DROLET, FRANÇOIS-XAVIER, mécanicien et industriel, né le 9 mai 1849 à Québec, fils d’Alexandre Drolet, menuisier, et de Rosalie Fréchette ; le 24 janvier 1871, il épousa au même endroit Émilie Lainez (décédée le 10 octobre 1907), et ils eurent 12 enfants, parmi lesquels 5 fils et 2 filles atteignirent l’âge adulte, puis le 27 avril 1908, à Québec, Georgianna Leteau, veuve de Gaudiose Simard, et le couple n’eut pas d’enfants ; décédé le 21 février 1924 dans cette ville.

Issu d’une famille d’artisans, François-Xavier Drolet acquiert une courte formation scolaire chez les Frères des écoles chrétiennes. Il travaille ensuite dans diverses industries, où il apprend le métier de mécanicien. Il est successivement employé de la menuiserie de Joseph Archer père (1862–1864), de la scierie de George Benson Hall* à la chute Montmorency (1864–1871), de l’entreprise de construction de Simon Peters à Québec, de la fonderie et de l’atelier de mécanique Carrier, Laîné et Compagnie de Lévis (1872–1874) [V. Charles William Carrier*], et de celui, plus petit, de Tweddell and Campbell (mécaniciens et fondeurs) dans le quartier Saint-Roch de la ville de Québec.

Fort de ces expériences, Drolet s’associe, en décembre 1875, à un confrère mécanicien, Pierre Audard, pour former la Drolet et Audard. Ils louent un hangar dans Saint-Roch, rue Saint-Joseph, et s’annoncent comme fabricants et réparateurs de machines à vapeur de toutes sortes. Leurs outils et leur expérience constituent leur capital. Valide pour dix ans, l’acte de société prévoit faire vivre les partenaires à raison de 12 $ par semaine. La petite entreprise cherche à s’établir fermement en signant, au début de 1878, un bail de huit ans et en prenant une option d’achat sur la propriété de la rue Saint-Joseph. La même année, les associés se joignent à un fondeur, Pierre Guérard, pour constituer la Drolet, Audard et Guérard ; au printemps de 1879, la nouvelle compagnie achète un terrain adjacent à la Drolet et Audard. Les deux entreprises connaissent un démarrage difficile, qui se confirme, en août suivant, par la dissolution de la seconde association et le partage de 600 $ d’outils (seul actif de la société), puis par celle de la Drolet et Audard en janvier 1881. Drolet donne 1 275 $ (montant payable le 1er mai suivant) à Audard comme compensation pour l’acquisition de tous les actifs de la société : le bail, les outils et sa part de la propriété. Il se retrouve ainsi seul maître à bord. Rapidement, la situation s’améliore : l’évaluation de l’agence de crédit Bradstreet passe de F (aucun crédit) en janvier 1881 à D (actif net de 1 000 $ à 2 000 $) en juillet 1882. La firme, dont Drolet est désormais l’unique propriétaire, compte une quinzaine d’employés en décembre 1882.

Au début des années 1890, la F.-X. Drolet devient un des plus importants ateliers de mécanique de la ville pouvant concevoir, construire et réparer des machines et des moteurs à vapeur, des pompes de toutes sortes, ainsi que des machines diverses utilisées dans la fabrication industrielle et les travaux publics. Les tanneries et manufactures de chaussures, nombreuses dans Saint-Roch, constituent des clients importants [V. Cléophas Rochette*]. L’innovation contribue spécialement à la réussite de la compagnie qui, en 1899 par exemple, obtient aux États-Unis un brevet pour un « engin automatique ».

Entre 1881 et 1906, Drolet réussit à agrandir les ateliers de mécanique, de construction de modèles et de fonte des métaux, grâce, entre autres, à des terrains qu’il achète, en 1892–1893, en 1901 et en 1905, dans les rues Saint-Joseph et Octave. La main-d’œuvre s’accroît très rapidement : le nombre d’employés passe d’environ 25 à la fin des années 1880 à 50 en 1901 et à 60 en 1906. Cette forte expansion assure une accumulation de capital, confirmée par l’amélioration de la cote de crédit (qui passe de D à B entre 1900 et 1907), tandis que l’actif net, pour les mêmes années, progresse (de 5 000 $ à 10 000 $ jusqu’à 35 000 $ à 50 000 $). Ce succès permet à Drolet de quitter ses locaux saturés pour construire sans s’endetter, de 1907 à 1909, une grande fonderie et un vaste atelier de mécanique. Les nouvelles installations sont érigées sur l’emplacement de l’ancien chantier naval de Thomas Hamilton Oliver, sur la rive sud de l’estuaire de la rivière Saint-Charles, près du pont Dorchester, pour un coût total de 91 500 $ (incluant le terrain de 45 000 $). Desservi par le chemin de fer, l’endroit permet l’aménagement d’une glissoire (pour le radoub des navires, ainsi que pour l’installation et la réparation de leurs moteurs à vapeur). Dans cette opération, Drolet réalise un important gain de capital avec la vente, pour une somme de 80 000 $ en 1911, de ses propriétés sises rues Octave et Saint-Joseph, devenue une artère commerciale très recherchée. De plus, la ville de Québec l’exempte de taxe foncière pour une période de dix ans.

Entre 1872 et 1892, Émilie Drolet a donné naissance à 12 enfants (dont un mort-né). Jusqu’en 1889, année où Drolet acquiert, pour 1 000 $, une modeste propriété dans la rue Richardson (De La Salle), la famille doit fréquemment changer de domicile. Dix ans plus tard, elle s’établit dans une maison cossue, rue Saint-Vallier. Drolet achète à bon compte des terrains contigus à sa nouvelle propriété, où s’installeront deux de ses fils. En 1900, il vend sa maison de la rue Richardson à sa fille aînée Émilie.

Drolet se marie à Georgianna Leteau en avril 1908, soit rapidement après la mort de sa première femme, survenue le 10 octobre 1907. Le couple opte pour le régime de la séparation de biens. Drolet commence, pendant ces années, à établir ses garçons : l’aîné, Joseph-François-Xavier, devient agriculteur à Pointe-aux-Trembles (Neuville), tandis que les trois suivants, Gaudiose, Émile et Arthur, s’engagent dans l’entreprise familiale dès la fin de leur adolescence. Le cadet, Camille, entre chez les jésuites. Âgé d’une soixantaine d’années, Drolet songe à transmettre le patrimoine industriel familial. Il amorce le processus en mai 1913 en organisant une société par actions, la Compagnie F.-X. Drolet, avec un capital de 199 000 $, dont il détient 97 % ; deux de ses fils, Gaudiose et Émile, et quelques employés fidèles possèdent le reste. En 1920, il vend l’usine à la compagnie pour une somme de 142 000 $, payable en versements de 5 000 $ par an. À partir de ce moment, l’aîné des fils engagés dans l’entreprise, Gaudiose, agit comme président et directeur général, tandis qu’Émile et Arthur sont respectivement vice-président et trésorier. Au décès de François-Xavier Drolet en 1924, les actions de la compagnie sont réparties également entre ses sept enfants, à raison de 60 000 $ chacun (la part d’Émilie, morte avant son père, mais après la rédaction du testament de 1921, revient à ses trois enfants).

L’entreprise de François-Xavier Drolet a connu son apogée pendant la Première Guerre mondiale, avec une centaine d’employés à son service et des ventes qui, principalement grâce à une production d’obus et de bombes, ont atteint plus de 250 000 $ en 1918. Elle a toutefois ensuite souffert du plafonnement de l’activité industrielle dans la ville de Québec. Au début des années 1920, de nouvelles affaires dans les secteurs des ascenseurs, des bornes-fontaines et des pièces d’automobiles ont contribué à la survie de l’entreprise, mais sa rentabilité, qui a permis le versement de bons dividendes jusqu’en 1918, s’est ensuite estompée : malgré une croissance importante des ventes à la fin des années 1920, elle a affronté des déficits comptables continuels à compter de 1921. La carrière de François-Xavier Drolet reflète bien l’ascension d’un artisan à l’esprit inventif qui a réussi à bâtir une entreprise familiale de belle taille, sans toutefois élargir son engagement économique et social au delà de son entreprise et de sa famille.

Marc Vallières

ANQ-Q, CE301-S1, 10 mai 1849, 24 janv. 1871 ; CN301-S305, 1875–1881 ; CN301-S336, 1878–1879 ; Index BMS, dist. judiciaire de Québec, Saint-Roch, 27 avril 1908 ; P678 ; TP11, S1, SS20, SSS1, 5 mai 1876, no 1812 ; 9 sept. 1878, no 2231 ; 6 avril 1880, no 2484 ; 18 janv. 1881, no 2607 ; 9 juill. 1913, no 204.— Bureau de la publicité des droits (Québec), vol. B-120, no 54798 ; vol. B-124, no 57496 ; vol. B-158, no 79938 ; vol. B-169, no 87282 ; vol. B-174, nos 90750, 90892 ; vol. B-196, no 114788 ; vol. B-197, nos 102417, 102495 ; vol. B-200, no 106668 ; vol. B-203, no 106667 ; vol. B-205, no 108863 ; vol. B-217, no 117413 ; vol. B-224, nos 122954, 122956 ; vol. B-226, no 123988 ; vol. B-227, no 123989 ; vol. B-229, no 125161 ; vol. B-246, nos 133518, 133544 ; vol. B-250, no 135936 ; vol. B-347, no 193715 ; vol. B-353, no 193719 ; vol. B-360, nos 193714, 193716.— L’Action catholique (Québec), 22 févr. 1924.— Daily Telegraph (Québec), « 20th century number », janv. 1900.— L’Événement, 22 févr. 1924.— Le Soleil, 23 nov. 1907, 22 févr. 1924.— Annuaire, Québec, 1871–1925.— Bradstreet Commercial Report (New York), 1878–1925.— Une page d’histoire de Québec ; magnifique essor industriel ([Montréal, 1955]), 273–276.— Who’s who and why, 1914.

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Marc Vallières, « DROLET, FRANÇOIS-XAVIER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/drolet_francois_xavier_15F.html.

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Auteur de l'article:    Marc Vallières
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
Date de consultation:    28 novembre 2024