GRASETT, HENRY JAMES, officier dans l’armée et dans la milice et chef de police, né le 18 juin 1847 à Toronto, troisième fils de Henry James Grasett* et de Sarah Maria Stewart ; le 4 octobre 1887, il épousa à Brompton (Londres) Alice Katharine Parke, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 30 septembre 1930 à Toronto.
Henry James Grasett naquit dans une éminente famille torontoise ; son père était rector de la cathédrale St James. Il étudia dans une école privée à Toronto et au Leamington College en Angleterre. Sa carrière militaire commença au Canada avant qu’il ait 19 ans : en juin 1866, il participa à la campagne contre les féniens avec le 2nd Battalion of Rifles (Queen’s Own Rifles of Toronto) [V. Alfred Booker*]. Après être entré dans l’armée britannique en septembre 1867 à titre d’enseigne dans le 100th Foot (Royal Canadians), il servit en Angleterre et au Canada. Quand il quitta l’armée, en 1875, il détenait le grade de lieutenant et était adjudant de son régiment depuis cinq ans.
Après son retour à Toronto, Grasett s’associa à une entreprise d’expédition et de marchands commissionnaires. Le 5 novembre 1880, il fut nommé lieutenant-colonel et commandant du 10th Battalion of Infantry (le futur Royal Grenadiers), qui venait d’être réorganisé. Mobilisé par suite de l’éclatement de la rébellion du Nord-Ouest en 1885 [V. Louis Riel*], ce bataillon de milice combattit à Fish Creek et à Batoche (Saskatchewan), et prit part aux opérations contre les Cris dirigés par Gros Ours [Mistahimaskwa*].
En raison de ses antécédents militaires et des relations de sa famille, Grasett succéda à Francis Collier Draper* au poste de chef de police de Toronto le 1er décembre 1886. Peut-être y avait-il eu des jeux de coulisse : le Bureau des commissaires de police avait écarté la candidature du sous-chef William E. Stuart, qui avait fait l’objet d’une nomination politique par un ancien maire. Grasett dirigerait la police torontoise durant 34 ans alors que, dans les grandes villes américaines, la moyenne n’atteignait même pas 4 ans. Sous son autorité, l’effectif passa de 172 policiers à 662 en 1920, mais demeura très majoritairement anglo-celtique. À la suite des pressions de défenseurs de la morale qui s’inquiétaient de la prostitution, un certain nombre de policières furent engagées en 1913. Une des premières innovations de Grasett consista à armer les agents, même si, en tant qu’admirateur des policiers britanniques, il décourageait le recours aux armes à feu. En outre, il supervisa la réorganisation de l’escouade de la moralité (sous David Archibald*) et du service des détectives, l’installation d’un nouveau système électrique de téléphones d’urgence et de signalisation ainsi que l’acquisition de voitures de patrouille en 1888, de bicyclettes en 1895, de motocyclettes pour les agents de la circulation en 1912 et de voitures de patrouille motorisées en 1913. À compter de 1917, les policiers utilisèrent plus fréquemment des automobiles, ce qui facilitait leurs déplacements mais posait des problèmes de contrôle de la circulation.
En partie grâce à ces mesures, la police torontoise parvint, sous la direction de Grasett, à un plus haut degré de professionnalisme que la plupart des autres corps de police du Canada. Elle devint aussi une puissante bureaucratie dont le mandat consistait non seulement à préserver l’ordre public, mais aussi à exercer des fonctions de réglementation, par exemple la délivrance de permis à de petits commerces. De plus, elle devait travailler avec de nouvelles instances, notamment les tribunaux pour jeunes et pour femmes. La formation n’évoluait pas pour autant : les exercices militaires et l’apprentissage sur le tas en demeuraient les principales composantes. Pendant des années, les policiers firent des rondes chronométrées, et le régime de rémunération et d’avancement, fondé sur le mérite, resta un décalque de celui de l’armée britannique.
Figure importante des services de police nord-américains, Grasett appartint dans les années 1890 au conseil du Central Bureau of Identification à Chicago. Les membres de ce conseil étaient nommés par la National Association of Chiefs of Police, devenue en 1901 l’International Association of Chiefs of Police, dont Grasett fut vice-président en 1902. Notamment avec le commissaire de la police du dominion Arthur Percy Sherwood*, il participa en 1905 à la fondation du principal groupe canadien de pression composé de policiers, la Chief Constables’ Association of Canada. Dans un discours prononcé en 1906 à titre de président de cet organisme, il parla de la respectabilité acquise par la police aux yeux de la population. Sous son autorité, la police torontoise assura un soutien solide et fidèle à la Chief Constables’ Association.
À Toronto, Grasett était un chef de police assez populaire et respecté, malgré les critiques qu’il subit avant la Première Guerre mondiale. Les réformateurs moraux se plaignaient que la prostitution était tolérée ; les partisans de la prohibition affirmaient que les lois sur l’alcool n’étaient pas appliquées ou que leurs contrevenants étaient poursuivis avec mollesse. Dans une large mesure, le Bureau des commissaires de police (formé du maire, du magistrat de police et du juge du comté) protégea Grasett contre ces attaques. Quand, à la faveur d’un débat public, d’aucuns réclamèrent que la municipalité supervise directement la police, Grasett fit pression pour préserver l’autonomie des commissaires. Contrairement à ses successeurs, il évitait de tenir des propos incendiaires en public, mais il dérogea à cette règle pendant la guerre en dénonçant l’élément étranger de Toronto.
Bien que la criminalité ait diminué de 1914 à 1918, Grasett conservait de lourdes responsabilités : contrôles du temps de guerre, surveillance des aubains et des radicaux, application de l’Ontario Temperance Act, maintien de l’ordre pendant de nombreuses grèves. Au nom du patriotisme et de l’ordre, il interdit les assemblées en plein air contre la conscription. En août 1918, des manifestations hostiles aux étrangers eurent lieu au cours d’un congrès d’anciens combattants. Après être intervenus à contrecœur, ses policiers firent usage de la force, ce qui nuisit à leur image de marque. L’enquête instituée à la suite de ces événements exonéra l’ensemble du service de police, mais mena au congédiement de deux inspecteurs, d’un sergent et d’un agent. Toutefois, ce furent surtout ses propres hommes qui donnèrent à Grasett du fil à retordre. Insatisfaits des salaires, des allocations, des promotions et des mesures disciplinaires, ils formèrent à l’automne de 1918 un syndicat affilié au Trades and Labor Council de Toronto. En décembre, ils se mirent en grève, ce qui, ajouté à l’agitation qui régnait parmi les policiers d’autres centres ontariens, amena le gouvernement provincial à créer en 1919 une commission d’enquête sous la présidence de sir William Ralph Meredith. Au cours des audiences, Grasett exprima son désaccord avec la promotion par ancienneté, une des bases du syndicalisme. Il quitta son poste à la fin de 1920 ; un officier sorti du rang, Samuel James Dickson, lui succéda.
Grasett personnifiait le chef de police patricien de l’époque. Il avait beaucoup en commun avec George Taylor Denison, longtemps magistrat de police et commissaire de police, qui avait participé lui aussi à la campagne contre les féniens. Grasett avait joué un rôle important en 1901 au cours de la tournée d’une partie des membres de la famille royale. En 1916, pour sa contribution à l’effort de guerre, il reçut le titre de compagnon de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges. Conservateur en politique, il était de confession anglicane ; il fut durant un certain nombre d’années marguillier de la cathédrale St James et délégué aux synodes. Membre actif de plusieurs clubs torontois, il appartenait aussi au Canadian Military Institute et au Naval and Military Club of England.
Veuf depuis 1926 (sa femme lui avait légué la fortune dont elle avait hérité), Henry James Grasett mourut d’une pneumonie en 1930 dans sa maison de l’avenue Clarendon. Il fut inhumé au cimetière St James avec tous les honneurs dus à un policier et militaire. Dans des éloges funèbres qui évoquaient surtout ses années dans la police, des représentants de la municipalité, au courant ou non des événements de 1918–1919, parlèrent d’une carrière sans tache. Thomas Langton Church*, qui avait été maire, se dit convaincu que « seuls ceux qui étaient associés de très près à la force policière pouvaient vraiment apprécier ses services ». Quant à Charles Alfred Maguire, ancien contrôleur et ex-maire, il déclara au Globe que, contrairement à ce qui s’était passé dans d’autres villes, « jamais personne n’avait rien eu à redire contre le service de police de Toronto ni son chef ».
AO, RG 22-305, nos 56821, 65543.— Globe, 30 sept.–2 oct. 1930.— Toronto Daily Star, 6–7 sept. 1905.— World (Toronto), 19 oct. 1887.— Canadian annual rev., 1916 : 802 ; 1918 : 334s., 586s.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— Canadian Municipal Journal, and Telephone and Building News (Montréal), 2 (1906) : 387s.— Canadian Police Bull. (Toronto), déc. 1930.— E. M. Chadwick, Ontarian families : genealogies of United-Empire-Loyalist and other pioneer families of Upper Canada (2 vol., Toronto, 1894–1898 ; réimpr., 2 vol. en 1, Lambertville, N.J., [1970]), 2.— T. E. Champion, History of the 10th Royals and of the Royal Grenadiers, from the formation of the regiment until 1896 (Toronto, 1896).— Chief Constables’ Assoc. of Canada, Proc. of the annual convention (Toronto), 1912–1931.— International Assoc. of Chiefs of Police, Annual session (Washington), 1902.— Greg Marquis, « The early twentieth-century Toronto police institution » (thèse de ph.d., Queen’s Univ., Kingston, Ontario, 1987) ; Policing Canada’s century : a history of the Canadian Association of Chiefs of Police (Toronto, 1993).— Middleton, Municipality of Toronto, 1 : 178–180.— Desmond Morton, Maior Howland : the citizens’ candidate (Toronto, 1973).— National encyclopedia of Canadian biography, J. E. Middleton et W. S. Downs, édit. (2 vol., Toronto, 1935–1937), 1 : 178–180.— R. E. Riendeau, « Servicing the modern city, 1900–1930 », dans Forging a consensus : historical essays on Toronto, V. L. Russell, édit. (Toronto, 1984), 157–180.— Toronto, Chief constable, Annual report, 1886–1920.
Greg Marquis, « GRASETT, HENRY JAMES (1847-1930) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/grasett_henry_james_1847_1930_15F.html.
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Auteur de l'article: | Greg Marquis |
Titre de l'article: | GRASETT, HENRY JAMES (1847-1930) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |