FOX, TERRANCE STANLEY (que l’on appelait Terry Fox), marathonien et collecteur de fonds pour la recherche sur le cancer, né le 28 juillet 1958 à Winnipeg, fils de Rolland Murray Fox et de Betty Lou Wark ; décédé le 28 juin 1981 à New Westminster, Colombie-Britannique.

Terrance Stanley Fox était le deuxième enfant de Rolland Murray Fox, surnommé Rolly, aiguilleur de la Canadian National Railway Company, et de sa femme, Betty Lou, employée à temps partiel dans un magasin de cartes. Il grandit avec un frère aîné, Fred, et une sœur et un frère cadets, Judith et Darrell. Au milieu des années 1960, sa famille partit de Winnipeg pour s’établir à Vancouver, puis à Port Coquitlam, où Terry passerait le reste de sa vie. Il connut une enfance normale au sein d’une famille nucléaire de la classe moyenne, fréquenta l’école et participa à des activités sportives. Un fort esprit de compétition l’habitait dans tous les sports, mais surtout au basketball. Selon l’un de ses entraîneurs à l’école secondaire, Bob McGill, il n’était pas très doué, du moins au départ. De plus, il était petit pour un basketteur ; au début de la huitième année, il ne mesurait que cinq pieds (1,52 mètre). Déterminé à intégrer l’équipe de son école, il s’exerça sans relâche et atteignit son but. Il demeura membre de l’équipe tout au long de ses études secondaires.

Son diplôme obtenu, Fox s’inscrivit au programme de kinésiologie de la Simon Fraser University, à Burnaby, à l’automne de 1976 ; il espérait devenir professeur d’éducation physique. Pendant ses études, il continua de prendre part à des compétitions sportives, souvent avec son ami d’enfance, Doug Alward. Cette même saison, il fut accepté dans l’équipe de basketball de l’université.

Le 12 novembre 1976, Fox eut un accident d’automobile. Même si sa voiture fut une perte totale, il s’en sortit indemne, à l’exception d’un genou contusionné. Au fil des semaines et des mois, la douleur, loin de se résorber, devint de plus en plus difficile à endurer. Un omnipraticien lui recommanda de consulter un spécialiste. Le 3 mars 1977, avant son rendez-vous, la douleur lancinante et insoutenable obligea son père à l’amener au service des urgences.

Le résultat fut inattendu. Au lieu d’une déchirure de ligament, comme Fox le croyait, l’examen révéla une tumeur maligne. On diagnostiqua un ostéosarcome, type de cancer peu fréquent qui atteint plus les jeunes hommes que les jeunes femmes. À la fin des années 1970, le traitement prescrit était l’amputation, suivie de chimiothérapie pour empêcher la propagation de cellules cancéreuses.

La nouvelle fut « un choc total » pour Fox, qui n’eut pas beaucoup de temps pour s’apitoyer sur son sort. Le 9 mars, moins d’une semaine après le diagnostic, il subit l’intervention chirurgicale. Il s’habitua rapidement à ses béquilles et suivit des séances de physiothérapie pour se familiariser à la marche avec une jambe prothétique. Il fit de bons progrès et retourna à ses études et au sport peu de temps après son opération.

Pendant l’été de 1977, Richard Marvin Hansen, dit Rick, athlète en fauteuil roulant, demanda à Fox de se joindre à son équipe de basketball. Hansen avait été membre actif de l’Association canadienne des sports en fauteuil roulant et encouragea Fox à utiliser à bon escient le temps qu’il passait dans son fauteuil. Fox hésita, car il connaissait sa nature compétitive et craignait qu’un échec ne le mène à une amère déception. Pourtant, il accepta d’assister aux épreuves de sélection et se joignit à l’équipe. Il participa à des tournois de basketball tout en recevant de la chimiothérapie et son équipe remporta trois titres nationaux. Son nom figura dans un journal pour la première fois le 7 mai 1979, quand, dans le Vancouver Sun, on souligna son rôle dans la victoire.

Les 16 mois de chimiothérapie à la British Columbia Cancer Control Agency, où Fox avait dû se rendre toutes les trois semaines, furent plus difficiles à supporter que de réapprendre à marcher. Son séjour au centre anticancéreux fut encore plus éprouvant et l’expérience le marqua profondément. On lui donnait beaucoup d’espoir quant à ses chances de survie, mais il vit de nombreux jeunes enfants dont les cas étaient pires que le sien et qui avaient peu ou pas de chances de guérison.

Pendant son passage au centre, Fox prit conscience de la détresse des victimes du cancer et de la nécessité de trouver des remèdes aux diverses formes de la maladie. La recherche sur le cancer avait déjà connu quelques progrès remarquables dans les années 1970 et on informa Fox que le taux de survie pour le type de cancer qui l’affligeait était passé de 15 % en 1974 (deux ans avant son diagnostic) à au moins 50 % au moment de son traitement. Il en tira la conclusion que plus on mènerait de recherches, plus les médecins auraient de chances de trouver un traitement curatif. Pourtant, malgré certaines avancées, le financement était rare et les chercheurs se tournaient souvent vers d’autres domaines, même si le cancer était, depuis les années 1930, la deuxième cause de décès au Canada après les maladies cardiovasculaires, tant pour les hommes que pour les femmes.

Terri Fleming, l’un des entraîneurs de Fox à l’école secondaire, lui apporta, peu avant son amputation, un article du Runner’s World, publié à Mountain View, en Californie, sur Dick Traum, qui avait participé au marathon de New York avec une jambe artificielle. Cette histoire inspirante, conjuguée à son expérience difficile au centre anticancéreux, donna à Fox l’idée de traverser le Canada à la course dans le but de recueillir des fonds pour la recherche sur le cancer. Au début de 1979, il commença à s’entraîner seul et consignait dans un journal les distances franchies, son apport calorique, ainsi que ses travaux universitaires. En guise d’exercice, il s’inscrivit au Labour Day Classic, marathon tenu à Prince George, en espérant accomplir la moitié du trajet. Il termina au dernier rang, mais parvint à la ligne d’arrivée. Il continua de s’entraîner quotidiennement et, quelques semaines plus tard, commença à informer ses amis et sa famille de son intention de traverser le Canada en courant. Au début, sa mère s’opposa à cette proposition. Son ami Alward accepta cependant d’emblée de l’accompagner dans ce périple. Ils se mirent rapidement d’accord : Fox courrait et Alward conduirait, cuisinerait, ferait le ménage, s’occuperait des relations avec les médias et planifierait la collecte de fonds. Fox et Alward préparèrent un itinéraire provisoire de 8 530 kilomètres et Fox, à l’aide du système impérial, calcula qu’en parcourant 30 milles (48 kilomètres) par jour, il pourrait partir de St John’s, à Terre-Neuve, le 12 avril 1980, et arriver à Port Renfrew, en Colombie-Britannique, le 10 septembre. À cette période de l’année, il pourrait éviter la plus grande partie du temps froid. Il n’avait toutefois jamais dépassé 37 kilomètres par jour pendant son entraînement.

Le 15 octobre 1979, Fox s’adressa au bureau de la Société canadienne du cancer (SCC), division de la Colombie-Britannique et du Yukon, pour solliciter son appui. Dans une lettre devenue célèbre, Fox déclarait : « Quelque part, la souffrance doit s’arrêter. » D’abord réticente, la SCC consentit à le parrainer à condition qu’il obtienne la permission de son médecin et se soumette à des examens médicaux réguliers tout au long de sa course. La société proposa le nom de Marathon de l’espoir et fixa son objectif de collecte à un million de dollars. Fox avait également écrit à d’autres organismes et nombre d’entre eux acceptèrent de l’aider dans son projet : les Amputés de guerre du Canada offrirent de remplacer sa prothèse au besoin, la Ford Motor Company of Canada Limited fournit une camionnette, l’Imperial Oil Company Limited contribua aux frais d’essence, la Canada Safeway Limited envoya des bons alimentaires, l’Adidas Canada Limited donna des chaussures de course, et les billets d’avion de Fox et d’Alward pour se rendre sur la côte est furent remboursés par la Pacific Western Airlines Limited et des donateurs privés.

Les deux jeunes hommes quittèrent la Colombie-Britannique au début du mois d’avril 1980, s’installèrent à St John’s et continuèrent leurs préparatifs. Fox donna quelques entrevues avant le début du marathon. À sa première apparition à la télévision, il était raisonnablement certain de sa capacité à réaliser son objectif ultime de traverser le pays au complet à pied : « Si je ne réussis pas, ce sera quelque chose que personne ne pourrait réussir. » Il se mit en route le 12 avril 1980, après un départ officiel donné par la mairesse, Dorothy Wyatt. Quelques journalistes de l’endroit couvrirent l’événement.

Fox recueillit graduellement des appuis pour sa cause pendant sa traversée de Terre-Neuve, qu’il termina le 6 mai ; cependant, son accueil dans les autres provinces de l’Atlantique varia considérablement d’un endroit à l’autre. Les médias canadiens tardèrent à s’intéresser à son histoire. En effet, même si de nombreux journaux le mentionnèrent, le coup d’envoi du marathon fut la plupart du temps relégué aux pages centrales et on y donnait peu d’information. Le Toronto Star fit exception en y affectant une journaliste, Leslie Scrivener, qui fournit des comptes rendus hebdomadaires presque dès le début de la course. À l’occasion, des gens s’alignaient le long de la route pour acclamer le coureur, et quelques familles accueillirent Fox et Alward chez elles, leur offrirent des repas et un endroit pour se doucher et dormir, alors quà d’autres moments, Fox arriva dans des villes absolument non préparées, voire non informées de sa visite. Comme les bureaux provinciaux de la SCC pouvaient décider de l’aider ou non, le soutien fut inégal, comme il le nota dans son journal. Par exemple, il y eut beaucoup de réceptions et d’activités connexes, et de nombreuses personnes l’encouragèrent pendant sa traversée de Terre-Neuve, de l’Île-du-Prince-Édouard (du 24 au 27 mai) et du Nouveau-Brunswick (du 27 mai au 10 juin). Le succès de la campagne de collecte de fonds à Channel-Port aux Basques, à Terre-Neuve, élevèrent les attentes de Fox pour le Marathon de l’espoir. Après que la petite ville de 10 000 habitants eut réussi à recueillir 10 000 $, il crut possible de récolter au moins un dollar par Canadien. Cependant, la Nouvelle-Écosse (du 7 au 24 mai) et le Québec (du 10 au 28 juin) firent peu, parce que les organismes de la SCC dans ces provinces avaient décidé de ne pas promouvoir le marathon ou, du moins, n’avaient pas exercé de pressions auprès du personnel local pour organiser des activités. Comme la course de Fox eut lieu peu de temps après la propre campagne annuelle de collecte de fonds de la SCC, certaines sections ne disposaient pas de l’effectif nécessaire pour amorcer une autre sollicitation. De plus, même si les bureaux locaux de l’organisme avaient pu prendre l’initiative de mettre sur pied un plan d’accueil, il avait été entendu, pendant les étapes de planification, qu’Alward était responsable de s’assurer que les médias locaux étaient au courant de l’arrivée de Fox. Le faible taux de participation à certaines activités créa de la tension entre Fox et Alward, tous deux désireux de réussir le marathon, mais dépourvus d’expérience (et d’appui) dans la gestion des relations publiques et des médias.

Outre qu’il dut s’adapter aux divers degrés d’enthousiasme dans les provinces de l’Atlantique, Fox eut aussi à affronter le climat printanier imprévisible, notamment de forts vents et des chutes de neige qui rendirent la chaussée glissante : « Il neigeait et [faisait un temps] exécrable, et j’avais une pente énorme à monter », nota-t-il dans son journal du 4 mai, après avoir traversé St George’s, à Terre-Neuve. À ces défis s’ajoutaient les nombreux problèmes physiques que Fox devait endurer : ampoules douloureuses, chute d’ongles d’orteil, moignon saignant et endolori, ennuis mécaniques avec sa jambe artificielle, qui n’était pas conçue pour supporter le stress qu’il exerçait sur elle. Des épisodes d’étourdissements et des difficultés respiratoires occasionnelles, qu’on attribuerait à la propagation de l’ostéosarcome, firent de sa course quotidienne un véritable combat. De surcroît, ses rapports avec Alward restaient difficiles.

Les premières semaines de la course ébranlèrent les deux jeunes hommes. La promiscuité combinée à des disputes régulières sur leurs responsabilités respectives rendit l’expérience éprouvante. Parfois, Fox avait le sentiment qu’Alward n’en faisait pas assez pour atteindre le public et les médias, tandis que ce dernier trouvait sans doute ardu de satisfaire les attentes de Fox. À un certain moment, la relation était si tendue qu’ils se parlaient à peine, ce qui incita Fox, à bout de patience, à appeler ses parents, de la Nouvelle-Écosse, pour leur faire part de sa situation pénible. Sa famille vint les rejoindre peu après, et une discussion franche entre Fox et Alward renoua bientôt leur amitié. Deux semaines plus tard, à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, le jeune frère de Terry, Darrell, se joignit à eux pour poursuivre la course. La famille Fox comptait sur la nature enjouée de Darrell pour prévenir l’apparition de nouvelles tensions, mais ces problèmes étaient chose du passé.

La traversée du Québec inquiétait Fox même avant son arrivée, le 10 juin, car ni Alward ni lui ne parlaient français. Dans cette province, des gens l’invectivèrent au bord de la route, soit parce qu’il ralentissait la circulation, soit parce qu’à leur avis il prenait des risques inconsidérés ; peu de gens se rassemblèrent pour l’accueillir, ce qui signifiait peu d’argent amassé. Un jour, près de Drummondville, la police locale exigea qu’il change d’itinéraire, car le trajet prévu était jugé trop dangereux en raison de l’encombrement à l’occasion du congé provincial du 24 juin. Or, le nouveau parcours nuisit directement à la visibilité du marathon. Fox exprimerait sa conviction que si la course avait fait l’objet d’une meilleure publicité au Québec, les résidents auraient répondu avec enthousiasme, tout comme d’autres Canadiens l’avaient fait. « C’était très décevant ; ce n’est pas parce qu’ils sont francophones et nous, anglophones. Tout le monde peut avoir le cancer », nota-t-il. Les personnes qui l’appuyaient étaient fières de le faire. À Montréal, il fit la connaissance et obtint l’appui d’Isadore Sharp, propriétaire de la chaîne d’hôtels Four Seasons, qui promit de fournir 2 $ par mille parcouru et incita 999 autres entreprises canadiennes à l’imiter.

Après le découragement qu’ils avaient éprouvé au Québec, Fox et Alward gardèrent un souvenir plus positif de leur arrivée en Ontario. Une foule accueillit Fox quand il traversa la frontière, à Hawkesbury, le 28 juin. En fait, la SCC lui avait demandé de ralentir sa cadence au Québec afin de donner à ses bureaux régionaux ontariens suffisamment de temps pour organiser un programme à son intention. Il entra dans la capitale nationale le 1er juillet et y ouvrit un match hors concours de la Ligue canadienne de football. Le 4 juillet, il rencontra le premier ministre, Pierre Elliott Trudeau* ; à la grande déception de Fox, celui-ci avait été mal informé. « Il ne semblait pas savoir grand-chose de la course […] Il ne savait même pas que je courais pour [la recherche sur] le cancer », écrivit-il dans son journal.

À son arrivée à Toronto, toutefois, Fox était déjà une célébrité, et les médias de tout le pays commencèrent à publier des mises à jour régulières de son marathon, au moins toutes les deux semaines, voire hebdomadairement, comme le faisait le Toronto Star. Le passage à Toronto, le 11 juillet, fut aussi fructueux pour la collecte de fonds qu’en matière de publicité et de sensibilisation du public. Au cours d’un événement, Fox s’adressa à une foule d’environ 10 000 personnes réunies au Nathan Phillips Square. La SCC évalua à 100 000 $ la somme récoltée ce jour-là.

Tout compte fait, Fox, ayant amorcé son marathon à la mi-avril, acquit sa renommée assez rapidement. La cause pour laquelle il courait trouvait écho auprès de plus en plus de Canadiens, d’où en partie sa montée fulgurante en popularité après l’épisode de Toronto. Les attributs de Fox jouèrent un rôle crucial dans son succès : il était extrêmement photogénique (beau jeune homme qui avait l’air sympathique), il s’exprimait bien et donnait l’impression d’être modeste et sans prétention. Le charisme qu’il dégageait convenait parfaitement pour attirer l’attention des médias.

Après Toronto, Fox poursuivit sa course en Ontario, où chaque ville qu’il traversa lui réserva un bon accueil. Sa célébrité semblait parfois lourde à porter et on le dérangeait de plus en plus fréquemment : « Je ne peux pas courir un quart de mille sans que quelqu’un vienne me parler. » Ces intrusions compliquèrent la situation à un point tel que la SCC publia des directives dans l’Ottawa Citizen : « Il fera des apparitions pendant [ses] haltes. Les compagnons de route devraient faire preuve de “maturité” et rester au moins à dix pieds de lui. » Par ailleurs, même si Fox était reconnaissant pour les nombreuses activités de collecte de fonds désormais organisées en son nom partout où il passait, concilier les exigences sociales du marathon et un horaire de course éreintant le mena à la limite de ses forces. Certains événements l’obligèrent à ralentir, à dévier considérablement de son parcours ou à s’arrêter complètement. Des commanditaires se mirent à lui demander de promouvoir leur marque ou leur entreprise, ce qu’il refusa de faire systématiquement et avec véhémence. Par exemple, à Niagara Falls, il déclina l’invitation de faire une apparition au parc d’attractions Marineland, parce qu’on lui interdisait de solliciter des dons ; il était en colère de voir que des gens veuillent l’utiliser pour obtenir un gain financier.

À mesure que grandit la célébrité de Fox, les reportages portèrent de plus en plus sur sa vie privée plutôt que sur la course, changement qui finirait par détériorer sa relation avec les médias. Des articles qui dénonçaient son tempérament explosif et son indifférence à l’égard de sa santé commencèrent à paraître, mais ils furent reçus négativement par le public. Souvent, la SCC observerait une augmentation des dons à la suite de commentaires critiques. Certains journalistes exprimèrent de l’inquiétude quant au message que Fox véhiculait en accomplissant une mission aussi difficile et peut-être imprudente. D’autres décrivaient son moignon qui saignait, son souffle cardiaque découvert avant son départ et qui n’était pas surveillé ou le manque de bilans médicaux réguliers (exigés par la SCC). En général, Fox répondait à ces commentaires en disant : « Je connais mon propre corps. » Le texte qui le rendit sans doute le plus furieux vint d’un chroniqueur de New Westminster, Raymond Douglas Collins, qui déclara que Fox avait traversé le Québec en voiture, et non à pied. On publia vite une rétractation.

Lorsque Fox arriva près de Thunder Bay, en Ontario, il se sentit plus faible que d’habitude et souffrait d’étourdissements fréquents. Le 1er septembre, après avoir supporté une douleur intense à la poitrine, il demanda à consulter un médecin. Des examens révélèrent que le cancer s’était répandu : une tumeur s’était logée dans chaque poumon. Celle du poumon gauche, de la grosseur d’un poing, se trouvait trop proche du cœur pour être opérable. La chimiothérapie était la seule solution. Le lendemain, dans une conférence de presse, Fox annonça qu’il devait abandonner son marathon temporairement, tout en promettant de continuer dès qu’il en serait capable. Il retourna dans sa famille et amorça la thérapie. Il avait franchi 5 373 kilomètres, soit une moyenne de 42 par jour, et avait amassé 1,7 million de dollars. Les dons commencèrent alors à affluer à la SCC. Fox reçut des lettres et des télégrammes d’encouragement et d’appui du monde entier. L’ex-président des États-Unis, Gerald Rudolph Ford, et le pape Jean-Paul II figuraient parmi les sympathisants, à l’instar de milliers de Canadiens. De nombreux journaux laissèrent entendre qu’il avait fait plus pour l’unité nationale que toute autre personne, commentaires grandement influencés par le contexte politique à un moment où les leaders provinciaux avaient peine à s’entendre sur le rapatriement de la constitution [V. René Lévesque ; Pierre Elliott Trudeau]. Fox demanda aux gens de ne pas continuer la course pour lui ; le CTV Television Network organisa plutôt en toute hâte un téléthon de cinq heures, diffusé le 9 septembre, qui permit de recueillir 10 millions de dollars. Le 1er février 1981, Fox réalisa son rêve d’amasser un dollar par Canadien ; le pays comptait alors 24,1 millions d’habitants et le Marathon de l’espoir avait rapporté 24,7 millions de dollars.

Fox reçut de nombreux honneurs entre le jour de son diagnostic à Thunder Bay et son décès dix mois plus tard. Le 18 septembre 1980, il devint le plus jeune récipiendaire de l’ordre du Canada. Le gouverneur général, Edward Richard Schreyer, se rendit à Port Coquitlam où se tint la cérémonie. Cette récompense était habituellement attribuée deux fois par an à des dates précises, mais Schreyer et ses conseillers décidèrent qu’il fallait faire une exception en raison de la maladie de Fox et de « sa contribution au pays ». Le 21 octobre, le premier ministre de la Colombie-Britannique, William Richards Bennett, lui remit la plus haute distinction honorifique de sa province, l’Order of the Dogwood. Le 22 novembre, l’American Cancer Society lui décerna le prix Sword of Hope. Le 18 décembre, sa prouesse athlétique fut soulignée par le prix Lou Marsh, attribué au meilleur athlète canadien de l’année par des représentants des médias sportifs du Canada, et le 23 décembre, des membres de la Canadian Press Limited l’élurent personnalité de l’année. Fox accepta d’être conseiller pour le scénario d’un film qui serait produit sur lui et il apprit qu’en son honneur, un timbre serait émis et une statue érigée près de Thunder Bay. Pendant ce temps, à la suggestion d’Isadore Sharp, on décida que les hôtels Four Seasons et la SCC organiseraient une course comme activité annuelle de collecte de fonds dans certaines villes canadiennes. La Journée Terry Fox deviendrait une tradition qui se poursuivrait au xxie siècle.

Fox essaya plusieurs médicaments, notamment le controversé interféron, qui n’avait pas encore donné de résultats positifs dans les études cliniques. Tous les traitements échouèrent et il mourut le 28 juin 1981, un mois avant son vingt-troisième anniversaire. La nouvelle de son décès se répandit dans le monde entier. Des drapeaux furent mis en berne, honneur habituellement réservé à des personnes du monde politique et des chefs de gouvernement. Quelque 200 invités assistèrent aux obsèques nationales célébrées en Colombie-Britannique et télédiffusées dans tout le pays. D’autres cérémonies commémoratives eurent lieu ailleurs ; le premier ministre Trudeau était présent à celle d’Ottawa.

On transféra l’argent amassé pendant le Marathon de l’espoir dans un fonds spécial de l’Institut national du cancer du Canada, organisme de recherche de la SCC, parce que Fox avait précisé que les sommes recueillies durant sa course devaient être consacrées à la recherche plutôt qu’à des programmes de prévention ou de sensibilisation. En 1988, la famille Fox rompit ses relations avec la SCC et prit en charge la gestion du fonds et la course annuelle. En agissant par l’entremise de la Fondation Terry Fox constituée cette année-là, les membres de la famille réussirent à réduire les coûts administratifs qu’ils avaient jugés excessifs. Jusqu’en 2009, la fondation fut dirigée par la mère de Fox, Betty Lou, qui mourut deux ans plus tard. Le frère cadet de Fox, Darrell, assuma alors la direction de l’organisme ; son frère aîné, Fred, se chargea des communications et sa sœur, Judith, veilla aux aspects internationaux du travail de la fondation. En 2010, la Journée Terry Fox, tenue chaque année dans plus de 25 pays et 750 lieux, avait recueilli plus de 600 millions de dollars en 29 ans.

Outre le monument près de Thunder Bay, où il fut contraint de renoncer au marathon, on trouve un grand nombre de statues de Fox au Canada, notamment à St John’s, Ottawa, Vancouver, Prince George et Victoria, ce qui fait de lui le Canadien probablement le plus représenté dans la sculpture publique. De plus, un brise-glace, une autoroute, une montagne et d’innombrables écoles, installations sportives et rues portent son nom. Le 29 août 1981, il fut intronisé à titre posthume au Temple de la renommée des sports du Canada. En 1999, l’Institut du Dominion (connu sous le nom d’Historica Canada depuis 2013) et le Conseil pour l’unité canadienne demandèrent à la population de choisir leurs plus grands héros ; plus de 28 000 Canadiens votèrent sur un site Internet consacré à cette consultation et Fox arriva en tête de la liste des personnes proposées. Quand la Canadian Broadcasting Corporation lança, en 2004, une enquête nationale pour déterminer qui était « le plus grand Canadien », Fox se classa deuxième après Thomas Clement (Tommy) Douglas. En 2009, l’Institut du Dominion demanda à plus de 1 000 Canadiens d’identifier les figures emblématiques du pays. Le visage qui leur était le plus familier était celui de Fox : 89 % des répondants pouvaient le reconnaître sur une photo. La famille Fox travailla sans relâche pour perpétuer la mission de Terry ; elle s’assura ainsi que les Canadiens trop jeunes pour avoir vu le Marathon de l’espoir sachent qui il est et ce qu’il représente. Ses efforts auraient toutefois été vains, n’eût été le nombre important de personnes qui voulaient se souvenir de Fox et qui continuent de célébrer son œuvre.

L’héritage de Fox réside dans son immense succès dans la collecte de fonds et ses réalisations pour la recherche sur le cancer, qui, semble-t-il, lui tenaient à cœur plus que tout. La participation d’hommes, de femmes et d’enfants ordinaires aux journées annuelles tenues à sa mémoire en constitue une partie intrinsèque. Grâce aux sommes octroyées par la Fondation Terry Fox, des progrès considérables furent accomplis dans le traitement de divers cancers, notamment la possibilité de traiter l’ostéosarcome sans amputation.

Une autre facette du legs de Terrance Stanley Fox relève de la culture de l’humanitaire. Il insuffla à des gens l’inspiration de s’engager dans la collecte de fonds de bienfaisance, et, de plus, conçut une méthode novatrice pour y parvenir. Peu après son passage à Toronto, des initiatives semblables furent entreprises pour appuyer la recherche sur le cancer et d’autres causes. Depuis, de nombreuses campagnes remportèrent des succès à divers degrés, mais aucune n’attira les appuis accordés au Marathon de l’espoir. Par exemple, Sheldon Kennedy, ex-hockeyeur, parcourut le pays en patins à roues alignées pour contribuer au financement d’un camp pour enfants maltraités ; d’autres personnes participèrent à un marathon à bicyclette pour aider à retrouver des enfants disparus. Même si de telles traversées du Canada à la course, à bicyclette ou en patins à roues alignées ne récoltent pas autant d’appuis que l’exploit de Fox, elles lui doivent grandement le mérite d’avoir lancé l’idée que des individus pouvaient organiser des projets de collecte de fonds d’une telle envergure.

Julie Perrone

Le site Web de la Fondation Terry Fox, à www.terryfox.org/index_Fr.html, fournit de l’information sur les œuvres de l’organisation et contient des renseignements biographiques sur Terry Fox, ainsi que des photographies, des extraits de son journal personnel, un compte rendu du Marathon de l’espoir et une transcription de la lettre qu’il a écrite pour solliciter du soutien à la Société canadienne du cancer. Plusieurs reportages radiophoniques et télévisés sur le Marathon de l’espoir, dont des entrevues avec Fox, sont conservés dans les Arch. de Radio-Canada (archives.radio-canada.ca/sports/exploits/) et les CBC Digital Arch. (www.cbc.ca/archives/categories/sports/exploits/exploits.html). On peut consulter les résultats du sondage de 1999 à www.historicacanada.ca/sites/default/files/PDF/polls/heroines_heroes_en.pdf et les résultats de l’enquête de 2004 de la CBC à www.cbc.ca/player/play/1402807530.

Globe and Mail (Toronto), 14 avril, 15 août, 9 sept. 1980 ; 20 avril, 3 juill. 1981.— New York Times, 14 sept. 1980, 3 juill. 1981.— Toronto Star, 14, 22 avril 1980 ; 3 juill. 1981.— Vancouver Sun, 14 avril, 21, 29 juin, 3, 11 juill., 1er, 16 août, 13 sept. 1980 ; 29 juin 1981.— K. A. Christiuk, « Portrayals of disability in Canadian newspapers : an exploration of Terry Fox » (mémoire de m.a., Univ. of Manitoba, Winnipeg, 2009).— S. P. C. Cole, « The legacy of Terry Fox », Queen’s Quarterly (Kingston, Ontario), 97 (1990) : 253–276.— Douglas Coupland, Terry : Terry Fox and his Marathon of Hope (Berkeley, Calif., 2005).— A dream as big as our country, réalisation de John Ritchie, production de Sharon Kehat et John Ritchie (film, s.l., 1998).— Deborah Harrison, « The Terry Fox story and the popular media : a case study in ideology and illness », Rev. canadienne de sociologie et d’anthropologie (Toronto), 22 (1985) : 496–514.— Into the wind, réalisation de Steve Nash et Ezra Holland, production d’Erin Leyden et Johnson McKelvy (film, Owensboro, Ky, 2010).— Running on a dream : the legacy of Terry Fox, réalisation de Jerry Thompson (film, Vancouver, 2006).— Leslie Scrivener, Terry Fox : his story (Toronto, 1981 ; éd. rév., 2000).

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Julie Perrone, « FOX, TERRANCE STANLEY (Terry Fox) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 21, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/fox_terrance_stanley_21F.html.

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Auteur de l'article:    Julie Perrone
Titre de l'article:    FOX, TERRANCE STANLEY (Terry Fox)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 21
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2018
Année de la révision:    2018
Date de consultation:    2 décembre 2024