Titre original :  Simon Gibbons, born in Labrador, was the first Inuk to become an Anglican minister. (HARPER COLLECTION)

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GIBBONS, SIMON THOMAS, instituteur et ministre de l’Église d’Angleterre, né probablement le 21 juin 1851 à Forteau, Labrador, fils de Thomas Gibbons, pêcheur, et d’une Inuk qui mourut en couches ; le 26 mars 1878, il épousa à Clarenceville, Québec, Frances Eliza DuVernet, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 14 décembre 1896 à Parrsboro, Nouvelle-Écosse.

L’enfance de Simon Thomas Gibbons est entourée d’une multitude de légendes dont il inventa et diffusa sans doute lui-même une partie. On raconte encore, dans les paroisses qu’il desservit, qu’on le trouva sur une banquise au large du Labrador. Le premier document officiel où il est question de lui est le troisième rapport annuel du Church of England Widows and Orphans Asylum de St John’s où on l’admit le 5 novembre 1857 à l’âge de six ans. Le rapport signale : « Ce garçon est à moitié Esquimau, et la mort de son père l’a laissé dans la misère, tout comme trois frères et une belle-sœur (purs Esquimaux). M. [Algernon] Gifford, missionnaire de Forteau au Labrador, l’a envoyé à St John’s en demandant instamment qu’il soit admis chez nous. »

Selon un autre rapport de l’orphelinat, Simon Thomas manifestait « une intelligence exceptionnelle » ; à cause de sa « diligence et [de ses] progrès », on le plaça, en 1860, comme externe à l’école secondaire que tenait l’Église d’Angleterre et qui était dirigée par le révérend George Poulett Harris. Deux ans plus tard, on radia son nom de la liste de l’orphelinat car Sophia Mountain, veuve de Jacob George Mountain* et surintendante de l’établissement, le prit à sa charge. En 1867, Mme Mountain épousa l’évêque. de Terre-Neuve, Edward Feild* ; Simon devint donc membre de la maisonnée de l’évêque à St John’s. Après avoir terminé son cours secondaire, il poursuivit ses études et sa préparation au ministère auprès du révérend Hutchinson à Tilt Cove. Malheureusement, un incendie survenu au presbytère a détruit les archives de Tilt Cove ; aussi a-t-on peu d’indications sur cette période de la vie de Gibbons. Cependant, on sait qu’il appartint à un groupe renommé d’officiants laïques, instituteurs et catéchistes qui desservaient les petits ports de pêche de Terre-Neuve.

En 1875, Gibbons s’installa dans la province de Québec et assuma une charge du même genre dans le diocèse de Montréal. Au cours d’un bref séjour à Clarenceville, il manifesta ses qualités d’homme d’action : il enseignait à l’école secondaire administrée par l’Église, agissait à titre d’officiant laïque dans la paroisse et préparait le fils du rector, Frederick Herbert DuVernet, à ses examens d’entrée à l’université. (Il épouserait plus tard la fille du rector, Frances Eliza DuVernet.) En 1876–1877, il fit un séjour bref mais intensif au King’s College de Windsor, en Nouvelle-Écosse, pour se préparer à l’ordination. Le chanoine William Selwyn Hierliehy Morris, qui le connut au collège, raconta par la suite que « son physique typique d’Esquimau ne diminuait en rien sa popularité ». Par contre, Gibbons lui-même confia à un ami qu’au début de son séjour à Windsor certains étudiants l’avaient rudoyé parce qu’il était « différent ». Des photographies de lui montrent un homme trapu, au visage rond et plat, à la peau sombre, aux cheveux noirs, drus et raides, portant moustache. L’évêque de la Nouvelle-Écosse, Hibbert Binney*, ordonna Gibbons diacre le 25 février 1877, et prêtre le 17 mars de l’année suivante.

Pendant son trop bref ministère, Gibbons fut titulaire de trois paroisses néo-écossaises. Il servit d’abord à titre de missionnaire itinérant au Cap-Breton, et on le chargea plus particulièrement de la mission du comté de Victoria, où s’étaient installés des pêcheurs terre-neuviens. Il y montra que sa vigueur et son endurance lui permettaient de supporter des conditions difficiles. Selon le chanoine Morris, le chemin qui traversait son district était « à peine meilleur qu’une piste, souvent impraticable en hiver, sauf en raquettes ». Peu après son affectation, Gibbons écrivait à Thomas Fraser Draper, archidiacre de Louisbourg : « J’aurai beaucoup de marche à faire et devrai transporter sur mon dos de la nourriture et des vêtements de rechange. » Sac au dos (il avait demandé un havresac de soldat), il faisait le tour de sa mission. Des récits pittoresques de ses expériences hivernales circulent encore au Cap-Breton : il sautait sur les glaces flottantes pour traverser une anse, marchait à quatre pattes le long de la côte glacée pour aller célébrer les offices de Noël dans un village isolé ou gravissait en raquettes la piste escarpée et sinueuse qui franchissait le mont Smokey. Plus d’une fois, venant du nord, il arriva chez un ami après avoir franchi 100 milles à pied, épuisé, les chaussures tachées de sang, et s’effondra en franchissant le seuil.

En 1881 et 1882, Gibbons suspendit ces tournées harassantes pour se rendre en Grande-Bretagne : il manquait de fonds pour construire des églises dans sa mission. « Il avait, a dit le chanoine Morris, des qualités que ne possédait pas n’importe quel « collecteur » : une voix musicale, une grande facilité de parole, une personnalité attachante, et par-dessus tout un physique typiquement esquimau. Partout où il passait, il attirait de nombreux auditoires. » À ce sujet, Gibbons lui-même disait simplement : « Ma chance, c’est ma figure. » En Angleterre, il prêcha à l’abbaye de Westminster et parut devant la reine Victoria. L’aide financière qu’il reçut au cours de ses voyages lui permit de construire et de décorer deux églises et une maison au Cap-Breton et de confier 4 500 $ à l’évêque pour la dotation permanente de sa mission.

Un jour, en conversant avec Morris, Gibbons fit cette remarque : « J’ai passé un an de trop au Cap-Breton » ; jamais il ne prononça une phrase qui ressemblait davantage à une plainte. À la fin de 1885, après sept ans et demi de labeur épuisant, il passa à sa deuxième paroisse, Lockeport en Nouvelle-Écosse. L’une des deux régions ecclésiastiques du Cap-Breton porte le nom de Simon Gibbons en son honneur. Durant ses trois années à Lockeport, Gibbons desservit trois congrégations disséminées sur environ 35 milles le long de la côte sud de la Nouvelle-Écosse. Même si la tâche était beaucoup moins dure qu’à sa première paroisse, des indices montrent que sa santé se détériorait, et il dut passer six semaines aux Antilles en 1885. Deux ans plus tard, il retourna en Grande-Bretagne, dans l’espoir d’améliorer sa santé et de recueillir des dons pour sa paroisse. Il en revint avec de l’argent et une provision de meubles pour sa nouvelle église, à Jordan Falls.

On construisit trois églises dans la dernière paroisse de Gibbons, Parrsboro, où il s’installa en 1888. Lui-même travailla sur les trois chantiers, et chaque matin il versait une rasade de rhum aux ouvriers pour leur donner du cœur à l’ouvrage. On peut encore voir, sur la plupart des églises qu’il construisit dans la province, le clocher dont il les a ornées et qui porte le nom de « casque rhénan » à cause de la forme des pignons. Son zèle et l’énergie qu’il avait consacrée à amasser des fonds pour ces édifices lui ont valu le titre de « champion des constructeurs d’églises du diocèse ».

Voyager constamment dans les conditions les plus primitives n’empêchait pas Simon Thomas Gibbons de déployer de grands talents quand il s’adressait à un auditoire. En outre, les journaux locaux et étrangers, telles les publications ecclésiastiques du diocèse et du pays, publiaient de vivants reportages sur ses activités et réalisations ainsi que sur celles de ses paroissiens. L’aptitude remarquable qui lui permettait d’aider autrui à saisir que « Dieu aime celui qui donne avec joie » était étroitement liée à ses dons d’orateur. Le soir même de sa mort, parfaitement conscient de sa fin proche, il prononça un sermon puissant sur le thème « Il nous faut mourir ». On l’inhuma au cimetière de la paroisse de Parrsboro pendant l’une des pires tempêtes de neige du siècle. Ainsi se termina le bref ministère d’un prêtre exceptionnel.

Leonard Fraser Hatfield

On trouve une biographie complète du sujet dans le livre de L. F. Hatfield, Simon Gibbons : first Eskimo priest ; the life of a unique clergyman and church builder (Hantsport, N.-É., 1987).

Une grande partie des documents consultés demeurent en possession de particuliers, y compris les journaux personnels et albums de Mme Olive Canning de Wards Brook (près de Parrsboro, N.-É.), qui ont été confiés à Mlle Hazel Slater (Wards Brook) ; une collection de coupures de journaux rassemblés par Mme Helen Fraser de Parrsboro se trouve aux mains de sa nièce, Mme W. B. Bruce Fullerton (Parrsboro) ; et les journaux personnels de David Harris Jenks de Diligent River, N.-É., conservés par Jack F. Layton (Innisfail, Alberta), et dont on peut obtenir des exemplaires à la St George’s Anglican Church de Parrsboro. Une copie du manuscrit de T. F. Draper, « A history of the church in Cape Breton » (1901), est en possession de l’auteur (une version dactylographiée se trouve aux PANS).

On a fait une étude poussée des copies de documents de la SPG aux AN (MG 17, B1). La correspondance de Gibbons quand il était dans le comté de Victoria, N.-É., présente un intérêt particulier et on en trouve une transcription aux AN (D.58/N.S. : 89 ; D.66/N.S. : 49, 54, 58 ; D.70/N.S. : 109–112). Son rapport de sa mission de 1879 est disponible sur microfilm aux AN et dans d’autres dépôts d’archives dont les EEC, General Synod Arch. (Toronto), et aux PANS, comme c’est le cas pour les papiers d’Algernon Gifford à Forteau (C/Nfl., box II/27, folder 316).

Diocese of Nova Scotia Arch. (Halifax), W. S. H. Morris, « True clerical experiences » ; Statistics for the parishes of Victoria County, Lockeport, and Parrsboro.— EEC, Diocese of Montreal Arch., St George’s (Clarenceville, Québec), records, 1875–1878, including Clarenceville Academy records ; reg. of marriages, 16 mars 1878.— Holy Trinity Anglican Church (Lockeport, N.-É.), Records, 1885–1888.— St George’s Anglican Church, Records of the parishes of St George’s and Holy Trinity (Port Greville, N.-É.), 1888–1896.— St James’ Cemetery and Crematorium (Toronto), Burial records, F. E. [DuVernet] Gibbons, 23 nov. 1918.— St Peter’s and St John’s Anglican Church (Baddeck, N.-É.), Records of the mission of Victoria County, Cape Breton, 1877–1885.— Univ. of King’s College Library (Halifax), Matriculation records, 1876.— Church Guardian (Moncton, N.-B. ; Halifax ; Montréal ; St John’s), 1879–1895.— Church Observer (Springhill, N.-É.), 4 janv. 1897.— Church Work (Digby, N.-É. ; Halifax), 1875–1897.— M. W. Morley, Down north and up along (New York, 1900).— Newfoundland Church of England Widows and Orphans Asylum, Annual report (St John’s), 1858–1863 (copies disponibles à l’EEC, Diocese of Newfoundland Arch., et au Queen’s College, Memorial Univ. of Nfld., tous deux à St John’s ; les archives diocésaines possède la collection complète de ces Reports).— SPG Report (Londres), 1878–1896.— Crockford’s clerical directory [...] (Londres), 1891.— Univ. of King’s College, The calendar of King’s College, Windsor, Nova Scotia [...] (Halifax), 1876–1878.— VG. Kent, The origins of the Anglican Church in Cape Breton (s.l., 1985).— RJ. Morgan, « Heroes of Anglican Christianity in Cape Breton » (communication faite devant l’EEC, Synod of Nova Scotia, Sydney, 1985).— J. H. Purchase, The parish of St. Andrew’s Church, Neil’s Harbour, Nova Scotia : 100th anniversary, 1877–1977 (s.l.n.d.).— Chris Thomas, Holy Trinity Anglican Church in Jordan Falls, Shelburne Co., N.S. (s.l.n.d.).— « The Anglican Church celebrating 200 years in Cape Breton », Cape Breton Post (Sydney), 11 mai 1985, suppl.— Canadian Churchman, 26 sept. 1929 : 635.— M. A. Gibson, « Churches by the sea », Chronicle-Herald (Halifax), 22 nov. 1980.— W. S. H. Morris, « Simon Gibbons, travelling missionary in Cape Breton, 1877–1885 : a memoir », Church Work (Middleton, N.-É.), 57 (1935), no 7 : 10–11 ; no 8 : 7.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Leonard Fraser Hatfield, « GIBBONS, SIMON THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gibbons_simon_thomas_12F.html.

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Auteur de l'article:    Leonard Fraser Hatfield
Titre de l'article:    GIBBONS, SIMON THOMAS
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
Date de consultation:    28 novembre 2024