GAGNON, PHILÉAS (baptisé Jean-Philéas), tailleur, bibliophile, homme politique, auteur et fonctionnaire, né le 6 mai 1854 à Québec, fils de Charles Gagnon, menuisier puis commerçant, et d’Hortense Caron, nièce de René-Édouard Caron* ; le 29 janvier 1883, il épousa en l’église Saint-Roch de Québec Annie Smith, et ils eurent dix enfants ; décédé le 25 mars 1915 dans sa ville natale et inhumé le 29 au cimetière Notre-Dame de Belmont, à Sainte-Foy.
Philéas Gagnon étudia successivement chez les instituteurs Charles Dion et Honoré Rousseau, à Québec, puis à l’académie commerciale Saint-Jean-Baptiste de Charles-Joseph-Lévesque Lafrance. À 15 ans, il devenait apprenti tailleur, puis, cinq ans plus tard, il s’établissait à son propre compte au coin nord-est des rues Sainte-Marguerite et Anne (rue de la Chapelle). Ses débuts en affaires correspondent également à l’époque où il fit sérieusement ses premières armes dans la société restreinte et quelque peu aristocratique des bibliophiles du temps tels que Louis-Édouard Bois*, Henri-Raymond Casgrain*, Pierre-Joseph-Olivier Chauveau* et Narcisse-Henri-Édouard Faucher* de Saint-Maurice.
Malgré une formation scolaire relativement mince et de modestes revenus de tailleur, Gagnon réussit, par des achats judicieux dans les nombreuses ventes à l’encan locales, par l’utilisation d’encarts publicitaires dans des revues spécialisées même étrangères, et par la publication de ses propres catalogues de vente, dans lesquels il offrait le surplus de ses acquisitions, à se bâtir une collection que ses contemporains, historiens, chercheurs et littérateurs, à la fois plus scolarisés et mieux nantis, allaient reconnaître comme la meilleure et la plus complète au Canada. La publication à compte d’auteur, en 1895, du catalogue raisonné de la bibliothèque de Gagnon, intitulé Essai de bibliographie canadienne, dans lequel il présentait les résultats de 20 ans de passion pour la bibliophilie, devait révéler au grand jour les richesses de cette collection qui n’était connue à ce moment que du seul cercle des intimes du tailleur québécois. Il s’agit d’une collection aussi vaste qu’hétéroclite comprenant livres, brochures, journaux, revues, estampes, gravures, portraits, manuscrits, soit publiés ou relatifs au Québec, et couvrant la période qui va du début de la colonisation jusqu’à la fin du xixe siècle.
La réputation d’érudit, de chercheur méticuleux et d’historien consciencieux que contribua à répandre la publication de son travail valut à Gagnon sa nomination, le 18 février 1898, au poste de conservateur des Archives judiciaires du district de Québec, puis, le 25 février 1909, à celui de protonotaire adjoint de la Cour supérieure pour le district de Québec.
Gagnon s’occupa aussi de politique municipale, principalement à titre de conseiller du quartier Jacques-Cartier de 1888 à 1892, puis d’échevin de 1892 à 1896. En outre, il collabora assez régulièrement, surtout après la publication de son Essai, à plusieurs revues à caractère historique, en particulier au Bulletin des recherches historiques, où, quand il ne signait pas lui-même un article, il était constamment cité comme source ou référence. Il participa également, de 1888 à 1890 environ, à la rédaction de l’hebdomadaire québécois l’Union libérale, en qualité de responsable d’une chronique historique pour laquelle il utilisa le pseudonyme de Biblo.
Gagnon fut, de plus, membre de quelques sociétés, entre autres, de la Société littéraire et historique de Québec, où il remplit notamment la charge de conservateur du musée à partir de 1907 ; l’année suivante, il devint membre actif de la Société de géographie de Québec et, en 1910, fit partie de son conseil d’administration.
L’ampleur de son œuvre de bibliophile tout comme le sort qu’on réserverait à celle-ci tracassa souvent Gagnon qui, dès 1885, envisageait la possibilité de se départir de sa collection. C’est manifestement ce but qu’il poursuivait en envoyant ses catalogues de vente aux grandes bibliothèques américaines qui souhaitaient se doter d’un bon secteur d’ouvrages sur le Canada et en les invitant à lui emprunter pour examen son catalogue manuscrit. Cinq ans plus tard, il fit une offre à la Bibliothèque de la Législature, qui arrêta cependant son choix sur la bibliothèque de Pierre-Joseph-Olivier Chauveau. Plus les années passaient et plus l’idée de vendre sa collection se faisait pressante. À l’été de 1905, Gagnon fit une offre sans suite au gouvernement fédéral. Ce ne fut finalement qu’en 1910, par l’entremise du principal de l’école normale Jacques-Cartier, l’abbé Nazaire Dubois, que la ville de Montréal acquit sa bibliothèque.
Philéas Gagnon ne devait pas avoir la satisfaction de voir sa collection servir à l’enrichissement culturel des Montréalais, car celle-ci fut entreposée jusqu’à ce que soit construit l’édifice de la Bibliothèque municipale de Montréal en 1917. Frédéric-Edmond Villeneuve, bibliothécaire municipal, publia toutefois, en 1913, à partir des fiches bibliographiques de Gagnon, le second tome d’Essai, contribuant ainsi à parachever une œuvre bibliographique d’autant plus remarquable qu’il s’agissait d’une entreprise individuelle qui allait contribuer à conserver une partie importante du patrimoine bibliographique québécois. Philéas Gagnon marque un point tournant dans la bibliophilie et la bibliographie canadiennes en ce sens qu’une aventure comme la sienne allait avoir de moins en moins de chance de se répéter par la suite, les organismes privés et publics prenant peu à peu la relève au détriment des collectionneurs individuels.
Philéas Gagnon est l’auteur d’Essai de bibliographie canadienne ; inventaire d’une bibliothèque comprenant imprimés, manuscrits, estampes, etc., relatifs à l’histoire du Canada et des pays adjacents [...] (2 vol., Québec et Montréal, 1895–1913 ; réimpr., Dubuque, Iowa, [1962]) ; le second volume qui contient les éléments ajoutés à la collection Gagnon, depuis 1895 à 1909 inclusivement, d’après les notes bibliographiques et le catalogue de l’auteur, a été publié sous la direction de F.[-E.] Villeneuve.
AC, Québec, État civil, Catholiques, Saint-Jean-Baptiste (Québec), 29 mars 1915.— AN, MG 26, G : 100415–100416 ; MG 29, D10.— ANQ-M, P-31.— ANQ-Q, CE1-22, 7 mai 1854, 29 janv. 1883 ; P-89.— Arch. privées, Mme Monique Gagné (Québec), Philéas Gagnon, « Notes de famille », manuscrit de 255 pages dont une photocopie est conservée à la salle Gagnon de la Bibliothèque de la ville de Montréal.— ASQ, Fonds Verreau-Gagnon, 30 ; Polygraphie, XXXV–XXXVII, XLII.— Marie Baboyant, « Philéas Gagnon et la « Collection Gagnon » de la Bibliothèque de la ville de Montréal »,dans Livre, bibliothèque et culture québécoise : mélanges offerte à Edmond Desrochers, s.j., sous la dir. de G.-A. Chartrand (2 vol., Montréal, 1977), 311–336.— Claude Duchesne, Bio-bibliographie de M. Philéas Gagnon ([Montréal, 1947]).— Daniel Olivier, « Philéas Gagnon, bibliophile » (mémoire de m.bibl., univ. de Montréal, 1978).
Daniel Olivier, « GAGNON, PHILÉAS (baptisé Jean-Philéas) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gagnon_phileas_14F.html.
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Auteur de l'article: | Daniel Olivier |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |