DU VAL, FREDERIC BEAL, ministre presbytérien, réformateur social et auteur, né le 21 mai 1847 dans le comté de Prince George, Maryland, fils d’Edward Willet Du Val, planteur, et de Mary Miller ; le 2 novembre 1876, il épousa à Philadelphie Corinne L. Kearfott (décédée en 1909), et ils eurent quatre filles et quatre fils ; décédé le 15 mai 1928 à Winnipeg.

Frederic Beal Du Val était d’ascendance écossaise et huguenote. Il grandit au Maryland dans une ferme appelée Floral Hill. Quand il était jeune homme, on l’envoya travailler dans une maison de commerce à Washington. Après des études à la Hightstown Classical Academy de Hightstown, dans le New Jersey, il fréquenta le Princeton College, non loin de là. En 1872, il y reçut une maîtrise ès arts, des médailles d’or en éloquence et art du débat ainsi qu’un prix d’excellence en études bibliques. Diplômé du Princeton Theological Seminary en 1875, il fut ministre presbytérien à Wilmington, dans le Delaware, et à Toledo, dans l’Ohio. En 1886, il obtint un doctorat en théologie du College of Wooster, situé à Wooster, dans l’Ohio.

Invité en 1888 à succéder à Daniel Miner Gordon à titre de ministre de l’église presbytérienne Knox de Winnipeg, Du Val exercerait cette fonction jusqu’en 1916. Sa remarquable réputation d’orateur, de théologien et de réformateur moral l’avait précédé. Dans ses sermons, il avait insisté sur l’idée que la manifestation la plus claire de la gloire de Dieu était la perfection de l’être humain. Cette conviction l’amena à adhérer au mouvement Social Gospel.

Au moment de l’arrivée de Du Val, Winnipeg était une ville champignon située en pleine région pionnière, avec des maisons de prostitution bien établies. Les réformateurs sociaux luttaient surtout en faveur du renforcement des contrôles de la vente d’alcool et de l’imposition de peines plus sévères pour les infractions aux lois sur l’observance du dimanche. Malgré les règlements municipaux, les bordels, grâce à un accommodement avec la police, pouvaient pratiquer leur commerce sans être trop inquiétés. Toutefois, en 1900, parce que la construction résidentielle progressait vers le quartier réservé, rue Thomas (Minto), les nouveaux résidents commencèrent à se plaindre. À leur tour, les propriétaires immobiliers réclamèrent des interventions. Ce concert de protestations s’intensifia en 1902, l’année où Du Val fut élu président de la Winnipeg Ministerial Association.

Du Val – « zélateur de la taille d’une demi-portion, avec un regard étincelant de dureté et des favoris touffus », a dit l’historien James Henry Gray* – prit la direction de la campagne en faveur de l’élimination du quartier réservé. Il s’était déjà fait un nom par ses allocutions publiques et ses sermons : la presse locale les avait abondamment rapportés. Il s’était prononcé contre le réseau d’enseignement catholique dès son arrivée dans la province, et son opposition s’était raffermie après la reprise du débat sur la question des écoles du Manitoba [V. Thomas Greenway*] en 1890. En outre, il avait été à l’avant-garde de la lutte pour la prohibition. Avec sa forte personnalité et son éloquence redoutable, il était « une bande à lui tout seul ». Selon Gray, ses collègues prédicateurs n’avaient pas tardé « à souffler le feu et le soufre du haut de la chaire ». Dès 1903, l’objet de leur colère n’était plus l’alcool, mais les bordels.

Comme ses sermons ne produisaient pas le résultat escompté, Du Val mobilisa ses collègues du clergé pour une action de masse. « Mettre à l’écart n’écarte pas et réglementer ne règle rien », tonna-t-il au cours de l’une des assemblées spéciales qui se tinrent en novembre 1903 et réunirent des centaines de personnes. « Il est inévitable que les quartiers réservés deviennent des nids de criminels. » L’affaire tourna à la crise pendant la course à la mairie, en novembre et décembre 1903. Du Val et ses partisans firent tellement de tapage que le maire sortant, John Arbuthnot, renonça à solliciter un quatrième mandat. Le candidat soutenu par Du Val, Thomas Sharpe, fut élu presque sans opposition, et les réformateurs s’installèrent à l’hôtel de ville. La police fit des descentes dans les maisons de tolérance et le quartier réservé fut aboli. Voyant que ces mesures semblaient avoir pour seules conséquences de pousser les prostituées à se disperser dans le centre ville et de compliquer leur élimination, Du Val se mit à réclamer une augmentation des contrôles policiers. Cela parvint d’autant moins à endiguer le flot que la ville continuait de connaître une expansion rapide. Du Val persistait à exiger une réforme. Il devint l’une des âmes dirigeantes d’une fédération d’organismes religieux et sociaux fondée en 1907, la Moral and Social Reform League, qui cherchait à faire modifier la réglementation municipale, surtout en matière de prostitution.

En avril 1909, la Winnipeg Police Commission décida de laisser la réglementation des maisons closes à la discrétion du chef de police, John C. McRae. Favorable à la mise à l’écart des prostituées, il rétablit un quartier réservé – rue Annabella, dans un secteur isolé, celui de Point Douglas (Winnipeg) – avec la coopération de la plus puissante des tenancières de Winnipeg, Minnie Woods. La population de ce quartier augmentait si vite que, dès 1910, elle était difficile à contenir. Cette année-là, Du Val fit paraître un opuscule sévère contre la ségrégation, The problem of social vice in Winnipeg. En novembre de la même année, le révérend John George Shearer, un des fondateurs du Moral and Social Reform Council of Canada, visita Winnipeg au cours d’une tournée dans l’Ouest canadien. Par la suite, il dénonça en termes cinglants, dans le Globe de Toronto, l’existence du quartier réservé. Sa critique provoqua un tollé à Winnipeg et entraîna la formation d’une commission royale d’enquête. Les autorités municipales réussirent à se décharger d’une bonne part de la responsabilité du problème. En 1912, plusieurs maisons de tolérance fermèrent leurs portes à la suite d’une série de descentes policières et d’arrestations. Un quartier réservé subsisterait quand même à Winnipeg jusque dans les années 1930.

Aussi éloquent dans ses écrits qu’en paroles, Du Val composa des poèmes religieux ; seulement quelques-uns d’entre eux subsistent. En 1899, il avait été nommé au conseil d’administration du collège de Manitoba ; il y resterait jusqu’en 1926 et ferait également partie du conseil collégial. En 1901, il devint membre du conseil de l’université de Manitoba. Sept ans plus tard, il fut élu au comité mixte sur l’union des Églises. En 1908–1909, il exerça la fonction de modérateur à l’assemblée générale de l’Église presbytérienne au Canada. Il prêcha dans diverses régions du pays. Par exemple, il prononça un sermon aux fêtes du tricentenaire de la fondation de Québec en 1908 [V. Albert Henry George Grey*].

Retraité de l’église presbytérienne Knox en 1916, Frederic Beal Du Val reçut ensuite le titre de pasteur émérite. Il demeura à Winnipeg jusqu’à son décès en 1928 et fut inhumé au cimetière Elmwood. Il fut l’un des fondateurs de la tradition Social Gospel qui en viendrait à être associée à Winnipeg.

Robert A. Wardhaugh

Frederic Beal Du Val est l’auteur de The problem of social vice in Winnipeg (s.l., [1910]). On trouve des exemples de sa poésie d’inspiration religieuse dans H. F. M. Ross, A brief sketch of the life of the Rev. Frederic B. Duval, d.d. [...] (Winnipeg, s.d.).

Arch. privées, Robert Wardhaugh (Winnipeg), Entrevue avec Frederic Duval, Winnipeg, petit-fils du sujet, 16 févr. 2000.— Ville de Winnipeg, Div. des arch. et des doc. publics, City Council, minutes, juill. 1905, janv. 1906.— Manitoba Free Press, 16–18 nov. 1903, 9 janv. 1904, 5 janv. 1905, 21 janv. 1907, 16, 19, 24 mai 1914, 13 déc. 1915, 18, 20 mars 1916.— Winnipeg Telegram, 18 nov. 1903, 21 janv. 1907.— Winnipeg Tribune, 14 mai 1928.— Annuaire, Winnipeg, 1910–1940.— Joy Cooper, « Red lights of Winnipeg », Manitoba, Hist. and Scientific Soc., Papers (Winnipeg), 3e sér., no 27 (1970–1971) : 61–74.— J. H. Gray, Red lights on the prairies (Toronto, [1971]).— W. L. Morton, Manitoba : a history (Toronto, 1957).— H. A. Robson, Judge Robson on segregation or toleration of vice [...] the report of the Social Vice Commission, Winnipeg, January 11th, 1911 (Toronto, [1911 ?]).— Margaret [Stovel] McWilliams, Manitoba milestones (Toronto et Londres, [1928]).

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Robert A. Wardhaugh, « DU VAL, FREDERIC BEAL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/du_val_frederic_beal_15F.html.

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