DICKIE, ALFRED, entrepreneur forestier, homme politique et fonctionnaire, né en 1860 à Upper Stewiacke, Nouvelle-Écosse, fils de James Edward Dickie, marchand, et de Harriet Tupper ; en 1886, il épousa Alice Amelia Dickie, de Cornwallis, Nouvelle-Écosse, et ils eurent trois fils et deux filles ; décédé le 6 septembre 1929 à Halifax.

Alfred Dickie fit ses études dans les écoles publiques d’Upper Stewiacke et à la Dalhousie University de Halifax, où il obtint une licence ès arts en 1879 et une maîtrise ès arts en 1883. Il commença sa carrière d’entrepreneur forestier à Stewiacke en 1890 en association avec Avard Black. Au bout de six mois, il acheta la part de celui-ci et forma l’Alfred Dickie Lumber Company. En 1896, il se porta acquéreur d’un terrain et d’une scierie à Tusket, dans le comté de Yarmouth. Son assistant à Stewiacke, T. N. McGrath, l’y rejoignit à titre de directeur et de propriétaire de la moitié des lieux. En 1897, Dickie acheta des propriétés à Ship Harbour et à Liscomb, puis en 1904 un territoire en bordure de la rivière Sherbrooke. Déjà en 1897, ses entreprises étaient le principal exportateur de bois d’œuvre de la Nouvelle-Écosse après les exploitations de Thomas Gotobed McMullen, de Truro. Dickie et McGrath possédaient 18 000 acres dans la partie ouest de la province et l’Alfred Dickie Lumber Company en avait 65 000 dans les comtés de Colchester, de Pictou, de Halifax et de Guysborough. La production de la scierie de Dickie à Stewiacke était transportée jusqu’à Halifax par le chemin de fer Intercolonial. Le bois de la scierie de Tusket était envoyé par vapeur – Dickie possédait plusieurs bateaux de ce genre – et le fut ensuite par le Halifax and South Western Railway. En 1900, Dickie créa la Grand River Pulp and Lumber Company, dont il devint président. Cette société abattait du bois à pâte au Labrador et détenait 500 milles carrés de concessions forestières autour de l’inlet Hamilton. Ce fut sur ces terres que commença le litige entre la province de Québec et Terre-Neuve au sujet de la possession du Labrador. Des fonctionnaires québécois intervinrent en estampillant le bois à pâte de Dickie pour marquer qu’il s’agissait de bois de la couronne appartenant à leur province.

Sous des dehors florissants, les affaires de Dickie souffraient toutefois des fléaux naturels qui frappaient souvent les exploitations forestières et les scieries ainsi que des fluctuations de l’industrie du bois d’œuvre. Dès 1897, au moins quatre incendies avaient détruit ou endommagé ses usines à vapeur. La main-d’œuvre, les chevaux et les conditions atmosphériques comptaient beaucoup dans les activités forestières. Une pénurie d’eau, des chutes de neige trop abondantes ou trop faibles pouvaient être désastreuses. Ajoutés à l’expansion rapide de ses entreprises, ces problèmes poussèrent sûrement Dickie à prendre des engagements en excès de ses moyens. En 1904, le directeur de la Banque royale du Canada en Nouvelle-Écosse, qui finançait ses exploitations, se fit « réprimander vertement » par son supérieur à Montréal pour avoir prêté en tout à Dickie, sans garantie, la somme « énorme » de 634 040,39 $. Dickie lui-même fut critiqué pour ne pas s’être constitué en société et pour avoir insuffisamment assuré ses installations et ne pas avoir assuré du tout ses expéditions de bois. Deux ans plus tard, la Banque royale mit la main sur l’ensemble de ses actifs. Il conserva cependant une part pour pouvoir être membre du conseil d’administration. Il fut nommé directeur à un salaire mensuel de 833 $.

Après 1904, Dickie n’en continua pas moins de se comporter en magnat néo-écossais du bois. Il posait au grand patron et administrait toujours ses anciennes propriétés ; les démarches entreprises dans l’espoir de les vendre se faisaient sous son nom. Le prospectus de vente disait que, selon des estimations prudentes, elles avaient une capacité annuelle de production et d’exportation de 50 à 60 millions de pieds-planches et que la superficie de ses territoires forestiers en Nouvelle-Écosse se situait entre 350 000 et 400 000 acres. En 1904, avec d’autres entrepreneurs forestiers de la Nouvelle-Écosse et le gouvernement provincial, Dickie commandita un rapport sur les forêts néo-écossaises de bois à pâte rédigé par Robert Mason, de New York, et par Joseph Bureau, de Québec. Deux ans plus tard, les propriétés de Dickie en Nouvelle-Écosse et au Labrador furent mises en vente par la Forest Exploration and Lumber Company de Montréal – celles du Labrador au prix de un million de dollars. Les 30 et 31 mai 1907, à Yarmouth, Dickie et McGrath jouèrent un rôle de premier plan à l’assemblée annuelle de la Lumbermen’s Association of Western Nova Scotia. Tout le groupe se fit photographier pendant une visite à leur scierie de Tusket. En 1908, il fut question de vendre les propriétés néo-écossaises au Traubridge Syndicate de Londres. Dickie demanda à la Banque royale de garantir les obligations ou actions du syndicat jusqu’à concurrence de 100 000 $. Cependant, la transaction n’eut pas lieu.

En octobre 1911, la Dickie and McGrath Limited dut annuler des commandes : ses billes de bois étaient restées échouées tout l’été à cause de la sécheresse, et la saison froide approchait. L’année suivante, Dickie perdit la production de billes de tout un hiver au Labrador. Enfin, en 1913, lui-même et la Banque royale réussirent à se départir de la plupart de ses territoires forestiers. Une entreprise américaine, la S. D. Warren Company, acheta ceux de Tusket. Archibald Fraser*, de la Fraser Pulp and Lumber Company Limited de Plaster Rock, au Nouveau-Brunswick, acheta 247 815 acres de ce qui restait des terres de Dickie.

Dickie réussit néanmoins à reconstituer la Dickie Lumber sous le nom de Canadian Lumber Company Limited à Stewiacke. Bien qu’il ait pris sa retraite et se soit installé à Halifax en 1912, il demeura président de cette société et y conserva des intérêts jusqu’à sa mort. Son fils Rufus Edward, qui avait été président de la Canadian Lumbermen’s Association, était directeur général de l’entreprise. Malgré sa chute, Alfred Dickie parvint à se refaire encore une fois. Il avait sans nul doute une haute opinion de son rôle dans l’industrie néo-écossaise du bois d’œuvre. En témoignant en 1923 à Halifax devant la commission royale fédérale sur le bois de pulpe, il déclara d’un ton assuré : « mes exploitations et mon expérience, je crois, dépassent […] celles que tout autre individu a jamais eues au Canada ». À l’époque, il détenait 25 000 acres de territoires forestiers en Nouvelle-Écosse et de vastes terres au Labrador, et toutes étaient à vendre. En 1914, il négocia la vente de ses propriétés néo-écossaises avec la Walker Brothers de Boston et la William Whitmer and Sons de Philadelphie, mais les pourparlers n’aboutirent pas. Dans les années 1920, il payait toujours 160 $ au ministre terre-neuvien de l’Agriculture et des Mines pour la location de 80 milles carrés de concessions forestières au Labrador.

Tout au long de sa carrière, Dickie fut très présent sur la scène publique. Aux élections provinciales de 1894 et de 1897, il se présenta sans succès dans la circonscription de Colchester, où se trouvait Stewiacke. Commissaire d’écoles dans Colchester, il fut le premier maire de la municipalité de Stewiacke de 1906 à 1911, président de la section locale de l’Association des manufacturiers canadiens et conseiller presbytéral dans sa congrégation presbytérienne. À Halifax, il fut commissaire d’écoles de 1921 à 1923 et président de la North British Society, œuvra au sein de la Halifax Association for Improving the Condition of the Poor et fut conseiller presbytéral à l’église presbytérienne (unie) Fort Massey.

Confiné durant deux mois par la maladie dans sa maison de la rue South Park, Alfred Dickie mourut le 6 septembre 1929 et fut inhumé dans le lot familial à Stewiacke. Même si ses affaires avaient connu des hauts et des bas, il était riche au moment de son décès : on évalua sa succession à 315 000 $, sans compter une assurance-vie.

L. Anders Sandberg

BAC, RG 39, 593.— Dalhousie Univ. Arch. (Halifax), MS 4-64 (Alfred Dickie fonds, 1860-1929) ; MS 4-123 (Forest Exploration Lumber Company).— Halifax Herald, 7, 9 sept. 1929.— « Alfred Dickie joins great majority », Canada Lumberman (Toronto), 49 (1929), nº 19 : 40.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— A. W. H. Eaton, History of King’s County [...] (Salem, Mass., 1910 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1972).— R. S. Johnson, Forests of Nova Scotia : a history (Halifax, 1986).— Mike Parker, Woodchips and beans : life in the early lumber woods of Nova Scotia (Halifax, 1992).— B. R. Robertson, Sawpower : making lumber in the sawmills of Nova Scotia (Halifax, 1986).— Trouble in the woods : forest policy and social conflict in Nova Scotia and New Brunswick, L. A. Sandberg, édit. (Fredericton, 1992).

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L. Anders Sandberg, « DICKIE, ALFRED », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/dickie_alfred_15F.html.

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