FERRES, JAMES MOIR, journaliste, homme politique et fonctionnaire, né en Écosse en 1813 ; il épousa à Montréal, en 1834, Sarah Robertson, originaire d’Aberdeen ; décédé le 21 avril 1870 à Kingston, Ontario.

Le jeune James Moir Ferres arriva à Montréal en 1833. Les succès qu’il avait remportés à l’école secondaire et, par la suite, au Marischal College, à Aberdeen, l’amenèrent à faire une brève carrière dans l’enseignement, à Montréal d’abord, à l’école d’Edward Black*, et peu après dans les Cantons de l’Est, comme directeur de l’académie de Frelighsburg. C’est là qu’en 1835 il fonda le Missiskoui Standard avec Joseph D. Gilman. Cet hebdomadaire fut la première d’une série de tribunes que Ferres utilisa pour exprimer ses vigoureuses opinions. Malheureusement, comme un témoin qui pourtant lui était favorable l’a fait observer : « Il semblait ne songer qu’à la meilleure façon de faire du tort ou de détruire. » Jusqu’à son départ en décembre 1836 du Standard, dont il était le rédacteur, Ferres professa une politique fortement antipatriote, pressant les Cantons de l’Est de résister à la « pseudo » réforme et à la croissance du « despotisme de quelques-uns » dans le Bas-Canada.

Tory turbulent, Ferres attira l’attention et l’approbation d’Adam Thom*, rédacteur en chef du Montreal Herald, sur les instances duquel il vint s’installer à Montréal, apparemment à la fin de 1836, pour y occuper un poste. Il fut nommé rédacteur en chef du Herald en 1839. Le solide appui qu’il accorda au gouverneur général Charles Edward Poulett Thomson* aboutit à sa nomination au poste de secrétaire du Montreal Turnpike Trust en juin 1840. Il resta cependant actif dans le parti tory et, s’attendant à perdre son poste, remit prudemment sa démission quand les réformistes s’emparèrent du pouvoir en 1842. Il fut de nouveau rédacteur en chef du Montreal Herald, jusqu’à la mort du propriétaire, Robert Weir, en 1843. Il quitta alors le journal à cause de « divergences d’opinion » entre lui et les fiduciaires de la succession. Lorsque les conservateurs reprirent le pouvoir en 1844, Ferres fut nommé contrôleur des rentrées fiscales à la deuxième division du district de Montréal. Les réformistes considéraient cela comme « un vil emploi politique », créé spécialement pour lui, parce qu’il « avait été utile à M. Smith [James Smith] », le nouveau député tory de Missisquoi au Conseil exécutif. Ferres perdit brusquement ce poste lucratif quand Louis-Hippolyte La Fontaine et Robert Baldwin* formèrent leur gouvernement en 1848. Le nouveau gouvernement le démit immédiatement de ses fonctions parce qu’il avait participé aux dernières élections dans le comté de Shefford, ce genre d’activité étant interdit aux fonctionnaires. L’incident souleva, dans le Bas-Canada, un débat animé que Ferres alimenta par ses lettres sarcastiques, envoyées à la Montreal Gazette et largement reproduites, dans lesquelles il ridiculisait lord Elgin [Bruce], le parti réformiste et la nature partisane du gouvernement responsable.

En décembre 1848, Ferres devint rédacteur en chef et principal propriétaire de la Montreal Gazette, et se plaça immédiatement au premier rang de ceux qui, dans les milieux d’affaires montréalais, s’opposaient à la « folie du libre-échange » des Britanniques. Il adopta aussi une attitude virulente à l’égard des Canadiens français lors du débat suscité par le projet de loi des réformistes concernant l’indemnisation des pertes subies pendant la rébellion. Les retombées de la « croix de feu » verbale qu’il promit de faire passer dans la collectivité anglo-saxonne contribuèrent énormément à l’agitation générale des tories dans la ville et à l’incendie des édifices du parlement qui en résulta en avril 1849. Durant tout l’hiver, Ferres s’en était pris au projet de loi, le qualifiant d’« infâme tentative de vol » perpétrée par « une insignifiante nation française d’un coin du Canada » aux dépens de la population anglo-saxonne. À la suite de la destruction des édifices du parlement, Ferres, victime de ses écrits enflammés, se trouva parmi le petit groupe qu’on arrêta pour crime d’incendie. Toutefois, on le remit très vite en liberté moyennant caution, et il est hors de doute qu’il n’eut jamais à comparaître devant les tribunaux.

Quoiqu’il vît l’annexion comme une probabilité, Ferres jugeait néanmoins prématuré le Manifeste annexionniste d’octobre 1849, lui préférant un prudent mouvement vers l’indépendance. Au début de 1850, il en était venu à s’opposer à toute forme d’union parce qu’il condamnait l’esclavage aux États-Unis.

Ferres demeura rédacteur en chef de la Montreal Gazette jusqu’en 1854, date à laquelle John Lowe et Brown Chamberlin se portèrent acquéreurs du journal. Il entra au parlement la même année comme député tory de Missisquoi-Est, après avoir battu un autre tory, Bartholomew Conrad Augustus Gugy*, et fut réélu en 1858, cette fois dans Brome, subdivision de son ancienne circonscription électorale. Après une carrière politique médiocre, il décida de ne pas se représenter en 1861 et accepta un poste dans le Bureau d’inspecteurs des asiles et prisons qui venait d’être institué.

Avec ses collègues inspecteurs, Ferres recommanda fortement l’adoption d’un programme de réforme générale dans les prisons. Il fut nommé président du bureau en 1868, et, en mai 1869, à la demande de sir John Alexander Macdonald*, directeur du pénitencier de Kingston. Au cours des mois suivants, malgré une santé défaillante, il institua diverses réformes, contrebalancées par une certaine compression des dépenses. Il mourut en avril 1870. Ferres s’était fait un grand nombre d’ennemis tout au long de sa vie publique, mais selon son successeur à Kingston, grâce à lui, « la cause de l’humanité et de la civilisation avait beaucoup progressé chez les [...] prisonniers [...] ; et qu’il soit en général regretté par eux constitue un hommage non négligeable à sa mémoire ».

Lorne Ste. Croix

APC, FM 30, D62, 12, pp.723–727.— Macdonald, Letters (Johnson et Stelmack), I : 233s.— Canada, Sessional papers, 1867–1868, 8, no 40 ; 1870, 2, no 5 ; 1871, 3, no 6.— Gazette (Montréal), 13, 20 déc. 1848, 16 févr., 11, 23 oct. 1849, 30 janv. 1850, 18 nov. 1853, 26 avril 1870.— Missiskoui Standard (Frelighsburg, Québec), 8 avril 1835–6 déc. 1836.— Pilot and Journal of Commerce (Montréal), 6, 11, 13 avril 1848.— Beaulieu et Hamelin, Journaux du Québec.— Canada directory, 1857–1858.— Atherton, Montreal, II : 301.— Lionel Groulx, Notre maître le passé (3 séries, Montréal, 1924–1946), 3e sér.— L.-P. Turcotte, Canada sous l’Union, II : 112.— Les disparus, BRH, XXXII (1926) : 436.

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Lorne Ste. Croix, « FERRES, JAMES MOIR », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/ferres_james_moir_9F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
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