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FASSIO, GEROME (orthographié souvent Fascio, mais il signait G. Fassio ; certaines sources, lui attribuent sans fondement le prénom de Giusepee), peintre, lithographe et professeur de peinture et de dessin, né vraisemblablement en 1789, en Italie, probablement à Rome ; décédé le 1er janvier 1851 à Bytown (Ottawa).
Gerome Fassio commence à peindre des portraits à Montréal à la fin du printemps de 1834. Il est alors âgé d’environ 45 ans et a un fils, Eugenio, né en 1825 ou 1826. Tout en se disant récemment arrivé d’Italie, il vante dans les annonces qu’il fait paraître dans les journaux son expérience professionnelle acquise en Europe et à New York. C’est à ce dernier endroit, où il a exercé son art pendant au moins une année sur Broadway, qu’il a réalisé le portrait d’un personnage aisé de Trois-Rivières, qu’on croit être Moses Hart. À son arrivée à Montréal, Fassio se met en contact avec lui, et, après quelque temps passé dans cette ville à faire des portraits en miniature, il se rend à Trois-Rivières où il travaille en 1835. Certaines sources laissent croire qu’il habite alors chez Hart. Il n’y reste pas très longtemps, puisqu’il part pour Québec en août.
Ce séjour à Québec, comme d’ailleurs l’ensemble de l’activité canadienne de Fassio, caractérise bien le portraitiste itinérant de l’époque en Amérique. Pour attirer les curieux, le miniaturiste expose « une collection de morceaux choisis de l’École Italienne ». Le lancement de son œuvre est appuyé par des éloges anonymes, publiés dans le Canadien, qui portent autant sur le caractère du peintre que sur son art : « Quand les étrangers, au lieu de nous apporter leurs vices, leur misère, et leurs maladies, répandent parmi nous les sciences, les arts et l’industrie, et les agrémens et l’aménité des mœurs qui viennent à leur suite, ils ont droit à toutes nos faveurs. » L’admirateur poursuit au sujet de l’œuvre : « quelle nuance, quelle ombre légère ! quelle perfection dans le dessin ! » Le panégyriste du Canadien signale que Fassio sera prêt à passer l’hiver à Québec « s’il rencontre de l’encouragement », ce qui apparaît alors comme une quasi-certitude. Vers la fin de l’année, reconnaissant l’« encouragement qu’il reçoit », Fassio propose de donner des « Cours de peinture en Miniature et dessein » aux jeunes demoiselles et messieurs. Toutefois, au printemps, il annonce son départ pour la fin de mai et il réapparaît à Montréal au mois d’août 1836. Espérant mériter « cet encouragement distingué qu’il a si libéralement obtenu pendant son premier séjour », il reprend la formule de son succès à Québec, tenant « chez lui à des heures différentes une classe pour les jeunes Demoiselles et les jeunes Messieurs ». Mais la ville de Montréal n’est pas destinée à devenir la terre d’élection du peintre italien, peut-être en raison de la concurrence qu’on y rencontre dans le domaine de la miniature. À Québec, par contre, Fassio se voyait assuré de l’appui de la presse et d’une prééminence professionnelle incontestée.
On retrouve Fassio à Québec peu avant l’été de 1838, au moment où il quitte son logement de la rue Saint-Jean pour emménager dans la maison du juge en chef, Jonathan Sewell*. Il y reçoit des clients, mais il n’annonce plus de leçons de peinture et de dessin. En 1839, cherchant le moyen de rentabiliser son pinceau, Fassio exécute et expose à la galerie de peinture de Joseph Légaré une œuvre ambitieuse, ayant pour thème la Grande-Bretagne et le Canada, qu’un ami de la presse qualifie de « superbe tableau emblématique en miniature de grandes dimensions ». Cette œuvre sera tirée au sort et des billets sont en vente chez le peintre. Mais l’expérience n’a pas dû s’avérer heureuse, car Fassio ne la recommencera jamais. On ignore, par ailleurs, le sort de ce tableau.
Fassio est maître de dessin au petit séminaire de Québec durant l’année scolaire 1839–1840. On ne sait rien de l’activité du peintre en 1841, mais il est probable qu’il demeure à Québec. L’année suivante, au mois de mai, il habite rue Sainte-Hélène (rue McMahon) et annonce l’ouverture d’une nouvelle école de « dessin classique » qui respecte « les règles de l’art, et l’usage des grandes écoles en Italie ». Au mois d’octobre, la renommée du peintre attire à Québec Michel Bibaud qui ne parvient pas cependant, faute de temps, à rencontrer l’auteur des miniatures qu’il admire à Montréal.
À l’automne de 1843, Fassio s’essaie à la lithographie, signant un portrait du pape Grégoire XVI, dédié avec permission à l’évêque de Québec, Mgr Joseph Signay*. Un critique souligne « un progrès marqué dans la lithographie du pays », tout en regrettant que Fassio ait « fait perdre à la figure de Grégoire XVI cette expression de bonté et de tranquille contentement que [...] donnent toutes les ressemblances que l’on a de lui ». De nombreux exemplaires de ce portrait ont dû être vendus, car la réclame paraît dans le Castor jusqu’à ce que les presses de ce journal soient détruites par le feu vers le début du mois de mars 1844. Ce malheureux événement a dû éprouver d’autant plus Fassio qu’il venait d’être « dépouillé de tout ce qu’il possédait » dans l’incendie de sa demeure, rue de la Fabrique, le 21 décembre précédent. À la fin de février 1844, évoquant ce sinistre, il se plaint qu’« il a tout perdu, excepté la vie ». Le public ne semble pas avoir été sensible à la condition du peintre, qui doit, en plus, faire face à un nouveau concurrent : le daguerréotype. Fassio coupe alors ses tarifs de près de la moitié.
Le Castor s’étant procuré une nouvelle presse, Fassio se dépêche de la mettre à profit, réalisant au mois de juin 1844 un nouveau portrait lithographié, celui de Louis-Joseph Papineau*. Cette œuvre, comme la précédente, est imprimée par Napoléon Aubin*, rédacteur en chef du Castor. Celui-ci, apparemment encouragé par le succès de ces portraits, publie dès le mois d’août un prospectus annonçant la parution d’une « Galerie des illustrations canadienne », qui sera vendue par souscription. Il devait s’agir d’un recueil de portraits lithographiés « d’un format commode à encadrer ou à conserver en cahier », lesquels seraient accompagnés « d’une notice biographique imprimée ». Le portrait de Mgr François de Laval*, dessiné par Fassio, est le premier à paraître. Suivent ceux de Joseph-François Perrault*, dessiné par Aubin, de Mgr Charles-Auguste-Marie-Joseph de Forbin-Janson* et de Robert Baldwin ; on ne sait, toutefois, qui de Fassio ou d’Aubin a réalisé les deux derniers dessins. Ce projet, au reste, est abandonné par Aubin vers la fin de l’année, sans doute faute de souscripteurs.
Son fils Eugenio étant devenu apprenti marin en juillet 1843, Fassio songe peut-être à la possibilité de renouer avec sa patrie. Au début de 1845, il s’absente de Québec, mais il y revient vers la fin de l’été. Il reprend son enseignement et sa peinture aux mêmes tarifs réduits, afin que son art puisse être à la portée de tous. Malgré cela, Fassio semble avoir maintenu la qualité de ses portraits, comme en témoigne un article du mois de février 1846 : « si son talent ne l’avait pas porté si loin déjà dans la perfection, vraiment nous dirions qu’il a fait de nouvelles conquêtes ».
Vers la fin de l’année 1847, Fassio conçoit le projet de rentrer dans son pays. Son fils devait en principe avoir terminé son apprentissage en juillet de cette année-là et être devenu navigateur ou pilote. Fassio offre donc « pour la dernière fois » à sa clientèle l’occasion de se prévaloir de ses talents en attendant son départ, prévu pour le printemps. Il demande à ce moment-là « quatre piastres » pour un portrait, mais, au mois de février 1848, il baisse son tarif à « trois piastres », ce qui paraît peu rémunérateur quand on sait qu’il prend dix jours pour exécuter le portrait en miniature de Jean-Baptiste Godin. « Des circonstances malheureuses », comme le dit le peintre au mois d’octobre, l’empêchent de partir. On peut penser qu’il fait allusion à la situation politique en Italie, et non à l’épidémie de choléra qui fait rage alors dans le Bas-Canada. Fassio s’installe donc dans une nouvelle demeure à Québec et propose d’enseigner « le dessin de Fleurs et autres branches du même art » aux adultes.
Vers la fin de juin 1849, Fassio quitte le Bas-Canada, apparemment dans l’intention de finir ses jours dans son pays natal. Malheureusement, la situation en Italie est trop précaire pour qu’il puisse songer à y rester. Ainsi donc, après une absence de moins de 16 mois, Fassio débarque à Québec en octobre 1850, deux mois environ avant son décès. Par une singulière coïncidence, le numéro du journal qui porte la nouvelle de son retour contient aussi l’annonce d’« un nouvel établissement canadien de daguerréotype » à Québec, celui de L.-A. Lemire, qui semble avoir été la première maison entièrement consacrée à cet art à s’installer dans la ville. Le miniaturiste, qui a épuisé sa clientèle lors des deux campagnes à rabais entreprises avant son départ pour l’Italie, est obligé d’aller se fixer ailleurs.
Fassio choisit Bytown, où il s’annonce pour la première fois à la fin du mois de novembre en tant qu’artiste italien arrivé directement de Rome. Il reprend sa formule, élargie au fil des années, qui comprend l’enseignement de la peinture aux jeunes, en groupe restreint, et aux adultes, à titre individuel. Selon lui, « une bonne éducation ne saurait être complète sans [...] une connaissance de cet art ». Pour attirer les élèves, le professeur se réclame du succès de son enseignement « dans les différentes cours de l’Europe ». Cette publicité paraît encore quand Fassio succombe à une dure maladie au matin du l’ janvier 1851.
Fassio se révèle un miniaturiste dans le vrai sens du mot : il faut une loupe pour apprécier toute la justesse de son pinceau. C’est aussi un excellent coloriste, unique au pays de son vivant. Son paysage Genève vu des Paquis donne la mesure de ses talents ; le pigment est appliqué par d’infimes points dans une composition ordonnée qui n’est pas sans rappeler l’art de Georges Seurat. Mais ce style immobile prête à ses personnages un air figé, de sorte qu’ils perdent en vivacité ce que l’œuvre gagne en style. C’est là la faiblesse du peintre. Fassio, en portraitiste européen, se préoccupe d’abord des exigences esthétiques de son œuvre, aussi minuscule soit-elle. Ses miniatures sur ivoire représentent des personnes qui sont ressemblantes, mais la ligne est épurée comme si l’image, au lieu d’être peinte sur cette matière, y était gravée. Il y a donc perte d’expression, ce sur quoi insistait justement la critique contemporaine à l’endroit du portrait de Grégoire XVI.
À en juger par ce que rapportent les documents, Gerome Fassio semble avoir été prolifique. Combien de portraits en miniature a-t-il pu exécuter durant toutes ses années d’exercice au Canada ? Qui a posé pour lui ? Il est impossible de répondre avec précision à ces questions, mais, étant donné la haute estime dont jouissait Fassio, on peut croire qu’il a fait souvent le portrait d’éminents personnages, comme il le sous-entend à la fin de sa vie. Le fait que l’impécunieux artiste ait dû ouvrir finalement les portes de son atelier aux petites gens laisse supposer l’intérêt, que ses portraits pourraient avoir comme témoignage populaire.
Nous tenons à remercier John R. Porter à qui revient le mérite d’avoir découvert le contrat d’apprentissage d’Eugenio Fassio (ANQ-Q, CN1-49, 21 juill. 1843). [d. k.]
On retrouve quelques-unes des œuvres de Gerome Fassio à la BVM, au Musée du Québec (Québec), au musée, du séminaire de Chicoutimi (Chicoutimi, Québec) et â la Galerie nationale du Canada (Ottawa).
ASQ, mss, 433 : 215–217.— MAC-CD, Fonds Morisset, 2, F249/G537.5.— L’Ami de la religion et de la patrie (Québec), 6 oct. 1848–25 juin 1849.— Le Canadien, 31 août, 11, 14 sept., 14 déc. 1835, 8 janv., 2 mai 1836, 20 juill., 31 août, 5 sept. 1838, 15 nov. 1839, 9 mai 1842, 4 sept., 22 déc. 1843, 8 janv. 1844, 30 oct. 1848, 14 oct. 1850.— Le Castor (Québec), 7 nov. 1843–25 nov. 1844.— Le Journal de Québec, 7 sept. 1843, 29 févr. 1844, 6 janv., 7, 13 févr., 6 déc. 1845, 7 févr. 1846, 4 déc. 1847.— Mélanges religieux, 15 sept. 1843.— La Minerve, 19, 23 juin, 7 juill. 1834, 29 août 1836.— Packet, 30 nov. 1850–4 janv. 1851.— Quebec Mercury, 18 août 1835, 30 avril, 2 mai 1836, 2, 11 janv. 1844, 30 sept. 1845.— Gérard Morisset, « Giuseppe Fascio le miniaturiste », la Patrie, 9 avril 1950 : 26, 38.
David Karel, « FASSIO (Fascio), GEROME (Giusepee) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/fassio_gerome_8F.html.
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Auteur de l'article: | David Karel |
Titre de l'article: | FASSIO (Fascio), GEROME (Giusepee) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |