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DAVIE, ALLISON, capitaine et constructeur de navires, né le 4 mai 1796 et baptisé en privé le lendemain à Great Yarmouth, Angleterre, fils du capitaine Allison Davie (inhumé à Gorleston, près de Great Yarmouth, en 1818) et d’Elizabeth Cock ; il se noya en juin 1836 entre Québec et Pointe-Lévy (Lauzon et Lévis, Québec).
Allison Davie est issu d’une vieille famille anglaise dont les origines remontent jusqu’en 1603 à William Davie, de Stanfield dans le comté de Norfolk ; il est l’aîné de quatre garçons et a plusieurs sœurs. Jeune, il entre au service de l’East India Company au moment des guerres napoléoniennes, auxquelles il participe en transportant les troupes britanniques en Méditerranée.
Au cours d’un voyage à Québec en 1825, Davie fait la connaissance d’Elizabeth Johnson Taylor, fille unique de George Taylor, constructeur de navires, et d’Elizabeth Taylor. Née à North Shields en 1803, cette jeune fille a quitté son Angleterre natale avec ses parents le 27 mai 1811 et est arrivée à Québec, à bord du Three Brothers, le 9 août. Son père a ouvert aussitôt un chantier maritime à l’île d’Orléans, sur la rive sud-ouest, à un endroit communément appelé le « Trou Saint-Patrick ». Cependant, à cause de la guerre contre les États-Unis, il a dû interrompre ses activités dès décembre 1812, afin de se rendre dans le Haut-Canada avec d’autres marins et charpentiers pour y construire des navires. De retour à l’île d’Orléans après la fin des hostilités, il a repris l’exploitation de son entreprise. Ce chantier est prospère au moment où Davie, « géant » de 300 livres et capitaine de navire d’excellente réputation, débarque à Québec et s’éprend d’Elizabeth. Taylor consent au mariage de sa fille avec Davie, mais à deux conditions : qu’il renonce à naviguer pour s’établir à titre d’héritier de l’entreprise Taylor et qu’il donne le nom de Taylor à ses enfants, ce à quoi le prétendant acquiesce. Selon les registres de l’église presbytérienne St Andrew à Québec, c’est le révérend James Harkness qui célèbre le mariage le 16 avril 1825.
Deux ans plus tard, le 14 mai 1827, l’entreprise Taylor, à laquelle Davie est associé, lance le King Fisher, un brick jaugeant 221 tonneaux et muni de 16 canons, construit pour le service du gouvernement colonial. Il s’agit là d’un grand événement pour l’époque. Parmi les nombreux invités qui assistent à la cérémonie se trouve le gouverneur lord Dalhousie [Ramsay] ; il remet à Taylor une coupe en argent frappée aux armes du gouverneur, surmontée d’une licorne, la figure de proue du bâtiment, et réalisée par l’orfèvre Laurent Amiot. Peu de temps après cependant le chantier de l’île d’Orléans est fermé.
Le 2 décembre 1829, Davie achète un terrain situé sur la rive sud du Saint-Laurent, au pied de la falaise de Pointe-Lévy, en bordure du fleuve, dans le but d’y installer son entreprise. L’année suivante, le 28 décembre, il acquiert un autre emplacement. Il fait construire sur ses terrains les infrastructures nécessaires à la réparation des navires. Mais en 1832, par suite de la violente débâcle du printemps, comme le rapporte la Gazette de Québec du 5 mars, les glaces soulèvent le quai de son chantier maritime et l’entraînent à la dérive. Face à ce désastre, Davie ne se décourage pas et recommence avec tant d’ardeur qu’à l’automne de la même année il peut reprendre l’exploitation du chantier de la Pointe Levis Patent Slip.
De toutes les qualités que ses contemporains reconnaissent à Davie, c’est son ingéniosité qui est le plus soulignée. Par exemple, il est le premier au Canada à utiliser un système d’origine anglaise qui permet de réparer les navires sans les mettre en cale sèche. À cette fin, il fait construire un quai en plan incliné sur lequel sont apposés des rails qu’emprunte une « voiture » ou chariot à roues de fer. À l’aide de puissantes chaînes et à la faveur de la marée haute, on hâle les navires du fleuve jusqu’à la terre ferme. « C’est le premier établissement du genre dans l’Amérique britannique », affirme la Gazette de Québec du 29 octobre 1832.
Cependant, l’ingénieux capitaine Davie ne devait pas survivre longtemps à cette innovation. « Un soir du mois de juin 1836, relate Joseph-Edmond Roy*, comme il passait en chaloupe près d’un bâtiment ancré au milieu du fleuve, le capitaine de celui-ci lui jeta un paquet, qui, au lieu de tomber dans la chaloupe, tomba à la mer. » Davie en se penchant pour saisir le paquet est lui-même précipité dans le fleuve, et ne reparaît pas à la surface. Le Canadien du 20 juin 1836 rapporte qu’on a retrouvé son corps à Saint-Pierre, île d’Orléans, dans l’après-midi du 19, « quelques jours » après l’accident survenu « dans la rade », ainsi que « sa montre d’or, de l’argent et des clefs qu’il avait sur lui ».
Afin de sauvegarder l’héritage familial, Elizabeth, devenue veuve à l’âge de 33 ans avec neuf enfants, prend la direction de l’affaire. Première femme à la tête d’une entreprise de construction de navires au pays, elle dirige le chantier et se taille rapidement une réputation de constructrice talentueuse qui a l’œil pour choisir les arbres à couper. À l’occasion, elle demande l’aide de son père, qui s’est retiré des affaires, mais qui vivra jusqu’en 1861. Vers 1850, elle cède la direction de l’exploitation à l’aîné de ses fils, George Taylor Davie*, qui a fait son apprentissage aux chantiers de John Munn*, situés dans le faubourg Saint-Roch, à Québec. Graduellement, il rachète les unes après les autres les parts de ses frères et sœurs, tant et si bien que, le 28 mai 1885, tous les héritiers d’Allison Davie le déclarent propriétaire unique de l’entreprise familiale. Entre-temps, en 1873, Elizabeth meurt à l’âge de 70 ans. Grâce au sens des affaires et à l’habileté professionnelle de son nouveau directeur, l’entreprise prospère et s’agrandit par l’acquisition d’un emplacement à Saint-Joseph (à Lauzon), où il fonde la Davie Shipbuilding and Repairing Company Limited.
Malgré sa brève et modeste carrière, Allison Davie a jeté les bases d’une entreprise qui, grâce à ses successeurs, s’est taillé une place de choix dans le domaine de la construction navale.
ANQ-Q, CE1-66, 16 avril 1825.— Arch. paroissiales, Gorleston with South Town (Gorleston, Angl.), Reg. of burials, 24 déc. 1818.— Arch. privées, DBC, dossier personnage Allison Davie, « A shipbuilding dynasty », E. R. Axelson, édit., Canada’s shipyards (photocopie) ; « Davie Shipbuilding Limited, Lauzon, P.Q. » (document dactylographié) ; « Shipbuilding industry in our district » (photocopie).— Norfolk Record Office (Norwich, Angl.), Great Yarmouth, reg. of baptisms, 4–5 mai 1796.— Le Canadien, 20 juin 1836.— La Gazette de Québec, 14 mai, 20 août 1827, 5 mars, 29 oct. 1832.— P.-G. Roy, Dates lévisiennes (12 vol., Lévis, Québec, 1932–1940), 1 : 77, 101, 130–131, 177, 256, 318 ; 2 : 17 ; 3 : 165 ; 5 : 257–258 ; 7 : 259.— George Gale, Historic tales of old Quebec (Québec, 1923), 145.— G. W. Haws, The Haws family and their seafaring kin (Dunfermline, Écosse, 1932), 150–159.— J.-E. Roy, Hist. de Lauzon, 5 : 162–164.— P.-G. Roy, Glanures lévisiennes (4 vol., Lévis, Québec, 1920–1922), 1 : 33–35 ; Profils lévisiens (2 sér., Lévis, 1948), 2 : 74–75.— « Historique du chantier », l’Écho maritime (s.l.), févr. 1945.— Denis Masse, « Québec, berceau de l’industrie de la construction maritime au Canada », le Soleil (Québec), 2 nov. 1957 : 40, 42.— « Naissance de la Davie : tout commence par un mariage », Canada Steamship Lines, le Monde (s.l.), 2 (1976), nº 3 : 8.
Diane Saint-Pierre, « DAVIE, ALLISON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/davie_allison_7F.html.
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Auteur de l'article: | Diane Saint-Pierre |
Titre de l'article: | DAVIE, ALLISON |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |