DARRELL, HUBERT, fermier, explorateur de l’Arctique, cartographe et guide, né vers 1875 dans le sud de l’Angleterre, l’un des neuf enfants de Charles Darrell et d’une prénommée Lily Elizabeth ; disparu à la fin de novembre 1910 dans la région de la rivière Anderson, Territoires du Nord-Ouest.

À l’âge de 16 ans, Hubert Darrell immigra à Birtle, au Manitoba, pour aider son frère aîné Charles, qui était fermier. Au cours de l’été de 1897, il prit part à la ruée vers l’or du Klondike dans l’espoir de faire fortune et de rembourser les dettes et l’hypothèque de la ferme. Bien qu’il ait cherché de l’or à la batée et prospecté ici et là durant plus d’une décennie, la richesse lui échappa, mais il tomba amoureux du pays et de ses habitants.

Afin de pouvoir se livrer à des activités qui le passionnaient, l’exploration et la cartographie des territoires nordiques, Darrell exerça divers métiers. Les habiletés qu’il acquit – il devint bientôt chasseur et trappeur hors pair – lui permirent de se maintenir à flot entre ses périodes de travail et l’occupèrent comme trafiquant de fourrures, guide, transporteur de courrier et matelot sur des bateaux fluviaux. La chasse et le piégeage lui permirent aussi de lier amitié avec des autochtones, particulièrement avec Yinto, le chef d’une bande de Couteaux-Jaunes du Grand lac des Esclaves. Contrairement à la plupart de ses contemporains, Darrell n’utilisait habituellement ni canot ni attelage de chiens et parcourait en moyenne 1 500 milles tous les ans, à pied, se guidant grâce aux cartes à main levée qu’il traçait lui-même. Il ne faisait pas confiance aux cartes des autres ; « elles [ne] sont bonnes [qu’]à égarer [quelqu’un] », écrivait-il à sa famille en Angleterre. On croit qu’il en vint à connaître l’intérieur du Canada entre la baie d’Hudson et l’Alaska mieux que tout autre Blanc, et il se fit une réputation extraordinaire à voyager seul par toutes saisons, vivant de ce qu’il trouvait à des milles des habitations.

En 1901, l’explorateur David Theophilus Hanbury, qui avait entendu parler des talents inusités de Darrell, en fit son aide pour un voyage de 16 mois dans les territoires situés à l’ouest de la baie d’Hudson. Darrell tint un journal et dressa des cartes, mais après avoir lu le compte rendu que Hanbury publia de l’expédition, il fut en désaccord avec lui sur plusieurs points. Un contemporain déclara : « Je crois que Hubert considérait que Hanbury était inefficace et que [sa réputation] était surfaite, mais il faut admettre que les normes de Hubert étaient plutôt élevées. » Les deux hommes s’entendaient bien cependant, et Hanbury donna le nom de Darrell à un lac et à une rivière.

Darrell entretenait de bonnes relations avec d’autres explorateurs réputés de l’Arctique. Vilhjalmur Stefansson* chantait ses louanges, citant son voyage en solitaire dans les monts Endicott d’Alaska comme un exploit. En privé, Stefansson déclara que Darrell avait plus de réalisations à son crédit que nombre d’explorateurs célèbres de l’Arctique. Roald Amundsen parlait de lui en termes tout aussi élogieux. Il avait l’intention d’inclure Darrell dans son expédition au pôle Sud et déclara qu’avec des hommes comme lui, il « pourrait aller sur la lune » ; il le considérait aussi comme « un des meilleurs hommes de la race nordique ». Darrell participa à l’expédition d’Alfred H. Harrison dans l’ouest de l’Arctique en 1905, mais il la quitta parce qu’il estimait que les levés et la cartographie laissaient à désirer et à cause de conflits avec le chef. Par contre, il n’avait que des louanges pour les levés et la cartographie exécutés par le comte de Sainville dans le delta du Mackenzie. En 1909, il accueillit avec mépris la prétention de Robert Edwin Peary voulant qu’il ait atteint le pôle Nord. Trois ans plus tôt, il avait refusé de se joindre à une expédition polaire anglo-américaine largement publicisée et avait contesté la viabilité du projet. Lorsque l’expédition rencontra les difficultés que Darrell avait prévues, celui-ci était en train d’explorer les environs à pied et il fit part de ces difficultés au monde extérieur. Sa plus grande déception fut de ne pas faire partie du voyage entrepris en 1910 par le capitaine Joseph-Elzéar Bernier* dans les eaux de l’est de l’Arctique dans le but d’y affirmer la souveraineté du Canada.

Peu de temps après l’expédition qu’il fit avec Hanbury, Darrell alla visiter sa famille et ses amis à Birtle et en Angleterre. À Birtle, il aida Charles aux travaux de la ferme et le remplaça quand ce dernier se rendit en Angleterre. Il se fiança aussi avec Agnes Dudley, une institutrice qui ne put se résigner à aller vivre dans le Nord. Après la disparition de Darrell, elle entretint longtemps les recherches, puis elle épousa Charles.

De temps en temps, la Hudson’s Bay Company employa Darrell à divers titres, plus particulièrement pour transporter le courrier entre le fort McPherson (Fort McPherson, Territoires du Nord-Ouest) et les postes éloignés de l’Arctique, souvent à travers des centaines de milles de territoire inexploré. L’un de ses voyages le mena, en 1906, jusqu’à une flotte de baleiniers américains bloquée près de l’île Herschel (Territoire du Yukon). Certains des navires étaient pris dans les glaces depuis trois ans ; 500 pêcheurs de baleines eurent la vie sauve quand Darrell fit connaître au monde extérieur la pénible situation où ils se trouvaient.

À titre de constable spécial pour la Gendarmerie royale à cheval du Nord-Ouest de novembre 1906 à juin 1910, Darrell servit de guide, ouvrit des pistes ou aida la police autrement au cours de quatre longues patrouilles dans la région située entre le fort McPherson, Dawson et l’île Herschel. Parmi les policiers, il comptait au nombre de ses amis A. E. Forrest et W. J. D. Dempster, de réputés voyageurs eux aussi. Si Darrell n’avait pas disparu, il aurait rencontré la « patrouille égarée » de l’inspecteur Francis Joseph Fitzgerald*, dont les membres périrent en tentant de se rendre du fort McPherson à Dawson durant l’hiver de 1910–1911, puisqu’il avait projeté d’emprunter le même trajet.

La disparition de Hubert Darrell demeure un mystère. Au cours de l’été de 1910, avec ses amis le trafiquant Joseph Jacquot et sa femme, il entreprit un long voyage d’exploration et de prospection dont une partie avait pour but de corriger les cartes inexactes de la région de la rivière Anderson dressées par Harrison. Les Jacquot et Darrell se séparèrent le 21 septembre en se donnant rendez-vous le 5 décembre. Les dernières personnes à avoir vu Darrell vivant sont des Inuit qui voyageaient au sud-ouest de la baie Liverpool. S’il avait vécu plus longtemps, Hubert Darrell aurait sans aucun doute rejoint les Stefansson et Amundsen parmi les géants de l’exploration polaire.

Peter Lorenz Neufeld

En plus des sources citées ci-dessous pour la préparation de cette biographie, nous avons utilisé notre correspondance et nos notes de discussions avec Stephen North et W. E. Bailey, de Birtle, Manitoba, et Margaret Dudley, de Winnipeg, tous décédés.

Les journaux personnels de Hubert Darrell de 1899 à 1906, ses cartes faites à main levée entre 1900 et 1906, ainsi que sa correspondance avec ses parents en Angleterre entre 1899 et 1910, sont conservés au Scott Polar Research Institute, Cambridge, Angleterre, et peuvent être consultés sur microfilm aux AN, MG 30, B58 ; ses journaux sont aussi conservés sur microfilm aux GA. [p. l. n.]

Dartmouth College Library (Hanover, N.H.), Stefansson Coll., Vilhjalmur Stefansson corr., lettre à Agnes Dudley, 30 sept. 1912.— Dawson Daily News (Dawson, Yukon), 6 juill. 1911.— P. L. Neufeld, « The Birtle days of Arctic explorer Hubert Darrell », Eye-Witness (Birtle), 6 déc. 1979–30 mars 1980 ; « Hubert Darrell and Arctic furs », Eye-Witness, 19, 26 févr. 1975 ; et d’autres articles sur Darrell dans le Star (Whitehorse, Yukon), 15 août 1973 ; le Sun (Brandon, Manitoba), 14, 21 juill., 25 août 1973 ; et le Western Producer (Saskatoon), 16 août 1973.— Roald Amundsen, Roald Amundsen – my life as an explorer (Garden City, N.Y., 1927), 59s.— A view of the Birdtail : a history of the municipality of Birtle, the town of Birtle, and the villages of Foxwarren and Solsgirth, 1878–1974, [M. W. Abra, compil.] (Birtle, 1974).— Canada, Parl., Doc. de la session, 1906–1911, rapports annuels de la Gendarmerie royale à cheval du Nord-Ouest, app., 1906–1910.— D. T. Hanbury, Sport and travel in the northland of Canada (Londres, 1904).— P. L. Neufeld, « Arctic explorer Darrell on steamers », « The unpublished sketch maps of an Arctic explorer », and « The Hanbury expedition », in Seaports and the Shipping World (Montréal), sept. 1980 : 26s., 79 ; mai 1982 : 36s. ; et mars 1985 : 24s., 65 ; « Darrell, [Arctic guide of the Royal Mounted] », et « De Sainville : forgotten Mackenzie mapper », North (Ottawa), 20 (1973), no 3 : 34–36 et 27 (1981), no 4 : 54–56 ; « De Sainville and Darrell : newly discovered Arctic explorers » (document non publié présenté à la SHC, s.d. ; exemplaire aux AN, MG 28, I 4, 41) ; et « Hubert Darrell, forgotten giant of the north », Canadian Frontier (New Westminster, C.-B.), 3 (1974), no 3 : 4–7.— Vilhjalmur Stefansson, My life with the Eskimo (New York, 1913), 340–344.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Peter Lorenz Neufeld, « DARRELL, HUBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/darrell_hubert_13F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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