CROCKET, JAMES HARVIE, journaliste et éditeur de journaux, né le 20 avril 1859 à Campbellton, Nouveau-Brunswick, fils de William Crocket, éducateur réputé, et de Marion Caldwell ; le 11 août 1885, il épousa à Fredericton Annie Maud Vradenburgh (décédée en 1927), et ils eurent deux fils et deux filles ; décédé le 17 avril 1930 à Salamanca (Fredericton).

D’ascendance écossaise, James Harvie Crocket fit ses premières études à la Presbyterian Academy de Chatham au Nouveau-Brunswick, dont son père était le directeur. En 1870, ce dernier fut nommé directeur de la Normal School de Fredericton, et Crocket fréquenta plus tard la Model School et la Collegiate School de cette ville. En 1875, à l’âge de 16 ans, James Harvie fit ses débuts dans les journaux en tant que correspondant pour le Saint John Daily News. Deux ans plus tard, il s’installa à Saint-Jean pour se joindre au personnel du journal. En 1879, il s’associa à A. W. Patterson en tant que coéditeur du Gleaner de Chatham, mais cet hebdomadaire n’exista que jusqu’en avril de l’année suivante. Associé à Herman Henry Pitts, il fonda en 1881 le York Gleaner de Fredericton, hebdomadaire à feuillet unique qui portait bien son nom, car il était constitué d’informations glanées dans d’autres journaux. Plus tard cette même année, Crocket racheta les parts de Pitts et devint le seul propriétaire. Le journal poursuivit ses activités jusqu’en décembre 1884, mais dans l’intervalle, en mai, Crocket avait créé une édition trihebdomadaire, le Gleaner (il est possible qu’une édition bihebdomadaire ait existé plus tôt au cours de cette décennie). Le 25 novembre 1889, le journal devint le Daily Gleaner, ce qui reflétait le changement de la fréquence de publication. Crocket en demeurerait président et directeur administratif jusqu’à son décès en 1930. Pendant une brève période en 1909, il assuma en plus la direction du Standard de Saint-Jean.

Crocket dirigeait son journal efficacement. Il adopta les toutes dernières innovations en matière d’équipement d’imprimerie. Au départ, le Gleaner avait été produit à l’aide d’une presse actionnée à la main. Elle fut remplacée par une presse à plat actionnée à la vapeur et, en 1908, par une presse rotative. En 1907, Crocket fit installer une Linotype et, l’année suivante, il acquit le premier équipement de stéréotypie de Fredericton. En 1907, il avait également été le premier de la ville à utiliser un service « d’agence de presse ». Les améliorations qu’il apporta portèrent fruit. D’un tirage de 500 exemplaires en 1893, le quotidien ne cessa de croître et atteignit presque 2 000 exemplaires en 1903 et 6 000 en 1922, ce qui constituait le plus important tirage pour un quotidien dans la province. Le frère de James Harvie, Charles Stewart (Stuart) Ogg Crocket, travaillait aussi dans l’édition de journaux. De 1897 à 1904 environ, il fut éditeur du Weekly Globe de St Stephen (St Stephen-Milltown). En tant qu’éditeur et rédacteur en chef du Tribune (qui deviendrait le Campbellton Tribune) de 1905 à 1939, Charles Stewart Ogg serait décrit par l’historien John Russell Harper comme un « porte-parole remarquable des intérêts de la région du nord du Nouveau-Brunswick ».

James Harvie Crocket avait la réputation d’être un éditorialiste énergique et très dur ; il basait ses arguments sur des recherches solides. Partisan des conservateurs à la fin du xixe siècle et au début du xxe, il joua un rôle important dans l’élection du chef de parti John Douglas Hazen* à l’Assemblée législative en 1903. En 1906, au cours du débat à l’Assemblée concernant la situation financière de la province, l’opposition affirma que le gouvernement de Lemuel John Tweedie* avait mis son compte à découvert. Le Gleaner enjoignit au gouvernement « de dire toute la vérité » à ses électeurs. Selon le journal, les banques avaient refusé au gouvernement une avance de 38 000 $.

Le style agressif de Crocket fut manifeste dans l’éditorial du Gleaner qui traita de ce qui serait connu sous le nom d’affaire Emmerson. Le 19 février 1907, à la Chambre des communes, un député fédéral conservateur du Nouveau-Brunswick, George William Fowler, accusa des ministres ou des membres du gouvernement de sir Wilfrid Laurier* d’entretenir un attachement pour « les femmes, le vin et la corruption ». Un éditorial du Gleaner daté du 27 mars reconnaissait Henry Robert Emmerson*, ministre des Chemins de fer et Canaux, comme l’une des personnes en question et poursuivait en affirmant qu’Emmerson avait été expulsé d’un hôtel de Montréal à cause de ses fréquentations immorales. Emmerson nia les allégations du Gleaner, mais abandonna le portefeuille dont il était responsable. Il engagea ensuite des poursuites contre le Gleaner et les journaux qui avaient reproduit l’éditorial. Le 21 mai, Crocket fut arrêté pour libelle diffamatoire. Au procès, il fut défendu par Hazen ; le conseiller d’Emmerson était William Pugsley, qui le remplacerait bientôt en tant que député du Nouveau-Brunswick au sein du cabinet Laurier. Conséquemment à la déclaration du juge Pierre-Amand Landry* en juin 1907 selon laquelle les affirmations du Gleaner, peu importe leur exactitude, servaient l’intérêt du public, Emmerson expliqua à la presse que c’était une « perte de temps de poursuivre l’affaire ». En janvier 1908, la Cour suprême du Nouveau-Bruswick entendit une demande au nom de Crocket visant à faire rejeter la poursuite. Personne ne se présenta au nom d’Emmerson et l’affaire fut abandonnée.

Crocket, en étroite relation avec les conservateurs fédéraux et provinciaux, travailla dans les coulisses en 1914 afin d’obtenir la démission du premier ministre conservateur James Kidd Flemming à la suite d’accusations de corruption. Selon la Canadian annual review de 1919, après qu’un deuxième scandale majeur eut secoué le parti, Crocket « recommanda un changement immédiat de la direction [du parti] » et il allait continuer d’insister sur cette question pendant quelque temps. Il y avait du mécontentement au sein du parti à Fredericton pour d’autres raisons. Certains, dont la famille Crocket, avaient l’impression que Richard Burpee Hanson*, avocat conservateur bien en vue, n’avait pas suffisamment apporté son soutien au frère de Crocket, Oswald Smith, qui cherchait à être nommé à la Cour du banc du roi en 1913. Hanson s’était en plus opposé au désir de James Harvie d’entrer au Sénat. Hanson, qui avait des intérêts financiers dans le Gleaner, était inquiet au sujet de ce qu’il croyait être un soutien moins enthousiaste de la part de Crocket envers certains de ses projets tandis que ce dernier accordait progressivement son soutien aux libéraux au début des années 1920. Le conflit atteignit son point culminant le 14 février 1924 dans un éditorial du Gleaner qui portait cinq accusations contre Hanson. On l’accusait notamment d’avoir modifié un jugement de la cour, d’avoir conseillé les deux parties dans une cause en 1922 et, dans un autre procès, d’avoir « soi-disant » fabriqué une preuve dont on avait dit qu’elle était manquante. Hanson exigea une rétractation. Le Gleaner refusa et l’affaire fut portée devant le tribunal. On adjugea à Hanson une somme de 100 $. Le Gleaner fit appel, mais en vain. Dès 1923, Crocket était résolument passé dans le camp libéral ; il y demeurerait le reste de sa vie.

Après le décès de James Harvie Crocket en 1930, ses fils, James Alexander et William Wallace, devinrent propriétaires et directeurs du Gleaner. Homme d’affaires prospère, rédacteur en chef et éditeur de journaux remarquable, James Harvie Crocket joua un rôle dans les drames politiques qui secouèrent la province.

Eric L. Swanick

Daily Gleaner (Fredericton), 19 avril 1930.— Union Advocate (Newcastle, N.-B.), 23 avril 1930.— Canadian annual rev., 1903, 1907–1908, 1916–1917, 1919.—W. W. Crocket, « The press in Fredericton », dans Fredericton’s 100 years : then and now, Frank Baird, édit. (Fredericton, [1948 ?]), 226–233.— A. T. Doyle, Front benches & back rooms : a story of corruption, muckraking, raw partisanship and intrigue in New Brunswick (Toronto, 1976).— Charles M. McK. Ferris, « The New Brunswick elections of 1917 » (mémoire de M.A., Univ. of New Brunswick, Fredericton, 1974).— R. E. Garland et L. G. Machum, Promises, promises ... an almanac of New Brunswick elections, 1870–1980 (Saint-Jean, N.-B., 1979).— Hanson c. The Gleaner, Limited (1925), New Brunswick Reports (Toronto), 52 : 195–214.— J. R. Harper, Historical directory of New Brunswick newspapers and periodicals (Fredericton, 1961).— Louise Manny, « From Miramichi to Fredericton : a Gleaner story », Atlantic Advocate (Fredericton), 58 (1967–1968), no 1 : 22–24, 27.— [J. A. Neville], Fredericton newspapers and their times (s.l., 1933 ?).— N. W. Ayer & Son’s American newspaper annual and directory [...] (Philadelphie), 1884, 1893, 1903, 1922.— Prominent people of New Brunswick […], C. H. McLean, compil. ([Saint-Jean], 1937).— Répertoire des journaux du Nouveau-Brunswick, 1783–1988, H. [C.] Craig, compil. (Fredericton, 1989).— W. W. Thorpe, « Richard Burpee Hanson : a study of his relations with the constituency of York-Sunbury » (mémoire de m.a., Univ. of New Brunswick, 1973).— Vital statistics from N.B. newspapers (Johnson), 64, no 663.

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Eric L. Swanick, « CROCKET, JAMES HARVIE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/crocket_james_harvie_15F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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