CYR, LOUIS (baptisé Cyprien-Noé, il porta ces prénoms jusque vers 1880), ouvrier agricole, bûcheron, haltérophile, policier et athlète d’exhibition, né le 10 octobre 1863 à Saint-Cyprien (Napierville, Québec), deuxième des 17 enfants de Pierre Cyr, bûcheron et cultivateur, et de Philomène Berger ; le 16 janvier 1882, il épousa à Saint-Jean-de-Matha, Québec, Mélina Comtois, et ils eurent une fille et un fils, qui mourut en bas âge ; décédé le 10 novembre 1912 à Montréal et inhumé le 14 à Saint-Jean-de-Matha.

Enfant à l’esprit vif, au caractère à la fois volontaire et doux, Cyprien-Noé Cyr est, dès son jeune âge, doué d’une force exceptionnelle, héritée semble-t-il de son grand-père paternel, Pierre Cyr, coureur de bois, trappeur et chasseur, mais aussi de sa mère, elle-même d’une carrure imposante et d’une force au-dessus de la moyenne. La force exceptionnelle du jeune garçon est d’ailleurs très tôt valorisée par le milieu familial, qui voue un intérêt particulier aux hommes forts et aux exploits de force physique en grande vogue à cette époque.

Après avoir fréquenté l’école de son village de 9 à 12 ans, Cyr commence à travailler dans un camp de bûcherons pendant l’hiver et à la ferme le reste de l’année. Il y réalise ses premiers exercices de force physique devant le public et il impressionne déjà son entourage par ses prouesses. Sa mère décide alors, selon l’un des biographes de Cyr, qu’il doit, à l’instar du personnage biblique Samson, se laisser pousser les cheveux, qu’elle-même frise régulièrement.

En 1878, la famille Cyr émigre aux États-Unis dans le but de faire fortune et s’installe à Lowell, dans le Massachusetts. C’est durant son séjour à Lowell que Cyprien-Noé change ses prénoms pour celui de Louis, qui se prononce plus aisément en anglais. Il occupe différents emplois, notamment dans une usine de textile, une ferme et un atelier de mécanique. Là encore, sa prodigieuse force physique fait rapidement sa renommée. À 17 ans, Cyr pèse quelque 230 livres. C’est un garçon à l’allure nonchalante et empâtée, dont les joues roses et les longues boucles blondes lui donnent un air de bébé qui lui attire bien des moqueries. Il aime jouer du violon, danser, s’entraîner à lever des poids et haltères, ainsi qu’à faire étalage de sa force. Vers l’âge de 18 ans, il participe à son premier concours d’hommes forts à Boston, où il réussit à lever un cheval de terre. Le gros bébé est alors pris au sérieux et devient respecté dans son milieu.

En 1882, la famille Cyr revient au Québec. Cette même année, Louis se marie et, pour gagner sa vie, il se fait bûcheron. Au camp, où les distractions sont plutôt rares, l’exhibition de sa force est l’une des activités les plus prisées. Il réalise exploits par-dessus exploits, dont le caractère exceptionnel est rapidement rendu public. Au printemps de 1883, dans le but d’améliorer sa situation financière, Cyr décide de retourner à Lowell avec sa femme. Il est chaleureusement accueilli par les Franco-Américains, déjà très au fait de ses exploits. Un dénommé MacSohmer lui propose alors d’organiser une tournée de spectacles dans les Maritimes et au Québec au cours de laquelle il ferait des numéros de force physique et lancerait des défis aux hommes forts. Cette tournée, qui commence au Nouveau-Brunswick, ne dure en fait que quelques mois et ne rapporte rien à Cyr, qui doit quitter l’escroc MacSohmer.

Cyr gagne alors le village de Sainte-Hélène (Sainte-Hélène-de-Bagot, Québec), où ses parents se sont installés. Il convainc sa famille d’organiser une tournée de spectacles où il présenterait ses propres numéros. Son père accepte de prendre en charge cette organisation. La troupe Cyr, comme on l’appelle à l’époque, se produit dans toute la province et remporte un énorme succès. Louis a le sens du spectacle et réussit facilement à persuader le public qu’il mérite amplement le titre d’homme le plus fort du Canada.

Toujours en 1883, Cyr se voit offrir un travail plus sédentaire, celui de policier à la ville de Sainte-Cunégonde (Montréal). Il occupe ce poste jusqu’en décembre 1885 puis repart en tournée avec une troupe d’athlètes mise sur pied par le Montréalais Gustave Lambert, lutteur, boxeur et leveur de poids. En mars 1886, il affronte à Québec David Michaud, reconnu comme l’homme le plus fort du Canada. Cyr l’emporte facilement en levant d’un bras une haltère de 218 livres (contre 158 livres pour Michaud) et en soulevant avec son dos 2 371 livres (contre 2 071 pour son adversaire). Le titre d’homme le plus fort du Canada revient dès lors à Cyr.

Vers 1888, Cyr acquiert une taverne à Montréal, rue Notre-Dame, où il exécute quelques tours de force pour amuser les clients. Toutefois, c’est sur scène qu’il se sent le plus à l’aise et, après moins d’un an, il reprend ses tournées avec sa propre troupe, dont font partie, entre autres, sa femme et son frère Pierre. Il parcourt le Canada et les États-Unis. En 1890, il se joint à une troupe américaine et s’impose de plus en plus comme l’homme le plus fort du monde. À l’automne de l’année suivante, il part pour l’Europe, où il veut mettre ce dernier titre en jeu. Il se produit principalement en Angleterre, mais les grands champions n’osent l’affronter et lui concèdent son titre.

De retour au pays en mars 1892, Cyr et l’homme fort Horace Barré signent un contrat d’un an avec le cirque américain des Ringling Brothers. En 1894, les deux hommes mettent sur pied leur propre cirque, composé d’athlètes, de jongleurs, d’acrobates et d’hommes forts. Pendant cinq ans, le cirque se produit sur les scènes canadiennes et américaines.

Toutefois, à compter de 1900, la santé de Cyr se détériore à cause de son embonpoint, de ses excès de table et de sa vie trop sédentaire. Atteint de la maladie de Bright, il doit se retirer prématurément de la compétition et de l’exhibition de tours de force. Il s’installe dans une ferme à Saint-Jean-de-Matha, où il reçoit ses amis, raconte ses exploits et, de temps à autre, se mesure à des compétiteurs qui veulent s’accaparer de son titre de champion, comme le géant Beaupré [Édouard Beaupré*] en 1901. Le dernier en liste, Hector Décarie, que Cyr affronte au parc Sohmer à Montréal en février 1906, ne peut le lui ravir, mais Cyr, qui connaît ses limites et son état de santé précaire, en profite pour léguer lui-même son titre au jeune aspirant.

Louis Cyr meurt à Montréal, à l’âge de 49 ans, dans la résidence de sa fille, le 10 novembre 1912. Dès le lendemain, les journaux diffusent la nouvelle. Le Soleil et la Presse, notamment, annoncent son décès à la une et consacrent, tout comme le Devoir et la Patrie, plusieurs colonnes à sa biographie et à l’énumération de ses exploits. Le journaliste du Soleil souligne que « sa glorieuse carrière d’athlète [...] a contribué à jeter sur [la] race [canadienne-française] l’éclat d’une réputation de force et de vigueur physique peu commune ». Ses contemporains ont immortalisé leur héros par une statue fort imposante, maintenant propriété du Musée de la civilisation à Québec, et qui permet aux Québécois de ne pas oublier Louis Cyr, dont on dit encore que les exploits sont restés inégalés.

Céline Cyr

En janvier 1908, Louis Cyr accordait une série d’entrevues à un journaliste de la Presse à qui il racontait sa vie, ses exploits et ses aventures. Ce récit, publié d’abord dans la Presse, a fait l’objet d’un livre intitulé Mémoires de l’homme le plus fort du monde (Montréal-Nord, Québec, 1980).

ANQ-M, CE1-19, 22 août 1885 ; CE5-30, 16 janv. 1882.— Le Devoir, 11 nov. 1912.— Montreal Daily Star, 19 mars 1886.— La Patrie, 11 nov. 1912, 29 mars 1970.— La Presse, 11 nov. 1912.— Le Soleil, 11 nov. 1912.— Annuaire, Montréal, 18881889.— Martin Franklin, Louis Cyr, l’homme le plus fort du monde ([Montréal, 1946]).— É.-Z. Massicotte, Athlètes canadiens-français ; recueil des exploits de force, d’endurance, d’agilité, des athlètes et des sportsmen de notre race depuis le xviiie siècle ; biographies, portraits, anecdotes, records (2e éd., Montréal, [1909]).— Ben Weider, les Hommes forts du Québec (Montréal, 1973) ; Louis Cyr, l’homme le plus fort du monde (2e éd., Outremont, Québec, 1993).— S. F. Wise et Douglas Fisher, Canada’s sporting heroes (Don Mills [Toronto], 1974).

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Céline Cyr, « CYR, LOUIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 30 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/cyr_louis_14F.html.

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Auteur de l'article:    Céline Cyr
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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
Date de consultation:    30 novembre 2024