Dorion, FRANÇOIS-xAVIER-Jules (il signait F.-X.-Jules Dorion et Jules Dorion), médecin, journaliste et directeur de journal, né le 9 octobre 1870 dans la paroisse Saint-Roch, à Québec, fils d’Édouard Dorion, menuisier, et de Marie-Émilie Chabot ; le 12 juillet 1897, il épousa à Québec Émélie Bernier (décédée le 1er mars 1907), et ils eurent trois garçons et trois filles, puis le 21 avril 1914, dans la même ville, Valérine Guay, veuve de Joseph-Odilon Turgeon ; décédé le 13 mars 1939 à Québec.
Issu d’un milieu modeste, François-Xavier-Jules Dorion fait ses études classiques au petit séminaire de Québec de 1880 à 1889. Il obtient son doctorat en médecine en 1893 à l’université Laval, à Québec, puis il ouvre un cabinet dans le quartier Saint-Roch. À l’âge de 26 ans, malgré le scepticisme de médecins plus âgés, témoins d’essais infructueux, il propose la création d’une nouvelle société médicale à Québec. Son insistance porte ses fruits et il devient le premier secrétaire-trésorier (1897–1902) de la Société médicale de Québec, fondée le 14 janvier 1897.
Catholique engagé et sensible aux nouvelles réalités sociales engendrées par l’industrialisation et l’urbanisation, Dorion adhère, en 1905, à la Société d’économie sociale et politique de Québec, constituée par l’abbé Stanislas-Alfred Lortie*, son ami depuis le petit séminaire. De ces ateliers émerge l’idée de créer une grande organisation d’action sociale catholique dans l’archidiocèse de Québec. Louis-Nazaire Bégin*, archevêque de Québec, approuve le projet et instaure l’Action sociale catholique et l’Œuvre de la presse catholique par la publication d’une lettre pastorale le 31 mars 1907. L’abbé Paul-Eugène Roy*, nommé directeur de l’Action sociale catholique, et l’abbé Lortie demandent à Dorion de diriger ce qui sera le cœur de l’Œuvre de la presse catholique : le quotidien l’Action sociale (qui deviendra l’Action catholique le 9 juin 1915).
Cette offre est étonnante puisque Dorion n’a qu’une petite expérience du journalisme. Il a fait partie du bureau de rédaction du Bulletin médical de Québec de 1899 à 1905. Il a aussi participé à la fondation de la Libre Parole de Québec [V. Jacques-Édouard Plamondon*] en 1905 et il y a rédigé des chroniques de janvier 1906 à septembre 1907. Dorion, encore affecté par le récent décès de sa femme, accepte l’invitation et décide d’abandonner sa carrière médicale pour diriger le quotidien ; pour son travail, il reçoit alors un salaire annuel de 2 000 $. Le premier numéro de l’Action sociale paraît à Québec le 21 décembre 1907. Dorion en présente le programme dans son éditorial. Reprenant les grandes idées de la lettre pastorale de Mgr Bégin, il propose un journal d’information instructif et indépendant des partis politiques. Les objectifs sont la diffusion de la doctrine catholique et de l’actualité religieuse, et la promotion de la société spirituelle et du mouvement syndical catholique. Dorion veut aussi offrir aux lecteurs des nouvelles de la vie municipale, nationale et internationale. Deux sujets l’intéressent davantage : l’actualité internationale et la prohibition, thèmes sur lesquels il produira d’ailleurs de nombreux éditoriaux. Les débuts du journal sont prometteurs et, dans une lettre adressée à Mgr Bégin le 4 janvier 1908, Roy se réjouit d’avoir choisi Dorion.
Dorion ne travaille pas seul. Il est appuyé par le comité de rédaction du journal qui se réunit chaque mois, sous l’autorité du directeur de l’Action sociale catholique, pour discuter des finances et du contenu de la publication, lequel évolue pour se maintenir dans un marché compétitif. Le journal est distribué dans la ville de Québec, mais surtout dans les zones rurales en périphérie et à l’est de Québec. Son tirage est de 13 100 exemplaires en 1913, puis de 40 000 en 1921. Cependant, le journal tarde à adopter les pratiques de ses concurrents et la clientèle est de moins en moins au rendez-vous. De 1924 à 1930, le nombre d’exemplaires vendus diminuera pour atteindre 17 327.
Le visage de l’Action catholique connaît de nombreuses modifications au cours de toutes ces années. D’abord d’allure très sobre, le journal est comparable à son principal concurrent à Québec, le Soleil. La une est dense et la mise en pages, sans illustrations ni gros titres, rappelle davantage l’austérité des journaux d’opinion du xixe siècle que la nouvelle presse d’information du xxe siècle. Pour faire face à la concurrence et pour gagner des lecteurs, Dorion supprime la mise en pages sévère et adopte peu à peu les techniques qui assurent le succès des journaux de masse : gros titres et sous-titres, illustrations et photographies, multiplication des chroniques. Tous les sujets sont dorénavant abordés dans le quotidien, de la politique aux sports en passant par les faits divers, les chroniques féminines et les pages de divertissement. Le fait que Mgr Bégin décide, en 1923, de prendre ses distances par rapport au contenu et à la direction du journal n’est sans doute pas étranger à cette évolution. En 1931, l’arrivée d’Eugène L’Heureux au poste de secrétaire de rédaction donne un nouvel élan à la publication. Ce dernier a réfléchi à l’importance de proposer une presse catholique « bien à la page », comme il le mentionnera au cours d’une conférence en novembre 1936, et travaille activement à moderniser le journal. Le succès sera au rendez-vous et, en 1938, les ventes de l’Action catholique dépasseront, pour la première fois et pour encore quelques années, celles du Soleil avec un tirage de 52 611 exemplaires. À l’aube de la Deuxième Guerre mondiale, l’Action catholique sera donc comparable à d’autres grands quotidiens d’information.
Dorion veille cependant à ce qu’un éclairage catholique soit toujours apporté à l’information afin de bien guider les lecteurs. La publicité demeure étroitement surveillée par les dirigeants de l’Action sociale catholique et des contraintes importantes sont imposées à cet égard : aucune annonce d’alcool ou de cinéma n’est tolérée. Pour pallier la faiblesse des revenus publicitaires, l’archevêché de Québec assure un financement approprié.
Même en travaillant au journal près de dix heures par jour, Dorion a trouvé le temps pour exercer d’autres fonctions qui lui tenaient à cœur. Il est officier de la commission de crédit de la Caisse populaire de Québec-Est dès sa fondation, le 23 juin 1910, dans sa paroisse natale. Dorion est aussi commandant des zouaves pontificaux de Québec. Bien qu’il ne pratique plus régulièrement la médecine, il reste attaché à sa profession : du pseudonyme Le Vieux Docteur, il signe les causeries scientifiques intitulées « Machine humaine » dans la revue l’Apôtre de Québec, publication de l’Action sociale catholique, de 1921 à 1931. De plus, il soigne parfois gratuitement les plus pauvres de sa communauté. De 1933 à 1938, il est chargé du cours d’histoire du journalisme catholique à l’École de sciences sociales de l’université Laval, établissement qui lui décerne un doctorat honorifique le 1er juillet 1937. Entre 1936 et 1939, il commente l’actualité religieuse à l’émission de radio hebdomadaire l’Heure dominicale, diffusée par la Société Radio-Canada. En reconnaissance de la qualité de son travail de journaliste, il reçoit l’honneur pontifical d’être fait commandeur de l’ordre de Saint-Grégoire-le-Grand.
La santé de François-Xavier-Jules Dorion devient peu à peu chancelante. En 1931, il s’est absenté du travail durant plusieurs mois. Il meurt en fonction, à l’âge de 68 ans, des suites d’une faiblesse cardiaque. Il a dirigé le quotidien catholique durant 32 ans. Dès l’annonce de son décès, presque tous les journaux de la province de Québec lui rendent hommage. On souligne son humilité, son caractère charitable, son patriotisme et sa persévérance à défendre le Christ et l’Église. Sa détermination et, surtout, le solide appui financier de l’archevêché lui ont permis de faire de l’Action catholique un quotidien d’information sérieux et un important véhicule de la pensée catholique.
Nous renvoyons le lecteur qui s’intéresse aux idées du journal sous la direction de François-Xavier-Jules Dorion à l’étude de Richard Jones, l’Idéologie de l’Action catholique (1917–1939) (Québec, 1974). Pour mieux comprendre l’évolution du périodique, il profitera de la lecture de notre thèse de doctorat, « la Presse catholique au Québec : 1910–1940 » (thèse de ph.d., univ. du Québec à Montréal, 1999), et du livre qui en a été tiré : Un quotidien pour l’Église : l’Action catholique, 1910–1940 (Montréal, 2004). La biographie de Louis-Philippe Roy souligne aussi l’apport de Dorion au journal : P.-É. Roy, Tâcheron de la plume : Louis-Philippe Roy, m.d. : commandeur de l’ordre de St-Grégoire le Grand (Beauport [Québec], 2003).
Il n’existe pas de fonds d’archives consacré à Dorion, mais certaines sources qui traitent de son travail à l’Action catholique se trouvent aux AAQ, 50 CF (l’Action sociale catholique et l’Action sociale Ltée), I : 4 janv. 1908, 12 avril 1917, 1er juin 1919 ; 26 CP (diocèse de Montréal), XV : 47, 51 ; 1 N (l’Action sociale catholique et l’Action sociale Ltée). Pour saisir quelques fragments de ses relations avec les membres du clergé et les rédacteurs du journal, le lecteur pourra consulter : Musée de la civilisation (Québec), Fonds d’arch. du séminaire de Québec, fichier général et Centre de référence de l’Amérique française (Québec), Dépôt du séminaire de Québec, P7, P7/8/6 (séances des comités de rédaction et de direction du journal l’Action catholique). L’Almanach de l’Action sociale catholique (Québec), 1917–1940, rend partiellement compte des activités du journal. Jules Dorion : type achevé de l’apôtre laïque ([Québec ?, 1939 ?]), recueil des différents hommages rendus au journaliste au moment de son décès, permet de mesurer son importance dans le paysage médiatique de la province de Québec.
En plus de ses nombreux articles et éditoriaux, Dorion est l’auteur de : la Bicyclette (Québec, 1898) et Impressions d’un passant aux bords de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique (Québec, 1934).
Arch. de la Fédération des caisses Desjardins du Québec (Lévis, Québec), Fonds Alphonse-Desjardins, 0.22 : 4d-1 (lettre d’Alphonse Desjardins à Jules Dorion, 23 janv. 1913) ; 32410101 (dossiers constitutifs).— BAnQ-Q, CE301-S22, 10 oct. 1870, 12 juill. 1897, 21 avril 1914.— FD, Cimetière Saint-Charles (Québec), 16 mars 1939.— L’Action catholique (Québec), 1907–1940.— Le Devoir, 14, 16, 22 mars 1939.— Denis Goulet et André Paradis, Trois siècles d’histoire médicale au Québec : chronologie des institutions et des pratiques (1639–1939) (Montréal, 1992), 354, 356.— Guy Grenier, 100 ans de médecine francophone : histoire de l’Association des médecins de langue française du Canada (Sainte-Foy [Québec], 2002).— J. Hamelin et al., la Presse québécoise, vol. 4–6 .— Dominique Marquis, « Être journaliste catholique au xxe siècle, un apostolat : les exemples de Jules Dorion et Eugène L’Heureux », SCHEC, Études d’hist. religieuse, 73 (2007) : 31–47.— [P.-E. Roy], l’Action sociale catholique et l’Œuvre de la presse catholique : motifs, programme, organisation, ressources (Québec, 1907).— Univ. Laval, Annuaire, 1880–1893 ; 1932–1938.
Dominique Marquis, « DORION, FRANÇOIS-XAVIER-JULES (F.-X.-Jules Dorion, Jules Dorion) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dorion_francois_xavier_jules_16F.html.
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Auteur de l'article: | Dominique Marquis |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2015 |
Année de la révision: | 2015 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |