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CRIDDLE, NORMAN, fermier, artiste, entomologiste, naturaliste, fonctionnaire et auteur, né le 14 mai 1875 à Addlestone, Angleterre, fils aîné de Percy Criddle et d’Alice Nicol ; décédé célibataire le 4 mai 1933 à Brandon, Manitoba.
Pendant qu’il poursuivait ses études en Allemagne, le père de Norman Criddle, Percy, prit pour maîtresse Elise Harrer. En 1867, elle alla avec lui à Londres, où il devint marchand général. Elle vivait dans un appartement au-dessus du commerce. Le couple eut plusieurs enfants. En septembre 1874, Percy épousa Alice Nicol, femme très instruite, et ils élurent domicile à Addlestone. En 1880, quatre enfants étaient déjà nés de cette union, dont Norman, le premier. Deux ans plus tard, Percy, Alice, Elise et leurs neuf enfants immigrèrent au Canada. Vers cette époque, Elise et ses enfants, qui avaient porté le nom de Criddle en Angleterre, adoptèrent le nom de Vane pour des raisons qu’on ignore. Percy et ses deux familles s’installèrent sur une concession statutaire près de la future localité manitobaine de Treesbank, au sud-est de Brandon, dans un district qui prendrait le nom d’Aweme.
Durant leurs premières années dans les Prairies, les familles habitaient une maison de rondins de quatre pièces, pleine de courants d’air, et avaient très peu d’argent et de nourriture. Percy planifia l’aménagement de la ferme, mais délégua bon nombre des travaux à ses enfants. Ceux-ci ne reçurent comme instruction que ce que leur transmit Alice, généralement pendant les soirées d’hiver. Les sports et l’histoire naturelle étaient leurs passe-temps.
Norman Criddle commença à dessiner et à peindre des fleurs et des insectes vers 1893, et il exposa au moins 125 illustrations de plantes à fleurs à la foire de Brandon en 1898. Cependant, le manque d’argent pour se procurer du matériel freinait sa production. Il envoya des dessins de fleurs à Ottawa pour les faire identifier, et ils retinrent l’attention de James Fletcher*, entomologiste et botaniste du dominion. De 1898 à 1903, le sud du Manitoba fut ravagé par une invasion de sauterelles, contre laquelle lutta Criddle à la ferme familiale avec l’aide de son demi-frère Harry Vane. Ils inventèrent un bac en forme de traîneau dans lequel ils faisaient un feu de bois ; un cheval le tirait ensuite, ce qui dérangeait les sauterelles, de sorte qu’elles sautaient dans le feu. En 1900, pendant qu’il menait une étude sur l’invasion, Fletcher se rendit à Aweme et se lia d’une amitié solide avec Criddle. L’année suivante, ce dernier inscrivit dans son journal : « Avec Harry Vane, j’ai découvert un remède simple pour tuer les locustes. » Reconnu par la suite et nommé « formule de Criddle », cet appât insecticide à base d’arsenic serait utilisé pendant plus de 30 ans. L’invasion marqua la dernière apparition du criquet des montagnes Rocheuses (Melanoplus spretus), espèce aujourd’hui disparue dont la dernière prise connue de spécimens vivants est attribuée à Criddle en 1902.
La rencontre de Criddle avec Fletcher mena à la reconnaissance officielle de sa formule et lui procura du travail : il montra aux agriculteurs comment s’en servir. Il reçut aussi des commandes d’œuvres d’art. À l’hiver de 1904–1905, il se rendit à Ottawa afin de terminer des illustrations en couleurs pour une publication gouvernementale rédigée par Fletcher et George Harold Clark, Farm weeds of Canada, qui paraîtrait dans cette ville en 1906. Ce fut pour lui la première occasion de se mêler à des membres de la communauté scientifique canadienne. Pendant les huit années suivantes, il partagea son temps entre l’agriculture, l’illustration botanique et l’analyse de mauvaises herbes et de graines pour le bureau de Calgary du ministère de l’Agriculture.
En février 1912, Charles Gordon Hewitt*, qui avait succédé à Fletcher, offrit à Criddle son premier poste d’entomologiste. Il devait entrer en fonction à l’été afin d’effectuer des recherches sur les insectes nuisibles aux cultures manitobaines ; toutefois, par manque de fonds, le gouvernement retarda sa nomination jusqu’en 1913. En mars 1914, Criddle fut nommé responsable du laboratoire régional d’entomologie de Treesbank, poste qu’il occuperait jusqu’à la fin de ses jours. Sa première tâche consistait à construire le laboratoire. Cependant, son devis initial de 165 $ fut jugé exorbitant, si bien qu’il dut attendre un an et recourir à la main-d’œuvre offerte par sa famille pour permettre au gouvernement d’économiser 57 $. Son père construisit une aile à même la maison familiale pour accueillir les travailleurs et les visiteurs que Criddle prévoyait recevoir. Parmi ces personnes figureraient ses assistants, Roy Mason White, embauché en 1922, et Richard Henry Handford, qui commencerait en 1928. Dans les années 1920, Criddle accueillerait fréquemment John Braithwaite Wallis, entomologiste amateur et expert en cicindèles, ainsi que Ralph Durham Bird, écologiste de la University of Oklahoma.
Après sa rencontre avec Fletcher en 1900, Criddle avait envoyé tous les ans à l’entomologiste du dominion un compte rendu sur les insectes nuisibles. De 1911 à 1913, puis à compter de 1921, il publia des rapports annuels sur le même sujet ; de 1929 jusqu’à la fin de sa vie, il les rédigerait avec la collaboration d’Alvin Valentine Mitchener, de l’université de Manitoba. Ces documents sont une mine d’information, en grande partie encore d’actualité, mais souvent méconnue. Par exemple, jusqu’à la fin des années 1990, on croyait que la cécidomyie orangée du blé avait été signalée pour la première fois dans les Prairies par Mitchener en 1954 ; or, Criddle avait fait mention de la présence de l’insecte au Manitoba en 1901.
À sa nomination, en 1913, Criddle avait reçu le mandat d’effectuer des recherches sur la mouche de Hesse et le cèphe du blé. En 1915, il publia un ouvrage dans lequel il décrivait les stades de développement et les comportements des deux insectes ; son étude scientifique sur le cycle biologique du cèphe paraîtrait dans la revue Canadian Entomologist à London, en Ontario, en 1923. Criddle fit de la recherche sur les sauterelles tout au long de sa carrière. Il publia une variété de documents sur le sujet, tels que des recettes pour les éliminer et des études détaillées de leur biologie et des causes possibles des invasions. Il décrivit le stade nymphal de plus de 30 espèces de sauterelles, ainsi que le milieu écologique et l’alimentation d’environ 80 espèces. En octobre 1931, en collaboration avec Handford et White, il fut l’instigateur du premier examen automnal d’œufs de sauterelles effectué dans l’ensemble des Prairies afin de faire des prévisions sur l’invasion de l’été suivant.
Criddle n’était pas qu’un entomologiste voué à la protection des cultures : il s’intéressait aussi à diverses sphères de l’histoire naturelle. De ses quelque 125 publications, environ 40 % traitent de lutte contre les ravageurs, 10 % sont des études biologiques de base sur des insectes, 25 % portent sur l’ornithologie et le reste, soit 25 %, englobe une variété de sujets, dont les plantes et les mammifères. En collaboration avec son frère Stuart Criddle, il écrivit trois ouvrages sur les mammifères. Témoin de la transformation de la prairie naturelle en un paysage agricole, il comptait parmi les premiers défenseurs de la conservation des habitats.
Apprécié de ses contemporains pour sa contribution à l’entomologie économique et à l’histoire naturelle, Criddle reçut en mars 1933 un diplôme honorifique en agriculture du Manitoba Agricultural College, la « plus grande distinction décernée par l’établissement ». À cette occasion, ses collègues, ses amis et sa famille lui rendirent un grand hommage. À sa mort, peu après cet événement, ses collègues écrivirent dans le Canadian Entomologist, alors publié à Orillia, en Ontario, qu’il était « le naturaliste de terrain le plus savant de tout le Canada ». Décrit comme « un homme d’une grande bonté et [d’une grande] modestie, au zèle discret et constant », il avait joué « un rôle si important et prépondérant dans toutes les activités liées à l’entomologie dans les Prairies » que ses pairs déplorèrent la perte d’un « collègue, ami et leader irremplaçable dans le domaine des sciences ». Au cours de la vie de Criddle, son nom fut donné à pas moins de 29 espèces d’insectes et à un gène.
L’apport de Norman Criddle à l’entomologie économique se fait encore sentir en ce xxie siècle. Ses études de la biologie du cèphe du blé, de la mouche de Hesse et de nombreuses espèces de sauterelles font toujours autorité et continuent d’être citées par les chercheurs. La prévision des invasions de sauterelles qu’il a instaurée s’effectue chaque année dans les provinces des Prairies. Ses idées sur l’intégration des organismes aux écosystèmes étaient très avant-gardistes. Dans l’une de ses dernières publications, il décrivit l’habitat de 31 espèces de sauterelles. Il montra que les habitats se regroupaient en 13 associations et il énuméra les espèces dominantes de plantes, de vertébrés et de sauterelles propres à chaque association. Sa conception de l’interdépendance des écosystèmes des Prairies n’était pas conforme aux idées de son époque, mais elle cadrerait tout à fait avec les principes écologiques modernes.
AM, P 4661–4665 (Norman Criddle fonds).— Entomological Soc. of Manitoba, Arch. (Winnipeg), N. Criddle papers.— Alma Criddle, Criddle-de-diddle-ensis : a biographical history of the Criddles of Aweme, Manitoba, pioneers of the 1880’s (Winnipeg, 1973).— Arthur Gibson et H. G. Crawford, « Norman Criddle », Canadian Entomologist (Orillia, Ontario), 65 (1933) : 193–200 [on y trouve une liste partielle des publ. de Criddle].— N. [J.] Holliday, « Norman Criddle », Soc. d’entomologie du Canada, Bull. (Ottawa), 37 (2005) : 10–19.— Hoyes Lloyd, « Norman Criddle, 1875–1933 », Canadian Field-Naturalist (Ottawa), 47 (1933) : 145–147.— Manitoba, Conservation and Water Stewardship, Parks and natural areas branch, « Criddle/Vane Homestead Provincial Heritage Park » : www.gov.mb.ca/conservation/parks/popular_parks/western/criddle.html (consulté le 1er avril. 2013).— P. W. Riegert, From arsenic to DDT : a history of entomology in western Canada (Toronto, 1980) ; « Norman Criddle », dans Biographical dictionary of American and Canadian naturalists and environmentalists, K. B. Sterling et al., édit. (Westport, Conn., 1997).— « Wawanesa : a prairie heritage » : epe.lac-bac.gc.ca/100/200/301/ic/can_digital_collections/wawanesa/E.html (consulté le 1er avril. 2013).
N. J. Holliday, « CRIDDLE, NORMAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/criddle_norman_16F.html.
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Auteur de l'article: | N. J. Holliday |
Titre de l'article: | CRIDDLE, NORMAN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2014 |
Année de la révision: | 2014 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |