GIRTY, SIMON (à l’origine, le nom était peut-être Geraghty), interprète au département des Affaires indiennes, né en 1741 à Chambers’ Mill (près de Harrisburg, Pennsylvanie), fils de Simon Girty et de Mary Newton ; en août 1784, il épousa Catharine Malott, une captive des Loups (Delawares), et ils eurent au moins deux fils et une fille ; décédé le 18 février 1818 à Amherstburg, Haut-Canada.

Simon Girty naquit au début de la dernière grande période de la guerre entre Indiens et Blancs qui se déroulait à l’est du Mississippi, et toute sa vie se passa dans la tourmente des combats. Selon toute apparence, son père fut tué par un Indien au cours d’une querelle d’ivrognes durant les années 1740 et sa mère se remaria. La famille tout entière fut capturée par une bande de guerriers vers 1756, et le beau-père de Girty périt sur le bûcher. Avec sa mère et ses frères George et James, Simon passa les trois années suivantes parmi les Indiens. Il vécut avec les Tsonnontouans – des Mingos, semble-t-il, ainsi que les Britanniques appelaient les Iroquois demeurant sur le cours supérieur de l’Ohio. Cette expérience allait fournir plus tard à ses ennemis maintes occasions de déformer les faits et, notamment, de le qualifier de « sauvage blanc ».

Entre le moment de sa libération et le début de la guerre d’Indépendance, il est probable que Girty passa la plus grande partie de son temps à faire la traite dans la vallée de l’Ohio. Sa maîtrise de la langue tsonnontouanne lui fut certainement d’un précieux secours et il apprit sans doute à se débrouiller en loup et en chaouanon, les deux autres langues importantes de la région. Il servit d’interprète au fort Pitt (Pittsburgh, Pennsylvanie) en plusieurs occasions et il fut lieutenant en second dans la milice de la Pennsylvanie. Peut-être à cause de ses rapports avec Alexander McKee*, agent des Affaires indiennes et loyaliste connu, Girty fut confiné à Pittsburgh lorsque la Révolution américaine eut atteint l’arrière-pays. En compagnie de McKee et de Matthew Elliott, il s’enfuit de la ville au printemps de 1778, et cette évasion fut l’événement qui prépara les épisodes les plus marquants de sa carrière.

Parvenus à Detroit, les trois hommes obtinrent des postes au département britannique des Affaires indiennes, Girty devenant interprète auprès des Six-Nations. Ce devait être un personnage impressionnant ; quelqu’un rappela par la suite : « C’était un homme magnifique, il faisait au moins six pieds et il avait une grosse tête et de grands yeux noirs. » Connaissant bien les habitudes des Indiens, Girty, Elliott et McKee furent en mesure d’utiliser leur hostilité à l’égard de l’expansion américaine de manière qu’elle serve la stratégie militaire des Britanniques. À l’été de 1779, un groupe d’Indiens de différentes tribus, auquel s’étaient joints Girty et Elliott, tendit une embuscade au détachement américain du capitaine David Rodgers qui tentait de remonter la rivière Ohio pour apporter des munitions au fort Pitt. Girty passa ensuite l’hiver dans le pays des Chaouanons, puis retourna à Detroit en mars 1780. Du 25 mai au 4 août, il s’absenta de nouveau, cette fois pour faire partie, avec Elliott et McKee, de l’expédition du capitaine Henry Bird qui se dirigeait vers les chutes de l’Ohio. Sur les instances des leaders indiens, le groupe modifia sa route et suivit la rivière Licking jusque dans le Kentucky. Les Indiens affrontaient leurs vieux ennemis, les colons du Kentucky, et ce ne fut certes pas sans difficulté qu’on réussit à les empêcher de tuer les prisonniers, mais le raid s’avéra un succès : deux postes furent pris et plus de 300 personnes furent capturées.

Les Américains répondirent à ce raid et à d’autres escarmouches en envoyant des expéditions de représailles contre les villages indiens. En mars 1782, les troupes du lieutenant-colonel David Williamson assassinèrent sans motif environ 90 Loups chrétiens à la mission morave de Gnadenhutten (Ohio) [V. Glikhikan*]. Lorsqu’une expédition dirigée par le colonel William Crawford fut défaite en juin, près de l’actuel Upper Sandusky, dans l’Ohio, quelques Loups sous la conduite de leur chef, Konieschguanokee (Captain Pipe), se vengèrent en torturant à mort l’infortuné commandant. Elliott et Girty étaient tous deux présents ; il semble que Girty se permit quelques tristes plaisanteries à l’endroit de Crawford tandis que celui-ci se mourait. La propagande américaine se repaissait des scènes de ce genre, et c’est à partir de cet événement que Girty s’attira de plus en plus la réputation de « sauvage ».

À titre officiel d’interprète, Girty assista à la plupart des conférences indiennes de la région de Detroit, durant et après la guerre d’Indépendance américaine. Avec McKee et Elliott, il observa la défaite de la ligue indienne à la bataille de Fallen Timbers (près de Waterville, Ohio) le 20 août 1794 [V. Weyapiersenwah]. Lorsqu’en 1796 les Britanniques eurent abandonné les postes situés au sud des Grands Lacs, Girty demeura sur la feuille de paie du département des Affaires indiennes, recevant 4 shillings 8 pence par jour, mais la période la plus active de sa vie était révolue.

Après la révolution, Girty et quelques autres fonctionnaires du département des Affaires indiennes avaient obtenu une vaste concession de terrain sur l’emplacement de l’actuel Amherstburg. Un grand nombre d’Indiens s’installèrent dans le voisinage et travaillèrent comme manœuvres dans les fermes. Au cours de la guerre de 1812, le département réquisitionna une partie du maïs de Girty afin de nourrir les Indiens, et la réclamation qu’il adressa au gouvernement fut l’un des derniers contacts officiels qu’il eut avec son ancien employeur. Lorsque le major général Henry Procter* quitta la région frontière de Detroit, pour battre en retraite, à l’automne de 1813, Girty le suivit très certainement : sa tête avait été mise à prix depuis la mort de Crawford. Quand les envahisseurs se retirèrent, il revint chez lui et passa ses dernières années dans le calme ; vieux et presque aveugle, rien ne lui plaisait autant que de se tenir dans son débit de boisson préféré et de raconter des histoires de sa carrière passée.

Simon Girty était très compétent dans son travail avec les leaders indiens, mais il avait des manières rudes, un caractère fantasque et une capacité de boire légendaire. Ses supérieurs n’apprécièrent pas toujours une telle combinaison de talents. « James Girty est maussade, écrivait Henry Bird en 1780, et Simon Girty est bon à rien, » Girty donnait beaucoup de rhum à ses travailleurs agricoles indiens et il parvenait même à enivrer les Indiens moraves, au grand scandale de David Zeisberger et des autres missionnaires. De tels incidents dissimulaient une sorte d’humour noir, résultant des conditions pénibles dans lesquelles il avait passé sa vie. Son comportement fournissait juste assez de matière à la vieille propagande pour que certains accordent foi aux histoires qui le présentaient comme un homme foncièrement méchant. Ces récits étaient répandus par des gens qui ne pouvaient pas voir que les hostilités entre les tribus de l’Ouest et la nouvelle république étaient causées non par l’attitude d’hommes comme Girty, mais par l’insatiable soif de territoires des colons blancs et par le refus de leur gouvernement à respecter ses ententes avec les Indiens.

Douglas Leighton

APC, MG 19, F1, 2 ; MG 23, HI, 4 ; RG 8, I (C sér.), 88 : 1 ; 258 ; RG 10, A1, 2 ; A2, 13.— Mich. Pioneer Coll. Wallace, Macmillan dict. (1963).— Thomas Boyd, Simon Girty, the white savage (New York, 1928).— C. W. Butterfield, History of the Girtys [...] (Cincinnati, Ohio, 1890).— F. X. Chauvin, Simon Girty (1741–1818; an address before the descendants of Simon Girty at Lakeside Park, Kingsville, Ont., September 5th, 1932 (s.1.s.d. ; copie à l’UWO).— D. R. Farrell, « Detroit, 1783–1796 : the last stages of the British fur trade in the old northwest » (thèse de ph.d., Univ. of Western Ontario, 1968).— Horsman, Matthew Elliott. U. J. Jones, Simon Girty, the outlaw, A. M. Aurand, édit. (Harrisburg, Pa., 1931).— R. S. Allen, « The British Indian Department and the frontier in North America, 1755–1830 », Lieux hist. canadiens, no 14 (1975) : 5–125.— N. V. Russell, « The Indian policy of Henry Hamilton : a re-valuation », CHR, 11 (1930) : 20–37.

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Douglas Leighton, « GIRTY (Geraghty), SIMON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/girty_simon_5F.html.

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Année de la publication:    1983
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