FLETCHER, HENRY CHARLES, soldat, secrétaire particulier, auteur, né le 28 avril 1833 à Sussex Place, Regent’s Park, Londres, fils du major général, Edward Charles Fletcher, juge dans le comté de Kent, sous-gouverneur du comté de Kirkcudbright, en Écosse, et de l’honorable Ellen Mary Shore, fille de John, premier lord Teignmouth, décédé le 31 août 1879 à Putney, en Angleterre.
La mère d’Henry Charles Fletcher mourut alors qu’il n’avait que deux ans et, trois ans plus tard, son père épousa lady Frances, fille de Charles, deuxième comte de Romney. En novembre 1850, Henry Charles obtint un brevet d’enseigne dans les Scots Fusilier Guards (et de lieutenant dans l’armée). Il prit part à la guerre de Crimée en 1856 et, en juin 1859, fut promu capitaine dans les Scots Fusilier Guards et obtint le grade de lieutenant-colonel dans l’armée. Il vint au Canada avec le 2e bataillon des Guards à la fin de 1861, quand, à la suite de l’incident du Trent, des troupes britanniques furent envoyées à cause des relations tendues qui existaient alors entre la Grande-Bretagne et les États-Unis. Fletcher en profita pour se faire témoin de la guerre de Sécession et assista aux batailles de Williamsburg, de Fair Oaks et de Seven Days. Le général George Brinton McClellan manifesta à son égard « la plus grande courtoisie », fit monter sa tente près de la sienne et l’invita à prolonger son séjour aussi longtemps qu’il le désirerait. C’est ainsi que Fletcher se rendit compte de la puissance des nouvelles armées américaines. Les rapports qu’il envoya au général sir William Fenwick Williams*, commandant en chef en Amérique du Nord, furent portés à l’attention du duc de Cambridge au ministère de la Guerre. Fletcher revint en Angleterre avant son régiment et, le 24 septembre 1863, il épousa lady Harriet, deuxième fille de Charles Marsham, troisième comte de Romney. Il fit également paraître son History of the American War, en trois volumes.
Fletcher fut consulté par la commission d’enquête sur la formation militaire, présidée par lord Dufferin [Blackwood*], qui siégea en 1868 et 1869. Il recommanda notamment que les officiers britanniques de l’infanterie et du Génie reçoivent leur formation en commun, comme aux États-Unis. Sa proposition ne fut pas acceptée, mais Dufferin invita Fletcher à faire partie de la commission pendant la seconde partie de son enquête qui portait sur l’instruction des simples soldats.
En 1872, Dufferin fut nommé gouverneur général du Canada. Comme il n’y avait pas de troupes dans le centre du Canada, on ne lui donna pas de secrétaire militaire, et c’est pourquoi il prit un officier, Fletcher en l’occurrence, pour lui servir de secrétaire particulier à Ottawa. Étant donné qu’en Amérique du Nord la société était surtout bourgeoise, la comtesse Dufferin (née Hariot Georgina Hamilton) s’accommoda de la femme de Fletcher comme compagne. Cette dernière et son mari apprécièrent beaucoup la vie sociale animée de Rideau Hall. La tâche principale du secrétaire consistait à susciter au Canada un mouvement d’opinion en faveur de l’armée, afin d’amener le gouvernement canadien à fournir les moyens nécessaires pour mettre sur pied une défense nationale.. Dans les conférences qu’il donna aux officiers de la milice et à d’autres auditoires, Fletcher soutint que les intentions pacifiques des États-Unis, qui n’avaient alors que des forces disséminées le long de leur frontière de l’Ouest, pouvaient changer d’un jour à l’autre, et que toutes les nations devaient avoir des forces armées à leur disposition si elles voulaient survivre. Dufferin communiqua le rapport de Fletcher sur ce sujet à ses ministres ainsi qu’au ministère de la Guerre à Londres ; Fletcher fit publier sa conférence à ses frais. Il était d’avis que le Canada devait former les officiers de la milice dans des institutions permanentes.
En 1869, Dufferin avait reçu un rapport sur la United States Military Academy, alors qu’il présidait la commission d’enquête sur la formation militaire. Le colonel sir Patrick Leonard MacDougall* y soulignait les hautes qualités morales de l’école de West Point, observation qui contrastait grandement avec les témoignages entendus à la commission au sujet du Royal Military College de Sandhurst. Sur l’ordre de Dufferin, Fletcher visita West Point en avril 1874 et fournit un supplément au rapport de MacDougall en notant que l’on pourrait s’inspirer du grand rôle joué par West Point et fonder au Canada un établissement semblable dans lequel les officiers de toutes les armes recevraient leur formation en commun. Le rapport de Fletcher influa beaucoup sur la décision que prit Alexander Mackenzie* de fonder le Collège royal militaire du Canada à Kingston, en 1875.
Le gouvernement canadien offrit à Fletcher des honoraires de £80 pour son étude, mais il les refusa poliment. En 1874, il avait été promu colonel dans l’armée et on envisageait de le nommer officier général commandant de la milice canadienne. Il préféra retourner à son régiment en 1875, comme major, de crainte qu’une longue absence ne nuise à sa carrière d’officier. Dufferin écrivit au ministre des Colonies et au commandant en chef que Fletcher avait contribué énormément à stimuler l’esprit militaire dans le dominion ; Fletcher reçut alors la croix de Saint-Michel-et-Saint-George.
Après son retour en Angleterre, Fletcher fut aide-de-camp du duc de Cambridge et juge de paix dans le comté de Kent. Il fit des conférences à la Royal United Service Institution sur l’emploi des troupes coloniales dans les guerres de l’Empire. En mars 1879, il prit sa retraite, avec la demi-solde, et mourut au mois d’août à son domicile, Spencer House, alors qu’il n’avait que 46 ans ; quelques jours plus tôt, il avait vendu son brevet d’officier. Il laissa un fils et « d’autre descendants ».
Selon Dufferin, Fletcher « n’était pas un esprit particulièrement brillant, ni vif », mais il était « judicieux et digne de confiance [...]. Tout le monde [...] l’aimait ». Son History of the American War, bien qu’exacte, ne manifeste pas une pénétration très profonde des changements révolutionnaires qu’entraîne la guerre. Néanmoins Fletcher se dépensa beaucoup pour encourager la fondation d’institutions militaires adéquates au Canada et l’auteur d’une de ses nécrologies eut tout a fait raison d’écrire que l’armée avait perdu en lui un soldat accompli et zélé.
H. C. Fletcher, The defence of Canada ; a lecture delivered at the Literary and Scientific Institute (Ottawa, 1875) ; History of the American War (3 vol., Londres, 1865–1866) ; Memorandum on the militia system of Canada (Ottawa, 1873) ; Report on the Military Academy at West Point, U.S. ([Ottawa, 1874]) ; A volunteer force, British and colonial in the event of war, Journal of the Royal United Service Institution (Londres), XXI (1877) : 631–658.
APC, FM 26, A (Papiers Macdonald), 100, pp. 39 616–39 635 ; FO 9, II, AI, 85, f.9 053 ; FO 9, II, AI, 604, pp. 211–514.— Public Record Office of Northern Ireland (Belfast), Dufferin Papers, D 1 071/H2/4, 16 ; D 1 071/H2/5, 107 ; D 1 071/H3/1, 8–10, 120–124, 182–186.— [Blackwood et Herbert], Dufferin-Carnarvon correspondence (de Kiewiet et Underhill), 141s., 157.— Edward Walford, The county families of the United Kingdom or royal manual of the titled and untitled aristocracy of England, Wales, Scotland and Ireland (Londres, 1875), 361.— The gentleman’s magazine and historical chronicle (Londres), CIII (1833), I, II.— Journal of the Household brigade for [...] 1879 (Londres), XVIII (1879) : 309.
Richard A. Preston, « FLETCHER, HENRY CHARLES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/fletcher_henry_charles_10F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1972 |
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