon nombre de Canadiens français qui avaient émigré dans ce pays. Il vit là une occasion de rapatrier ces exilés pour les faire profiter des richesses des nouvelles provinces de la Saskatchewan et de l’Alberta, où le gouvernement offrait gratuitement des terres. Aussi, fin septembre 1906, partait-il pour l’Ouest, en compagnie de son jeune frère Émile. Ils s’arrêtèrent d’abord à Saint-Boniface (Winnipeg), où l’abbé Gravel reçut un document qui l’autorisa à fonder une paroisse « dans la région qu’il choisira[it] ». Accompagnés d’un guide, ils allèrent prospecter une région du sud de la Saskatchewan. Ils y localisèrent 1 600 acres de terre non arpentée, dans la vallée fertile de la rivière La Vieille (le ruisseau Notukeu) à 80 milles au sud-ouest de Moose Jaw. Aux alentours se trouvaient cinq ou six familles de « squatters » canadiens-français. Ce serait les premiers colons de la nouvelle paroisse. Le 22 février 1907, l’abbé Gravel fut nommé agent d’immigration du gouvernement canadien et obtint quatre cantons pour la future colonie de Gravelbourg. En mars 1907, Ottawa accordait un bureau de poste à l’établissement naissant : Gravelbourg était officiellement fondé.
Comme le Bureau régional des terres de la Puissance se trouvait à Moose Jaw, localité située sur la ligne de chemin de fer, l’abbé Gravel en fit sa base d’opérations. L’automne et l’hiver, il voyageait dans l’Est, s’arrêtant à Saint-Boniface pour y consulter l’archevêque, à Ottawa pour y solliciter les faveurs du gouvernement, à Montréal pour y accorder des entrevues et lancer des appels dans les journaux. Il faisait des tournées de conférences sur la colonisation dans tout le Québec, poussait jusqu’à New York et dans les États de la Nouvelle-Angleterre, pour y rapatrier des Franco-Américains, recrutant des colons jusque dans le train. Au printemps et en été, il ne quittait pas la prairie. On le trouvait le plus souvent à Moose Jaw, où il accueillait ses nouvelles recrues et les dirigeait ; il les accompagnait même parfois jusqu’aux terres qui leur avaient été assignées. En outre, il réglait les multiples problèmes que lui soumettaient les colons ainsi que les curés de Notre-Dame d’Auvergne (Ponteix), Le Pinto (Meyronne), Lac à la Plume (Lac Pelletier), Gull Lake et bien d’autres. Il s’occupa aussi activement des villages de Courval, de Dollard, de Mazenod, de Lafleche, contribuant ainsi largement et de façon souvent insoupçonnée à l’édification et au développement d’un peuplement français au sud de la Saskatchewan et dont Gravelbourg était le centre. Il faut lire sa correspondance et ses rapports à William Duncan Scott, le surintendant de l’immigration à Ottawa, ou à son évêque pour se faire une idée du travail gigantesque accompli par cet homme énergique.
Le 18 mars 1912, après l’élection d’un gouvernement conservateur à Ottawa, l’abbé Gravel, fervent libéral, perdit son poste. Cependant, il gardait la faveur du gouvernement libéral provincial de Thomas Walter Scott*. Il s’installa alors définitivement à Gravelbourg. Il s’était employé, dès les commencements, à lui assurer les services essentiels (puits, ponts, télégraphe). Il lui avait aussi procuré bien d’autres avantages, telles, en 1910, une agence des terres de langue française dans le village même et, en 1911, une salle d’immigration pour héberger les nouveaux colons. Il manquait toutefois le chemin de fer, indispensable à l’essor du bourg et des environs. L’année 1913 amena l’aboutissement de cinq années de requêtes auprès des compagnies ferroviaires et des gouvernements, et le 30 septembre, le premier train de la Canadian Northern entrait en gare de Gravelbourg. La même année, le village acquit le statut de municipalité rurale puis celui de ville en 1917. En février 1918, Gravelbourg fut érigé en district judiciaire.
Toutefois, ce développement ne suffisait pas à l’abbé Gravel. Il voulait faire de Gravelbourg le centre culturel français et catholique de la Saskatchewan. Pour y arriver, il fallait doter la petite ville de maisons d’enseignement et d’institutions religieuses. C’est sous son impulsion et grâce à sa ténacité et à son pouvoir de persuasion que les religieuses de Jésus-Marie de Sillery, dans la province de Québec, vinrent s’installer en 1915 à Gravelbourg, où elles fondèrent un couvent dont il fut l’aumônier et le bienfaiteur, et que furent érigés en 1918 le collège où il exerça quelque temps la charge de procureur, et, en 1920, le Jardin de l’enfance, dirigé par les Missionnaires oblates du Sacré-Cœur et de Marie-Immaculée. Il bénéficiait, certes, de l’appui indispensable de Mgr Olivier-Elzéar Mathieu, archevêque de Regina, et du soutien du curé Charles-Adrien Maillard, mais c’était lui qui allait sur le terrain. Il frappa à deux reprises à la porte des religieuses de Jésus-Marie, pour les convaincre de venir à Gravelbourg, sollicita et obtint du gouvernement provincial, en 1917, les chartes autorisant la création de deux collèges catholiques, l’un de langue anglaise – ce serait le Campion College de Regina – l’autre de langue française, le collège catholique de Gravelbourg, appelé plus tard le collège Mathieu.
Le 23 février 1923, après le retour des libéraux à Ottawa, l’abbé Gravel fut réengagé comme agent d’immigration ; en fait, il n’avait guère cessé, entre-temps, de faire son travail. C’était un bâtisseur dans tous les sens du terme, et l’on trouve dans ses papiers des plans pour un orphelinat et une école d’agriculture. Dès 1909, il avait prévu l’établissement d’un hôpital et, de 1912 à la fin de 1925, il travailla d’arrache-pied à cette œuvre. Hélas, il n’en vit jamais la réalisation. Il avait toutefois préparé la voie à ses successeurs et il légua un terrain à « la Corporation de l’hôpital de Gravelbourg ». La mort le surprit le 10 février 1926, au cours d’un voyage à Montréal. Il était âgé de 57 ans. Le corps de l’abbé Gravel fut transporté à Gravelbourg. L’église, qui peut contenir 2 000 personnes, ne put recevoir toute la foule venue assister à ses funérailles. L’éloge funèbre fut prononcé par l’archevêque Mathieu.
L’abbé Louis-Pierre Gravel consacra 20 ans de sa vie à la cause de la colonisation française et catholique. Comme le curé François-Xavier-Antoine Labelle* auquel on l’a comparé, on peut dire de lui qu’il vécut pour cette cause et qu’il en mourut. Un monument élevé à sa mémoire à Gravelbourg en 1958 rappelle son œuvre. On peut y lire l’inscription suivante : « Entre les années 1906 et 1926, plus de dix mille Canadiens, dont un grand nombre habitaient alors aux États-Unis, vinrent, à l’appel de l’abbé Louis-Pierre Gravel, s’établir dans les vastes plaines de la Saskatchewan et y fondèrent des villes ainsi que des institutions culturelles d’expression française. » Le plus beau fleuron de sa couronne demeure toutefois Gravelbourg, auquel est attaché son nom.
Des copies des documents du fonds de la famille Gravel, dont les originaux sont en notre possession, sont conservées aux ANQ-Q, sous la cote M204. Elles sont constituées de 510 dossiers répartis sur 20 bobines de microfilm ; les papiers de l’abbé Louis-Pierre Gravel forment l’essentiel de la collection (dossiers 179–444, bobines 9–18). On trouve aussi une copie de ce fonds aux Saskatchewan Arch. Board (Regina), R-9.48.
D’autres documents sur Gravel sont répartis dans plusieurs dépôts, entre autres aux Arch. of the Diocese of Gravelbourg, Saskatchewan, aux Arch. de l’archevêché de Saint-Boniface, Winnipeg, dans le Fonds Langevin, et aux Arch. of the Archdiocese of Regina, dans les dossiers remontant à l’époque de l’installation d’Olivier-Elzéar Mathieu comme évêque en 1911 conservés aux Arch. of the Archdiocese of Regina. La documentation aux AN comprend des rapports présentés par Gravel en tant qu’agent d’immigration au surintendant fédéral de l’immigration, W. D. Scott (MG 26, G : 13703–6 et RG 76, Acc. 1969/017, boîte 213, dossier 595025-2). [g. g. b.]
J. H. Archer, Saskatchewan : a history (Saskatoon, 1980).— Adrien Chabot, Histoire du diocèse de Gravelbourg, 1930–1980 (s.l., 1981).— Croquis historiques des paroisses du diocèse de Gravelbourg, Sask., à l’occasion de son jubilé d’argent, 1930–1955 ([Gravelbourg, 1956]).— Les Gravel, Lucienne Gravel, édit. (Montréal, 1979).— Georges Hébert, Les débuts de Gravelbourg : son fondateur, ses pionniers, les institutions, 1905–1965 (Gravelbourg, 1965).— Héritage : Gravelbourg–district, 1906–1985 (Gravelbourg, 1987).— Ernest Laforce, Bâtisseurs de pays (3 vol., Montréal, 1944–1948).— Richard Lapointe, 100 noms : petit dictionnaire biographique des Franco-Canadiens de la Saskatchewan (Regina, 1988).— Richard Lapointe et Lucille Tessier, Histoire des Franco-Canadiens de la Saskatchewan (Regina, 1986).— 1915–1965, souvenirs : album souvenir pour marquer le cinquantième anniversaire de la fondation du couvent des religieuses de Jésus-Marie à Gravelbourg ([Gravelbourg ?, 1965 ?]).— Robert Painchaud, Un rêve français dans le peuplement de la prairie (Saint-Boniface, 1987).— La Saskatchewan de A à Z, Richard Lapointe, compil. (Regina, 1987).
Ghislaine Gravel Bernier, « GRAVEL, LOUIS-PIERRE (baptisé Louis-Joseph-Cyriaque) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gravel_louis_pierre_15F.html.
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Auteur de l'article: | Ghislaine Gravel Bernier |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |