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FREEMAN, BARNABAS (Barnard) CORTLAND (Courtland) (on l’appelait parfois Cortland et il signait habituellement B. C.), instituteur, missionnaire et ministre de l’Église méthodiste et de l’Église unie, et auteur, né le 30 juillet 1869 dans le comté de Frontenac, Ontario, fils de Barnabas Courtland Freeman et de Sarah Lake ; le 28 décembre 1892, il épousa à Elginburg (Kingston, Ontario) Ida Lawson, et ils eurent trois filles et quatre fils ; décédé le 17 décembre 1935 dans la réserve indienne Cape Mudge no 10, Colombie-Britannique.
Barnabas Cortland Freeman se disait né de parents « pauvres, mais respectables », d’ascendance loyaliste. Fils d’un prédicateur méthodiste, il fut marqué par la religion pendant ses premières années. À l’âge de 14 ans, il rencontra un apprenti prédicateur du Queen’s College, à Kingston, venu en suppléance dans la communauté presbytérienne de la ville : il connut alors un éveil religieux. Après avoir terminé ses études secondaires, Freeman obtint un brevet d’enseignement, profession qu’il exerça durant cinq ans à Elginburg.
La colonisation européenne rapide de l’Ouest canadien à la fin du xixe siècle séduisit de nombreux jeunes Ontariens en quête de nouvelles possibilités. Quand un pasteur de la ville l’encouragea à se consacrer à l’œuvre missionnaire, Freeman offrit de travailler pour la Conférence de l’Église méthodiste du Manitoba et du Nord-Ouest. En 1892, il était à Red Deer Hill (Saskatchewan). Cet été-là, dans une lettre publiée dans le Christian Guardian de Toronto, le révérend Ebenezer Robson de la Colombie-Britannique disait chercher un missionnaire pour les Haïdas de Skidegate, dans les îles de la Reine-Charlotte (Haida Gwaii). Freeman se porta volontaire, même s’il ne savait presque rien des nations de la région. On accepta sa candidature, et il fut prestement ordonné pasteur méthodiste à Winnipeg, tandis qu’il se dirigeait vers l’Ontario pour épouser sa fiancée.
Skidegate, en 1893, était un village christianisé, et le travail qu’y avaient réalisé des missionnaires au cours des 20 années précédentes impressionna Freeman. Ce dernier partageait l’opinion dominante de la société canadienne à la fin de l’époque victorienne, selon laquelle les Premières Nations devaient se transformer complètement pour passer de ce que lui et d’autres nommaient la « sauvagerie » à la civilisation. Cette vision des choses se refléta dans ses différents engagements et ceux de sa femme durant la décennie où ils vécurent à Skidegate. Ils prêchèrent l’Évangile, gérèrent un externat et codirigèrent avec les Haïdas une société par actions produisant de l’huile de chien de mer. Freeman et sa famille, qui grandissait, apprirent la langue haïda et gagnèrent l’affection de la population de Skidegate et des autres villages qu’ils traversèrent. Fait particulièrement révélateur de cette relation : au moins un des enfants Freeman nés à Skidegate reçut son nom des Haïdas.
En 1903, Freeman fut muté à Port Simpson (Lax Kw’alaams), sur le continent, et, l’année suivante, à Port Essington. Après avoir passé 17 ans parmi les Premières Nations, Freeman délaissa le travail missionnaire en 1910 pour occuper une charge dans le sud de la Colombie-Britannique, afin de donner à ses enfants l’accès à des études secondaires. À Cumberland, Revelstoke, Cranbrook, Coquitlam et Vancouver, il desservit des communautés méthodistes qui, après 1925, se joignirent à l’Église unie du Canada [V. Samuel Dwight Chown ; Clarence Dunlop Mackinnon]. En 1920, on l’honora en le nommant à la présidence de la Conférence de l’Église méthodiste de la Colombie-Britannique. Il prit une brève retraite en 1933 ; plus tard la même année, il se porta volontaire comme missionnaire dans la réserve Cape Mudge no 10, au large de l’île de Vancouver. Il y mourut subitement d’un infarctus en 1935.
Auteur enthousiaste, Freeman écrivit un nombre impressionnant de poèmes durant sa carrière, dont une vingtaine parurent dans le Christian Guardian et le New Outlook (né de la fusion du Christian Guardian et de deux autres revues confessionnelles en 1925), ainsi que dans d’autres périodiques ecclésiastiques. Sa poésie révèle un homme contemplatif, qui trouvait l’inspiration – et le divin – dans la nature. Dans Pagan, publié dans le New Outlook le 24 avril 1926 sous le titre Wild acreage, Freeman écrivit : « Ô vous, théologiens, venez et voyez ! Dieu rit dans ce ruisseau. » Sense of the infinite (1925), Esoteric (non daté) et Wood-spell (1927) comptent parmi ses nombreux poèmes qui tentent d’appréhender l’intangible. Il y aborde des thèmes chrétiens comme l’amour, la foi et le péché dans le contexte du salut individuel et comme outils de critique sociale. Malgré son ton souvent enjoué, la poésie de Freeman témoigne d’une profonde inquiétude relative aux grands bouleversements des premières décennies du xxe siècle au Canada. Il explore le terrible tribut de la guerre, le matérialisme suffisant des années 1920 et l’exploitation du travailleur ordinaire pendant la Grande Guerre et la grande dépression dans des poèmes comme War (1932), The wrecking of the Wesley Church (non daté) et Song of the relief man (1933).
Les essais et les écrits en prose de Freeman attestent ses rapports étroits avec les cultures des Premières Nations de la côte britanno-colombienne. Les articles liés à son œuvre missionnaire destinés à des périodiques ecclésiastiques et, plus tard, ses nouvelles montrent à quel point ces cultures frappèrent son imagination et son réel souci pour le bien-être des Premières Nations dans une société marquée par des changements rapides. Son opuscule intitulé The Indians of Queen Charlotte Islands, publié à Toronto vers 1904, rend compte de sa connaissance de l’histoire et des pratiques culturelles des Haïdas. Il préconisait l’établissement d’un « foyer » dans la mission de Skidegate, où les parents pourraient laisser leurs enfants aux soins d’instructeurs missionnaires durant la saison de chasse et de pêche, en soulignant les avantages de cette solution par rapport au placement des enfants dans des pensionnats éloignés [V. Allen Patrick Willie]. Il déplorait qu’« après un certain nombre d’années, [les élèves des pensionnats reviennent] auprès des leurs complètement en décalage par rapport à [leur] ancienne vie et mal préparés à la reprendre parmi eux ». Néanmoins, malgré son grand intérêt pour les Premières Nations, son opinion à leur sujet changea peu. Dans ses écrits, il les présenta comme une noble race rongée à la fois par ses propres superstitions et par les maux attribuables à ses contacts avec la société eurocanadienne.
Freeman écrivit une pièce sur Thomas Crosby*, missionnaire méthodiste bien connu qui l’avait précédé à Port Simpson, intitulée Thomas Crosby, a pageant. Celle-ci resta inédite, mais des sympathisants des missionnaires méthodistes la jouèrent peut-être en Ontario. La pièce fait l’éloge du travail missionnaire de Crosby ; fait intéressant, à la fin, le personnage d’Indian Manhood critique toutefois la société blanche et défend la valeur des cultures des Premières Nations. Freeman commença également l’écriture d’un roman qu’il ne finit jamais, Gedanst, sur un jeune Haïda de haut rang de ce nom qui, après sa conversion au christianisme, prit celui d’Amos Russ. Le message principal des écrits de Freeman est clair : faire connaître l’Évangile du Christ aux Premières Nations rachèterait à la fois ces peuples et la société dominante. D’ailleurs, il sentait que son travail missionnaire servait à cette fin. En 1930, dans une lettre personnelle, il écrivit que lui manquaient beaucoup le « contact direct » avec les Premières Nations et le large éventail de responsabilités qu’il avait assumées auprès d’elles, deux aspects qui l’avaient rapproché, au début de sa carrière, du vrai ministère.
Barnabas Cortland Freeman contribua à la croissance et à la vitalité de l’Église méthodiste et de l’Église unie en Colombie-Britannique durant plus de quatre décennies. Ses préoccupations quant aux effets sociaux des changements en cours dans la société canadienne modelèrent son travail. Il croyait que l’ordre social émergent ne devait oublier ni ce qu’il décrivait comme les « aspirations nobles » de l’humanité ni l’appel chrétien à lutter contre les injustices sociales.
Barnabas Cortland Freeman est l’auteur de « Mission work on Queen Charlotte Islands », Methodist Magazine and Rev. (Toronto), 56 (juillet-décembre 1902) : 202–213.
EUC, B.C. Conference Arch. (Vancouver), Arch. Reference Coll., Biographical files (Freeman, B. C.), box 2082 ; B. C. Freeman fonds, boxes 569–570.— Kingston Whig-Standard (Kingston, Ontario), 17 janv. 1936.— Brant Gibbard, « Brant Gibbard’s genealogy pages » : www.bgibbard.ca/genealogy (consulté le 28 juill. 2015).— Methodist Church, Missionary Soc., Annual report (Toronto), 1893–1906.— F. C. Stephenson, « The Rev. B. C. Freeman : a pioneer missionary in British Columbia », United Church Record and Missionary Rev. (Toronto), 11 (juin 1936) : 16–17.
Nicholas May, « FREEMAN, BARNABAS CORTLAND (Barnard, Courtland) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/freeman_barnabas_cortland_16F.html.
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Auteur de l'article: | Nicholas May |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2019 |
Année de la révision: | 2019 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |