GERRISH, MOSES, colon, juge de paix et fonctionnaire, né le 10 juin 1744 à Byfield Parish, Newbury, Massachusetts, fils de Moses Gerrish et de Mary Moody ; le 13 octobre 1774, il épousa Ruth Ingalls à Andover, Massachusetts ; décédé le 30 juillet 1830 au large de l’île Grand Manan, Nouveau-Brunswick.

La loyauté de Moses Gerrish à la cause britannique ne se démentit jamais. Contraint d’abandonner sa maison au Massachusetts lors de la Révolution américaine, il trouva refuge chez les Britanniques, dans le district du Maine. Toutefois, quand ce territoire fut cédé aux États-Unis à la fin des hostilités, il dut partir de nouveau. Il s’établit alors à l’île Grand Manan, dans la baie de Fundy. Durant trois décennies, on ne put savoir avec certitude lequel des combattants de jadis, les États-Unis ou la Grande-Bretagne, était le véritable propriétaire des îles de la baie de Fundy. Dans une lettre du 20 février 1817 adressée à Ward Chipman, représentant du gouvernement britannique auprès des commissaires chargés de délimiter les frontières, Gerrish écrivait : « Je suis presque arrivé au terme de ma vie, et ce serait une grande humiliation que de perdre Grand Manan et d’être contraint par mes concitoyens de déménager de nouveau ou de vivre sous leur gouvernement. » Une autre fois, il déclara que s’il avait eu le moindre soupçon en 1783 que Grand Manan pouvait appartenir aux États-Unis, il aurait retiré la demande qu’il avait faite en vue d’obtenir la concession de l’île. Il ne voulait avoir aucun lien avec la république et, à son grand soulagement, l’île fut cédée à la couronne britannique plus tard en 1817.

Gerrish s’était inscrit au Harvard College en 1758 et il obtint une licence ès arts avec la promotion de 1762. Il enseigna plusieurs années dans des établissements situés en haut de la rivière Connecticut mais, au début de la révolution, il alla s’installer à Lancaster, au Massachusetts, avec son frère Enoch, sur une terre appartenant à sa famille. Accusés le 30 juin 1777 d’être « dangereux pour cet État et pour les autres États unis d’Amérique », les deux frères furent arrêtés, et on confisqua leur terre. Ils furent libérés un an après, pour une question de procédure mais, moins de deux jours plus tard, les autorités ordonnèrent de nouveau leur arrestation. Heureusement, Gerrish et son frère avaient eu le temps de s’enfuir. En octobre 1778, on apprit que Moses avait contribué à faire passer de la fausse monnaie émise à New York par les Britanniques afin de causer la déflation de la monnaie locale.

On retrouve ensuite Gerrish comme fonctionnaire au commissariat de l’armée britannique au fort George (Castine, Maine). Ce fort avait été construit à l’embouchure de la rivière Penobscot en juin 1779 par une expédition britannique sous les ordres de Francis McLean*. Gerrish prit bientôt part à la défense du poste lorsque celui-ci fut assiégé sans succès pendant 21 jours par des troupes américaines en juillet et août. En bâtissant le fort George, on avait voulu créer une province britannique à laquelle on aurait donné le nom de New Ireland et qui se serait étendue de la rivière Penobscot jusqu’à la rivière Sainte-Croix, constituant ainsi un asile pour les réfugiés loyalistes [V. John Caleff*]. Cependant, selon les termes du traité de paix conclu le 30 novembre 1782 et signé le 3 septembre 1783, la province que l’on se proposait de former fut englobée dans le territoire des Etats-Unis. Entretemps, les Associated Loyalists de la Penobscot envoyèrent des émissaires reconnaître le territoire situé juste à l’est de la rivière Sainte-Croix, en Nouvelle-Écosse, endroit où ils allaient s’établir. En janvier 1784, tous les loyalistes, dont Gerrish et certains soldats licenciés, avaient déjà été évacués de la région de la Penobscot [V. William Gallop*].

Même si Gerrish avait obtenu un lot de grève dans ce qui est maintenant le comté de Charlotte, il décida de ne pas s’y fixer. Le 30 décembre 1783, John Parr*, gouverneur de la Nouvelle-Écosse, avait accordé à John Jones, Thomas Oxnard, Thomas Ross, Peter Jones et Moses Gerrish le permis « d’occuper, jusqu’à révocation, l’île Grand Manan ainsi que les petites îles adjacentes à la pêcherie, avec la liberté de couper du bois de charpente et du bois d’œuvre à des fins de construction ». Espérant obtenir la concession de Grand Manan, les détenteurs du permis entreprirent d’y établir un certain nombre de familles, mais ils ne réussirent pas à attirer le contingent requis et durent renoncer à leur projet. Gerrish et ses compagnons arrivèrent dans l’île le 6 mai 1784, l’année même où le Nouveau-Brunswick devint une province distincte, et ils commencèrent à s’installer de façon permanente. Thomas Oxnard et Peter Jones ne se prévalurent jamais de leur permis d’occupation, tandis que John Jones vendit ses intérêts à d’autres en 1786. Quant à Ross, qui était capitaine de navire, il assurait une liaison commerciale avec la terre ferme et faisait du transport maritime pour son propre compte. Bien qu’il ait établi sa famille dans l’île, il vivait loin des siens la plupart du temps, et c’est donc à Gerrish qu’échut la responsabilité d’administrer les affaires civiles de la jeune communauté.

Nommé juge de paix, Gerrish assista aux séances de la Cour des sessions générales à St Andrews, chef-lieu du comté de Charlotte. Il fut aussi nommé sous-receveur des douanes impériales à St Andrews et, bien qu’on ne possède pas de preuves, il servit sûrement vers la fin de sa vie en qualité de trésorier adjoint chargé de percevoir les droits de douane que le Nouveau-Brunswick avait imposés de son propre chef. En effet, il était commode en 1830 de combiner ces deux postes dans les petits ports d’entrée. Étant donné qu’après la venue des colons il allait s’écouler près de 40 ans avant que des ministres du culte ne s’installent à demeure dans l’île Grand Manan, Gerrish fut aussi nommé commissaire chargé de célébrer les mariages.

Entre autres initiatives, Gerrish acheta un couple d’orignaux en 1784 et les transporta dans l’île, où ils eurent tôt fait de se multiplier. Comme ces animaux étaient menacés d’extermination, le Parlement provincial adopta une loi en 1810 afin d’assurer leur protection, une des premières lois sur la conservation de la faune dont il est fait mention en Amérique du Nord britannique. Une disposition particulière accordait exclusivement à Gerrish et aux personnes autorisées par lui la permission de chasser et de tuer ce gros gibier. Plus tard, la loi tomba en désuétude, si bien qu’en 1835, cinq ans seulement après la mort de Gerrish, les orignaux avaient disparu.

La croissance de la petite communauté ne se fit pas sans peine. Les demandes des premiers colons pour qu’on leur concède des terres sur une base individuelle ne furent acceptées qu’en 1806. En outre, au cours des 22 années qui s’étaient écoulées depuis la fondation de la colonie, l’occupation des lots par les nouveaux colons dans le cadre du système des permis avait créé des situations fâcheuses. Ainsi, de temps à autre, les fondateurs étaient accusés injustement de spéculer sur des terres pour lesquelles ils ne détenaient aucun titre régulier de propriété. De plus, les habitants de l’île vécurent dans l’incertitude jusqu’en 1817 en raison du différend frontalier avec les États-Unis.

La maison de Gerrish était bâtie dans l’île Ross, qui était la plus rapprochée de l’île Grand Manan. En 1830, alors qu’il revenait de célébrer un mariage au village de Seal Cove situé à environ quatre milles de chez lui, son embarcation chavira et il se noya. Son corps fut repêché et inhumé à l’île Ross ; rien n’indique aujourd’hui l’endroit exact de sa sépulture. Sa femme, Ruth, mourut au Massachusetts cinq ans plus tard. Apparemment, le couple vivait séparé depuis près de 50 ans, et l’on ne peut que présumer que la guerre et la révolution avaient brisé leur mariage comme, d’ailleurs, celui de bien d’autres.

Moses Gerrish avait consacré 46 ans de sa vie à faire venir des colons dans l’île Grand Manan et à bâtir ce qui est devenu maintenant une agglomération de pêcheurs florissante. Il ne fait aucun doute que Gerrish était doué d’une façon peu commune pour le rôle qu’il joua. Un de ses contemporains qui l’a bien connu a dit de lui : « Il manifestait plus de sens commun dans ses écrits qu’aucune autre personne de ma connaissance. » Plus tard, un historien fit la remarque suivante : « La vie à Grand Manan devait offrir un charme bien particulier pour cet homme solitaire qui aurait pu occuper avec honneur un rang beaucoup plus élevé dans la société. » L’amour que portait Gerrish à cette île magnifique et sa loyauté envers la Grande-Bretagne lui importaient plus que tout.

L. K. Ingersoll

On a longtemps cru que Moses Gerrish était célibataire. Son mariage avec Ruth Ingalls – le certificat se trouve au Mass., Dept. of the State Secretary, Arch. Division (Boston) – a d’abord été mentionné dans The genealogy and history of the Ingalls family in America [...], Charles Burleigh, compil. (Malden, Mass., 1903), 51, mais, par la suite, personne ne donne cette information dans les biographies de Gerrish.  [l. k. i.]

Winslow papers (Raymond).— Sabine, Biog. sketches of loyalists.–Shipton, Sibley’s Harvard graduates.— International adjudications, ancient and modern : history and documents [...] modern series, J. B. Moore, édit. (6 vol., New York, 1929–1933), 6.— W. H. Siebert, The exodus of the loyalists from Penobscot to Passamaquoddy (Columbus, Ohio, 1914).— Jonas Howe, « Letters and documents relating to the history and settlement of the island of Grand Manan [...] », N.B. Hist. Soc., Coll., 1 (1894–1897), nº 3 : 341–365.

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L. K. Ingersoll, « GERRISH, MOSES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gerrish_moses_6F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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