GLEDHILL, SAMUEL, lieutenant-gouverneur de Plaisance (Placentia), né le 7 avril 1677, à Horbury, près de Wakefield, dans le Yorkshire, fils cadet de Robert Gledhill, apprêteur de drap, et d’Isabella Atkinson, décédé en 1735 ou en 1736.

Samuel Gledhill fit ses études à l’école communale de Wakefield et avec des précepteurs. Il n’avait pas encore 12 ans lorsqu’il s’enfuit de la maison paternelle pour s’enrôler dans l’armée ; mais on le ramena chez lui. Plus tard, et avec le consentement de ses parents cette fois, il entra au service de la marine et devint le secrétaire du capitaine Hovenden Walker (puis amiral, et chevalier). Gledhill se rendit ensuite en Espagne où il fut enlevé et vendu comme esclave dans les Antilles. Sa liberté retrouvée, il retourna en Espagne, puis en Italie. Promu au grade de lieutenant en 1702, et de lieutenant-colonel en 1707, il servit en Angleterre et dans les Pays-Bas. Il fut blessé et fait prisonnier par les Français au siège de Douai.

Gledhill avait épousé en 1702 Isabella Richmond de Carlisle, et ils eurent au moins neuf enfants. Huit ans plus tard, il posa sa candidature au siège parlementaire de Carlisle, mais ne fut pas élu. En 1712 on le nomma lieutenant gouverneur de Carlisle, avec titre nominal de capitaine dans le régiment d’infanterie du général Stanhope. Une fois la guerre terminée, Gledhill jugea que vivre avec pour seul revenu la demi-solde d’un capitaine ne lui convenait pas. Il se brouilla avec la famille de sa femme et demeura quelque temps à La Haye. Puis, grâce à l’influence du duc d’Argyll, il fut nommé lieutenant-gouverneur de Plaisance, à Terre-Neuve, en remplacement de Martin Purcell qui, en 1717, avait lui-même succédé à John Moody.

Le 3 septembre 1719, le navire sur lequel Gledhill avait pris place avec sa famille pour se rendre à son poste à Terre-Neuve fit naufrage au large de Ferryland Head. Fort heureusement, Gledhill et les siens furent rescapés et atteignirent Plaisance. Le nouveau lieutenant-gouverneur possédait suffisamment de fortune pour acquérir des droits sur un grand nombre de maisons et d’échafauds que Moody avait achetés lorsque les Français avaient abandonné Plaisance. En sa qualité de lieutenant-gouverneur de cet endroit, Gledhill relevait directement de Richard Philipps*, gouverneur de la Nouvelle-Écosse et de Plaisance. Dès son arrivée à Terre-Neuve, Gledhill prit le commandement de deux compagnies du régiment de Philipps. On lui accorda une allocation de £2 500 pour la construction de nouvelles fortifications. Or en 1720, Philipps ordonna que la garnison de Plaisance fût réduite à une seule compagnie de 40 hommes et qu’on persuadât les habitants de Terre-Neuve de passer en Nouvelle-Écosse. Gledhill dut consentir à cette réduction de personnel, de sorte que les travaux de fortification en cours furent abandonnés. Mais il refusa de proclamer publiquement que les habitants devaient quitter l’île, à moins que le secrétaire d’État « de qui relève cette terre », écrivit-il, ne lui en intime l’ordre.

Gledhill déclara plus tard que ses émoluments et ses allocations s’élevaient à £688, 15s., mais il était bien décidé à tirer le maximum de sa situation. En 1727, il possédait 24 propriétés et sa fortune s’élevait à plus de £11 000. Plusieurs de ses propriétés étaient inscrites aux noms de ses huit enfants dont trois filles nées à Terre-Neuve : Placentia, America et Carolina. Gledhill avait aussi investi de forts montants en navires. En 1727, il écrivait à un membre de sa famille : « J’ai arrangé mes affaires de telle façon que de quelque côté que souffle le vent il gonflera les voiles de l’un des navires de mes huit enfants, car chacun aura le sien ».

En 1726, sa femme et ses enfants retournèrent en Angleterre. Mme Gledhill y mourut peu après son arrivée. Dans ses lettres et ses notes éparses, Gledhill se plaint souvent de sa solitude. Par la suite, un de ses fils, Joseph, vint le rejoindre et accéda, grâce à son père sans doute, au grade de capitaine dans la compagnie de Gledhill. De plus, Joseph seconda son père dans maintes entreprises commerciales. En 1731, selon Gledhill, Plaisance comptait durant l’hiver 30 familles formant, à part la garnison, une population de 179 personnes qui dépendaient presque toutes de lui d’une manière ou d’une autre. Son nouvel entrepôt monopolisait le commerce local de même que celui créé par les quelque 2 000 hommes qu’amenait chaque année la saison de pêche. Il morcela la « grande grève » (Great Beach) et se mit à louer annuellement ces grèves, ainsi que d’autres terrains situés sur le littoral, aux pêcheurs pour leurs échafauds et leurs cuisines. Certains de ses navires étaient équipés pour la pêche et montés par des hommes de la garnison ; d’autres étaient loués à des capitaines marchands de passage. Comme sa flotte traversait souvent l’Atlantique, Gledhill avait un chargé d’affaires à Londres. Il se lança même dans la construction de navires à Plaisance.

Depuis son arrivée a Terre-Neuve, Gledhill n’avait cessé de préconiser des améliorations, comme la construction d’une route reliant Plaisance à Saint-Jean. À plusieurs reprises, les approvisionnements n’étant pas arrivés à destination, il pourvut de ses propres deniers aux besoins de ses hommes. Cependant, à mesure que ses affaires l’accaparaient, il négligeait le fort Frederick de Plaisance et sa garnison. Souvent aussi il omit de répondre à des lettres officielles, prétendant ne les avoir jamais reçues.

Si, par ailleurs, Gledhill faisait peu de cas des ordres de son supérieur, Philipps, il invoquait volontiers le titre du lieutenant-gouverneur dans ses rapports avec le commodore du convoi annuel de Terre-Neuve. Il refusait de reconnaître l’autorité du commodore dont les visites d’inspection l’irritaient, affirmant qu’il n’avait de comptes à rendre qu’à Philipps. Mais il collaborait étroitement avec les amiraux de la flotte de pêche chargés de régler les différends qui surgissaient durant la saison de pêche.

L’activité commerciale de Gledhill devait fatalement le mettre en conflit avec le Board of Trade and Plantations et avec les négociants anglais qui avaient des intérêts dans les pêcheries de Terre-Neuve. Ceux-ci étaient fermement décidés à faire obstacle aux activités des colons de l’ile, à défendre le droit de priorité sur les grèves et à régner sur le commerce de la colonie. Entre 1722 et 1727, les marchands de Londres, de Bristol, de Poole, de Dartmouth, de Bideford, de Barnstable et de Whitehaven, avaient à diverses reprises porté plainte contre Gledhill. On l’accusait de monopoliser le commerce des vins, des spiritueux et des lainages, d’utiliser les grèves comme si elles lui appartenaient et de les louer à Prix fort. On s’éleva aussi contre son projet de construction de navires, qui – disait-on – aurait pour effet d’épuiser les réserves de matériaux bruts nécessaires à la construction des échafauds et des cuisines.

On prétendit qu’il chassait de leurs maisons les personnes qui n’avaient pas l’heur de lui plaire et qu’il remplissait Plaisance de jacobites, de papistes irlandais et de criminels déportés. Un ancien membre de la garnison, Thomas Salmon, porta contre lui de graves accusations : Gledhill lui aurait enlevé son commerce de poisson, aurait saisi sa maison et aurait cruellement molesté sa femme et sa fille. Mais ce dernier sut trouver des témoins qui réfutèrent ces accusations.

Vers 1727, on commença à prendre au sérieux les plaintes portées contre le lieutenant-gouverneur et, en 1728, le Board of Trade fit observer au duc de Newcastle qu’il « fallait mettre fin à une telle i, nconduite ». On suspendit le traitement de Gledhill et, en mai 1729, il fut placé sous l’autorité du nouveau gouverneur de Terre-Neuve et commandant en chef, le capitaine Henry Osborn*, et sommé de rentrer en Angleterre. Avec preuves et témoins, il comparut à la fin de l’année 1729. Après plusieurs audiences devant un comité du Conseil privé, on le rétablit dans ses fonctions le 11 juin 1730. En août 1731, il revint à Terre-Neuve avec des renforts pour sa compagnie. Par la suite ses frictions avec les autorités britanniques furent moins fréquentes, peut-être parce qu’enfin il y avait à Terre-Neuve un gouverneur permanent, de qui le lieutenant-gouverneur de Plaisance relevait directement. Il n’était plus possible à Gledhill d’opposer son supérieur absent, le gouverneur de la Nouvelle-Écosse, aux commodores des convois annuels. En outre, à compter de 1731, année de son retour, Gledhill dut partager l’influence qu’il exerçait sur le milieu avec les juges de paix récemment nommés. À l’automne de cette même année, George Clinton*, premier des nombreux fonctionnaires du roi à cumuler les fonctions de gouverneur et de commodore, déclara que Plaisance était très difficile à administrer, « vu qu’il y a là un groupe de gens à qui il est impossible de plaire ». Mais dans l’ensemble Gledhill, maintenant âgé et riche, ne causa plus aucun ennui. En 1733, le gouverneur, le vicomte Muskerry [MacCarthy*], ne présenta aucune plainte contre lui.

Il semble bien que Samuel Gledhill ait été absent de Plaisance en septembre 1735 et qu’il mourut avant le 26 mai 1736, date où son fils, le capitaine Joseph Gledhill, prit charge de sa compagnie alors en bien triste état, et du fort Frederick laissé à l’abandon. On ignore, apparemment, ce qui restait de la fortune de Gledhill à son décès.

Samuel Gledhill marque une étape dans l’évolution de l’ordre établi à Terre-Neuve. En tant qu’officier de l’armée ne recevant qu’une mince solde de l’État, il s’intéressa à l’administration locale, mais il fut bientôt tenté de s’établir comme propriétaire foncier et comme marchand, et d’exercer un monopole. Chose certaine, il exploita sa situation aux dépens du gouvernement et se rendit coupable de maintes infractions aux règlements du commerce. Dans quelle mesure s’est-il rendu coupable d’abus d’autorité et de cruauté ? Il est difficile de le dire, mais il est certain qu’il s’est montré despotique envers ses concurrents. Ses lettres naïves et le portrait qu’il trace de lui-même le montrent très fier de ses succès. Son cas prouve qu’il était possible à un colon, établi dans une région récemment acquise à Terre-Neuve, de se bâtir sur les lieux un commerce lucratif et d’acquérir une grande fortune.

D. B. Quinn

W. H. Chippindall, Memoirs of Lt.-ColSamuel Gledhill, lieutenant governor of Placentia and commander-in-chief of Newfoundland from 1719 to 1727 [...] (Kendal, 1910).— PRO, Acts of P.C., col. ser., 1720–45 ; B.TJournal, 1718–22, 1722/23–1728, 1728/29–1734, 1734/35–1741 ; CSP, Col., 1719–20, 1720–21, 1722–23, 1724–25, 1728–29, 1730, 1731, 1735–36, 1737 ; C.TPapers, 1720–28 ; C.TBooks andPapers, 1731–34, 1735–38.— Lounsbury, British fishery at Nfld.— Prowse, History of Nfld.— Rogers, Newfoundland.— [C.G. Head, Eighteenth century Newfoundland [...] (Toronto, 1976).]

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D. B. Quinn, « GLEDHILL, SAMUEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gledhill_samuel_2F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    28 novembre 2024