GAGNON, CHARLES-ANTOINE-ERNEST, notaire, homme politique, auteur et fonctionnaire, né le 4 décembre 1846 à Rivière-Ouelle, Bas-Canada, fils d’Antoine Gagnon, marchand, et de Julie-Adèle Pelletier, sœur de Charles-Alphonse-Pantaléon Pelletier* ; le 14 juin 1870, il épousa dans la paroisse Notre-Dame-de-Liesse, à Rivière-Ouelle, Marie-Malvina Gagnon, et ils eurent cinq filles et trois fils ; décédé subitement le 11 juin 1901 à Québec et inhumé le 14 dans le cimetière de Rivière-Ouelle.

Fils d’une des plus anciennes familles de la province de Québec, Charles-Antoine-Ernest Gagnon passe son enfance à Rivière-Ouelle et fait ses études classiques au collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, de 1859 à 1863. Admis à l’étude du notariat l’année suivante, il obtient ses lettres de nomination en 1869 et se fixe dans sa paroisse natale. Il exerce sa profession et occupe divers postes : secrétaire-trésorier du conseil municipal ainsi que de la commission scolaire, et trésorier de la fabrique. De 1873 à 1878, il est évaluateur des terrains pour la Compagnie de chemin de fer Intercolonial tout en remplissant, de juin 1874 à mars 1878, les fonctions de garde d’épaves. Il est également président du bureau de liquidation de la Compagnie d’assurance de Stadacona contre le feu et sur la vie.

En politique, Gagnon suit les traces de son « compatriote », le lieutenant-gouverneur Luc Letellier* de Saint-Just. Il est élu sous la bannière libérale aux élections provinciales de 1878 dans la circonscription de Kamouraska, mais par seulement 25 voix de majorité. Le Parti libéral ne parvient que difficilement à se maintenir au pouvoir. La destitution de Letellier de Saint-Just en juillet 1879, puis la chute du gouvernement de Henri-Gustave Joly, en octobre, amènent Gagnon sur les bancs de l’opposition.

À partir de ce moment, Gagnon se montre un adversaire farouche et un critique féroce du gouvernement conservateur tout en défendant sans relâche l’intégrité de l’ex-ministère Joly et celle de Letellier de Saint-Just, auquel il continue de vouer une très grande admiration. En juillet 1880, il fait partie d’un groupe de libéraux qui lance un organe de parti, l’Électeur, publié quotidiennement à Québec. Jusqu’à la fin de 1881, il occupe le poste de gérant de la société éditrice du journal dont Ernest Pacaud est le rédacteur en chef. Par suite de la publication, en avril 1881, d’un article non signé, intitulé « la Caverne des 40 voleurs », qui vise tout particulièrement Louis-Adélard Senécal*, financier lié aux conservateurs, Gagnon est arrêté pour diffamation. Remis en liberté en attendant son procès, il se trouve, à son corps défendant, au centre d’une controverse politico-judiciaire qui prend fin pour lui avec la confession de l’auteur de l’article incriminé, Wilfrid Laurier*.

Nullement échaudé par cette affaire, Gagnon poursuit sa carrière politique et brigue les suffrages dans sa circonscription aux élections générales de novembre 1881. Cette fois, sa majorité n’est plus que d’une seule voix, et l’élection est annulée par les tribunaux en janvier 1883. Toutefois, à l’élection partielle tenue à la fin de ce mois, Gagnon l’emporte à nouveau avec 61 voix de majorité. Aux élections générales d’octobre 1886, il est réélu par 63 voix.

À l’Assemblée législative, Gagnon défend tant les intérêts de sa circonscription que les mesures qu’il croit justes et nécessaires à la bonne marche du système politique et judiciaire. Parmi ses nombreuses interventions, celle en faveur de la reconstruction du palais de justice de Kamouraska, détruit par un incendie, et celle contre le transfert du chef-lieu du district judiciaire dans la circonscription voisine de Témiscouata demeurent marquantes. En outre, très préoccupé des dépenses de l’administration publique, même s’il avoue n’être « pas financier », il harcèle les ministres, notamment sur les coûts de l’instruction publique, de la colonisation ou des chemins de fer, dont le chemin de fer de Québec, Montréal, Ottawa et Occidental qui compte Senécal parmi ses administrateurs. Les interventions de Gagnon portent la marque de sa formation en droit et de son intérêt pour le notariat. Habile procédurier, il participe activement aux débats entourant l’administration de la justice, la réforme de la loi électorale, du Code civil, du Code municipal, des lois régissant le notariat et des règlements de la Chambre. De plus, il fait partie de la Chambre des notaires de la province de Québec, dont il sera président de 1885 à 1890.

Avec la chute du gouvernement conservateur, en janvier 1887 [V. John Jones Ross ; sir Louis-Olivier Taillon*], le Parti national d’Honoré Mercier* accède au pouvoir, et de nouvelles perspectives s’ouvrent à Gagnon. Le 29 janvier, il est nommé secrétaire et registraire de la province dans le cabinet Mercier. Tenu de démissionner de son poste de député et de solliciter un nouveau mandat, il est élu sans opposition, deux semaines plus tard, dans Kamouraska. Il hérite de la responsabilité des écoles de réforme et d’industrie, de la santé publique, des établissements de bienfaisance et de l’imprimerie de la reine. Son séjour relativement court au cabinet (à peine un peu plus de trois ans) ne lui permet pas de laisser une œuvre majeure. Son nom demeure cependant attaché à deux mesures : la loi de 1889 qui, pour dépolitiser la fonction publique, prive les employés de leur droit de vote et celle de mars 1889 qui assure le respect des contrats passés avec les propriétaires d’asile, même si le gouvernement de Ross avait adopté quatre ans plus tôt, un projet de loi qui lui assurait la supervision médicale des asiles.

Rude, prompt, direct et peu porté à la diplomatie, Gagnon est singulièrement craint et détesté par ses adversaires politiques qui, selon Robert Rumilly*, « le disent indécrottable ». Après son accession au cabinet, son tempérament se révèle quelque peu mal approprié à ses nouvelles fonctions, d’autant plus qu’il fait contraste avec la modération d’un Mercier. L’opposition conservatrice n’hésite d’ailleurs pas à le qualifier d’« ours mal léché ». Mal à l’aise dans un cadre qui l’empêche de donner sa pleine mesure, il se console en se tournant vers l’histoire, les lettres et les arts. Ainsi, en tant que secrétaire et registraire de la province, il fait publier plusieurs documents d’archives, dont la Collection des manuscrits du maréchal de Lévis, éditée par Henri-Raymond Casgrain, et s’attire les louanges de l’élite intellectuelle ; à titre personnel, il collabore à plusieurs revues et journaux, dont la Bibliothèque internationale de l’Alliance scientifique universelle, tome 1, fascicule 3, colligé par le comité de Québec (1892), et il est reçu officier d’académie par le gouvernement français.

Le 9 mai 1890, Gagnon démissionne et est nommé shérif du district de Québec, poste qu’il occupera jusqu’à sa mort. Tandis qu’une bonne partie de ses électeurs de Kamouraska lui voue fidélité, au point de croire à une démission forcée et d’espérer qu’il continue sa carrière politique comme député indépendant, l’opposition jubile et a du mal à le cacher.

Notaire intéressé à la vie publique, Charles-Antoine-Ernest Gagnon s’est toujours affiché comme libéral et s’est montré un fidèle et précieux lieutenant qui n’a jamais hésité à défendre les intérêts du parti, de sa politique, de ses collaborateurs, de son chef. Bien que certains aient pu voir chez lui des aptitudes au leadership, Gagnon est demeuré une personnalité politique de second plan, utile par sa fougue et ses qualités professionnelles, certes, mais qui pouvait devenir gênant une fois le pouvoir acquis.

Richard Lapointe

AC, Kamouraska (Rivière-du-Loup), État civil, Catholiques, Notre-Dame-de-Liesse (Rivière-Ouelle), 14 juin 1900.— ANQ-BSLGIM, CE4-1, 5 déc. 1846, 14 juin 1870.— ANQ-Q, E4 ; E17 ; P-88.— Bibliothèque de l’Assemblée nationale (Québec), Div. de la recherche, dossiers des parlementaires.— L’Électeur, avril–nov. 1881, partculièrement 27 avril, 14 nov. 1881.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth).— Index général des Journaux de l’Assemblée législative de la province de Québec [...] Louis Fortier, compil. (Québec, 1893).— Québec, Assemblée législative, Débats, 1879–1890.— J.-E. Roy, « l’Honorable C.-A.-E. Gagnon, président de la Chambre des notaires (1885–1890) », la Rev. du notariat (Lévis, Québec), 3 (1900–1901) : 329–335, 357–362.— P.-G. Roy, « les Shérifs de Québec », BRH, 40 (1934) : 441–443.— RPQ.— Rumilly, Mercier et son temps.

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Richard Lapointe, « GAGNON, CHARLES-ANTOINE-ERNEST », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gagnon_charles_antoine_ernest_13F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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