DARVEAU, JEAN-ÉDOUARD, prêtre catholique et missionnaire, né le 17 mars 1816 à Québec, deuxième fils de Charles Darveau, tanneur de la rue Saint-Vallier, et de Marguerite-Marie Roi, dit Audi ; décédé le 4 juin 1844 à Baie-des-Canards (Duck Bay, Manitoba).
Jean-Édouard Darveau entra au petit séminaire de Québec en 1827 pour y commencer ses études classiques. Celles-ci terminées, il devint matelot à la suite de différends avec son père et partit en mer en octobre 1836. Ses aventures le conduisirent au Havre-de-Grâce (Le Havre, France) via New York et La Nouvelle-Orléans. Son silence dura 14 mois.
Pendant le dernier voyage que Darveau effectua, le capitaine lui parla de ses études. Darveau décida alors de rentrer à Québec pour faire des études en théologie et se fit présenter à l’archevêque de Québec, Mgr Joseph Signay, en 1838. Même si son père refusa de l’accompagner au grand séminaire pour y demander son admission, l’ex-marin entra dans cet établissement le 1er octobre 1838 en promettant à l’archevêque de se consacrer aux missions après son ordination. Il fut ordonné le 21 février 1841 entouré de sa famille et d’un père revenu à de meilleures dispositions.
Son caractère décidé, son esprit d’aventure et de dévouement et la promesse faite à son archevêque poussèrent Darveau à s’offrir pour les missions lointaines. Comme il n’y avait plus de place dans le convoi de la Hudson’s Bay Company, il renonça au premier départ des canots vers l’ouest et devint vicaire de la paroisse Saint-Roch dans la basse ville de Québec. Mais le 19 avril 1841, il quitta son poste pour se rendre à Lachine, près de Montréal. Il s’embarqua pour la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba) le 1er mai ; il prit place dans le canot mis gratuitement à sa disposition par le gouverneur de la Hudson’s Bay Company, sir George Simpson*. Il arriva à Saint-Boniface le 22 juin. Mgr Joseph-Norbert Provencher* se proposait d’envoyer Darveau dans les missions du lac Winnipegosis, mais le nouveau missionnaire dut d’abord, pendant six mois, se mettre à l’apprentissage de la langue des Sauteux avec l’abbé George-Antoine Bellecourt* en mission à la Rivière-Rouge depuis 1831. Bellecourt et l’abbé Jean-Baptiste Thibault* avaient déjà visité les Moskégons ou Cris des Marécages qui formaient les missions confiées à Darveau. Celui-ci passa donc l’hiver auprès de Mgr Provencher et de Bellecourt.
En mai 1842, Darveau partit avec trois compagnons pour Baie-des-Canards. Les représentants de l’Église d’Angleterre, qui devaient rendre son ministère difficile, se trouvaient déjà dans cette région. Les Indiens de l’endroit étaient confus au sujet de la vraie religion, puisque le prêtre catholique tout comme son « rival », l’anglican Abraham Cowley*, prêchaient qu’il n’y en avait qu’une seule. Les ressources financières étaient minimes, et Darveau s’imposa de nombreuses privations. Il ne parvenait pas à payer les Indiens pour les services rendus, mais son dévouement pour les catéchiser était sans bornes. Cette année-là, il effectua deux autres séjours dans ces missions.
Dès le printemps de 1843, Darveau quitta de nouveau Saint-Boniface et fit du ministère en cours de route. Arrivé à sa mission de Baie-des-Canards, il bâtit une chapelle qu’il dédia à saint Norbert. C’est au cours d’une deuxième visite, de juillet à octobre, que non seulement il rencontra plus d’opposition dans l’exercice de son ministère, de la part du catéchiste indien Henry Budd*, son rival protestant à Le Pas, mais qu’il faillit se noyer. En outre, il planifia la reconstruction de la chapelle de Baie-des-Canards, qui avait été détruite par une tempête, puis il établit une société de tempérance à Saint-François-Xavier avant de rentrer à Saint-Boniface.
En mars 1844, Jean-Édouard Darveau repartit pour sa mission avec un jeune Indien et le Métis Jean-Baptiste Boyer, en passant par la région du lac de la Poule d’Eau. Il gela presque à mort après s’être égaré dans une île, mais il survécut. Toutefois, au moment du départ pour Le Pas au début de juin, lui et ses deux compagnons trouvèrent la mort. On a longtemps cru que les trois hommes s’étaient noyés mais, d’après les témoignages recueillis plus tard, notamment celui d’un missionnaire et les dépositions d’Indiens directement ou indirectement liés au drame, on dut conclure à des assassinats. Selon ces derniers, sous l’influence de Budd, ils en étaient venus à considérer Darveau comme un « windigo », c’est-à-dire un esprit malfaisant, et comme la cause de l’épidémie qui les avait frappés. C’est à Saint-Boniface qu’on inhuma les restes de ce martyr, victime de rivalités religieuses.
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Corinne Tellier, « DARVEAU, JEAN-ÉDOUARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/darveau_jean_edouard_7F.html.
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
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