DENIS, ARSÈNE (baptisé Pierre-Arsène Denys), cultivateur, éleveur, fonctionnaire, administrateur de sociétés agricoles et homme politique, né le 8 mars 1857 à Saint-Norbert, Bas-Canada, fils de Dieudonné Denys, cultivateur, et d’Odile Masse ; le 21 janvier 1879, il épousa à Saint-Norbert Georgiana Laporte (décédée le 21 février 1930), et ils eurent 15 enfants, puis le 22 septembre 1931, à Joliette, Québec, Hermina Larue, veuve d’Acté Lambert ; décédé le 3 octobre 1936 à Saint-Norbert.
En 1882, deux ans avant que son père ne meure à l’âge de 49 ans, Arsène Denis, deuxième d’une famille de 14 enfants, reçoit la terre paternelle de 200 arpents, située à Saint-Norbert. En acceptant cette donation, il contracte des obligations envers ses cadets : payer des études classiques à trois de ses frères et aider les autres à s’établir, et fournir une dot à ses sœurs. Il doit de plus s’occuper de sa mère et de ses propres enfants, ainsi que, plus tard, de six neveux devenus orphelins.
L’année suivante, Denis essaie d’élever des trotteurs. Comme il l’écrira en 1920 dans le Bulletin des agriculteurs, il abandonne vite cette idée : « Je compris que les chevaux trotteurs convenaient mieux aux gens riches qu’aux cultivateurs grevés de dettes comme je l’étais. » Il se tourne plutôt vers l’élevage du cheval canadien, réputé pour son utilité générale, mais déprécié à cause de son poids léger, auquel Denis tente de trouver une solution. Il s’intéresse aussi à la campagne du vétérinaire Joseph-Alphonse Couture* pour préserver la vache canadienne. Après avoir acheté dix sujets de race pure dans le nord de la région de Joliette, il travaille à l’amélioration de leur taille, de leur apparence et de leur rendement. Grâce à des soins appropriés et à une alimentation rationnelle, il réussit à doubler la production annuelle du troupeau, qui peut atteindre 10 000 livres de lait par vache. Il participe aux principales expositions canadiennes, où il a l’occasion de rencontrer des acheteurs. Il remporte de nombreux prix, notamment à la Pan-American Exposition de Buffalo, dans l’État de New York, en 1901, et se bâtit ainsi une solide réputation. Selon ce qu’il écrira en 1920 dans le Bulletin des agriculteurs, l’élevage des animaux de race pure (chevaux, vaches et moutons) lui permet de subvenir aux besoins de sa grande famille.
Le ministère de l’Agriculture requiert souvent l’expertise de Denis dans le domaine de l’élevage. C’est pourquoi, par exemple, Denis se rend à plusieurs reprises en Écosse, où il achète des porcs et des moutons. Le ministère le charge aussi d’importer des chevaux percherons et belges. Denis participe également aux expositions agricoles à titre de conférencier et de juge (notamment pour le concours du Mérite agricole de 1896 à 1928), fait partie du Conseil d’agriculture et est directeur de la Société d’industrie laitière de la province de Québec, tâches qu’il a pu accepter plus facilement à partir du moment où ses enfants ont atteint l’âge de s’occuper de la ferme familiale. De 1897 à 1926, le gouvernement lui donne un peu plus de 12 650 $ pour ses services.
C’est cependant au sein des sociétés d’éleveurs, où il demeurera actif jusqu’en 1934, que Denis se dévoue le plus pour l’avancement de l’agriculture. Il est au cœur de toutes les initiatives visant à améliorer l’industrie animale de la province de Québec. Il participe à la fondation en 1895 de la Société générale des éleveurs d’animaux de race pure de la province de Québec, dont il manque l’assemblée annuelle une seule fois en 40 ans, en raison de la mort de sa première femme. Il fait aussi partie du conseil des quatre principales organisations affiliées (chevaux, bovins, porcs et moutons). Il préside notamment la Société des éleveurs de bovins canadiens, de sa fondation en 1895 jusqu’en 1924.
Denis participe de plus à la politique municipale durant près de 30 ans : il est notamment maire de Saint-Norbert pendant 25 ans et préfet du comté de Berthier pendant une dizaine d’années (à partir de 1889). Son allégeance politique va au Parti libéral, ce qui lui vaut la confiance du ministre provincial de l’Agriculture Joseph-Édouard Caron*, mais le rend suspect aux yeux des adversaires de ce dernier, tels que le journaliste agricole Joseph-Noé Ponton*, le cultivateur Laurent Barré* et le professeur d’agriculture Firmin Létourneau. Ces conservateurs, qui participent à la fondation de l’Union catholique des cultivateurs, considèrent Denis comme un pion manipulé par Caron.
Un désir constant d’améliorer l’agriculture de la province amène l’éleveur de Saint-Norbert à adhérer à la formule coopérative. Denis siège d’abord, à titre de directeur (1914–1922), au bureau de direction de la Société coopérative agricole des producteurs de semences de Québec, à Sainte-Rosalie. Homme le plus influent du conseil, il est mandaté pour participer aux discussions préliminaires au regroupement de la société avec les deux autres grandes coopératives centrales, soit la Coopérative centrale des agriculteurs de Québec et le Comptoir coopératif de Montréal. Protégé du ministre Caron, il devient, en 1923, le premier président de la Coopérative fédérée de Québec. Il dirige l’organisation au moment où elle doit lutter contre ses concurrents du secteur privé et convaincre ses détracteurs, que l’on retrouve au sein même de la classe agricole. À l’assemblée générale de 1931, les membres du bureau de direction élisent un nouveau président par un vote de 5 contre 4.
Par son engagement social, Arsène Denis se distingue des autres agriculteurs de son époque. Sa famille, ses concitoyens et l’ensemble de la classe agricole de sa province ont bénéficié de son sens des affaires. La Société générale des éleveurs d’animaux de race pure de la province de Québec lui rend hommage en organisant un banquet en son honneur à la fin de leur congrès de 1934, année où il prend sa retraite pour des raisons de santé. À cette occasion, Adélard Godbout*, ministre de l’Agriculture, lui remet la médaille de commandeur de l’ordre du Mérite agricole. Denis est décoré de la médaille du jubilé du roi George V en 1935. Il s’éteint le 3 octobre 1936, après une carrière vouée à la promotion de l’industrie animale de la province de Québec.
Arsène Denis est l’auteur de : « M. Arsène Denis en 1882 et en 1920 », le Bull. des agriculteurs (Montréal), 17 juill. 1920 : 9.
BAC, R233-35-2.— BAnQ-CAM, CE605-S35, 8 mars 1857, 21 janv. 1879.— École des hautes études commerciales, Service des arch. (Montréal), P012, A ; P062, A.— FD, Cathédrale Saint-Charles-Borromée, Joliette, Québec, 22 sept. 1931 ; Saint-Norbert, Québec, 24 févr. 1930.— Le Devoir, 5 oct. 1936.— Le Soleil, 23 févr. 1934.— « Une carrière bien remplie », le Bull. de la ferme (Québec), 1er mars 1934 : 84.— Claude Beauchamp, « les Débuts de la coopération et du syndicalisme agricoles, 1900–1930 : quelques éléments de la pratique », Recherches sociographiques (Québec), 20 (1979) : 337–381.— Concours provincial de mérite agricole, Rapport des juges (Québec), [1893 ?] : 41–42.— Jacques Saint-Pierre, « Arsène Denis (1857–1936) : un exemple de dévouement », le Coopérateur agricole (Montréal), 26 (1997), no 5 : 14 ; Histoire de la Coopérative fédérée : l’industrie de la terre (Québec, 1997).
Jacques Saint-Pierre, « DENIS, ARSÈNE (baptisé Pierre-Arsène Denys) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/denis_arsene_16F.html.
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Auteur de l'article: | Jacques Saint-Pierre |
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2016 |
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